Cette biographie de sainte Thérèse d'Avila - à ne pas confondre à avec sainte Thérèse de Lisieux - était sur ma LAL depuis tellement longtemps et m'avait été recommandée à plusieurs reprises. Cette œuvre de Marcelle Auclair se lit comme un roman. Il faut dire que Teresa Sánchez de Cepeda Dávila y Ahumada vit à l'époque des hidalgos, de la conquête des Indes, de Charles Quint et de Luther, dans la glorieuse Espagne. La plume vivante de l'auteure nous fait bien sentir l'exaltation de l'époque, la richesse qui vient du nouveau monde et l'énergie de Thérèse. Car c'est bien Teresa que nous allons suivre, de sa naissance en 1515 (Marignan !) à sa mort en 1582.
Teresa grandit dans une famille nombreuse, c'est la fille d'Alonso Sánchez de Cepeda et Beatriz Dávila y Ahumada. Enfant vive et jolie, elle aime lire, écrire et jouer à l'ermite. Adolescente, elle cherche à plaire. C'est donc une surprise de la voir rentrer au couvent suite à une maladie. Là, elle continue à souffrir de nombreux maux, reste paralysée deux ans, et ne prend pas beaucoup soin d'elle. On la voit apprendre à prier, tout en restant en partie dans le monde - ce n'était pas un ordre cloitré. Elle guérit et commence à voir le Christ lui apparaitre, se demandant s'il s'agit de tentations ou non.
"Le Seigneur n'attendait que la décision de Teresa pour la combler de grâces spirituelles. "A peine avais-je détourné mon regard des occasions de pécher, et déjà Sa Majesté recommençait à m'aimer... Il me semblait que je venais à peine de me disposer à le servir, et déjà Sa Majesté recommençait à me choyer...""
Ces visions / extases dureront toute sa vie. La vie du couvent commence à lui sembler trop mondaine et elle désire simplifier la vie des sœurs.
"A quelques ferventes près, le monastère de l'Incarnation semblait plutôt une pension de dames seules, où chacune, suivant sa fortune, son rang, ses attraits personnels, s'organisait une existence plus ou moins agréable, dans la pratique de vertus estimées indispensables pour atteindre, sans trop de peine, à une position de bonne compagnie dans l'autre monde. Dans l'autre monde : car en celui-ci "il est impossible de rien réussir de bien lorsqu'il y a plus de quarante femmes ensemble : tout n'est que tumulte et tohu-bohu, elles s'entravent les unes les autres". Teresa trouva beaucoup d'amies pour l'aider à tomber parmi les cent quatre-vingt nonnes de l'Incarnation, alors que, pour se relever, elle était seule"
C'est ainsi qu'elle réforme l'ordre du carmel, fondant le monastère Saint-Joseph, et revenant à la règle d'origine : pauvreté, clôture, jeûne, prière et obéissance. Il n'est plus question de visites, les sœurs ne peuvent communiquer avec l'extérieur qu'au parloir et selon des règles strictes. Elles sont aussi peu nombreuses par couvent. Elles ne possèdent rien et se vêtent de bure et sandales.
Mais cette réforme est loin d'être simple ! Les carmes non-réformés ne vont cesser de médire de Teresa et des siens, comme Saint Jean de la Croix, le réformateur des couvents masculins. Et les autres ordres ne sont pas en reste. Teresa aura aussi affaire à l'inquisition et aux médisances. Alors quand elle se met à fonder divers couvents, c'est souvent compliqué et à contre courant. Toutefois, elle reste droite, soutenue par la prière et les extases mystiques. Femme active, d'une force de caractère et d'une vitalité étonnante vue sa santé, elle meurt après avoir réformé un ordre, fondé une quinzaine de couvents, écrit des ouvrages sur l'oraison.
La biographie s'arrête avec sa mort et ce qu'il advint de son corps - dispersé et découpé en reliques. Il y a quelques mots sur sa béatification et sanctification mais pas sur comment elle est devenue docteur de l'Eglise - sacré titre - et la première femme à l'être.
"Elle semblait d'autant moins douée pour la sainteté qu'elle était mieux faite pour le succès dans le monde, se jugeait pétrie de défauts et de contradictions : orgueilleuse, mais futile ; dominatrice, mais sensible aux influences ; elle parle de son "extrême dissimulation" et de son horreur du mensonge, de son gout de plaire, qui ne freine pourtant pas ses vivacités d'humeur capables de se manifester en colères "terribles" ; et ce point d'honneur, ce "noir amour-propre", cet amour-propre mal entendu "chaîne que nulle lime n'entame" !"
"L'instant où s'efforçant de décrire la sorte d'hébétude dans laquelle elle se trouvait parfois, tout absorbée en Dieu, Teresa dit :
- Il me semble que mon âme est comme un petit âne en train de brouter..."