Vive le déconfinement, mais attention au relâchement !

Publié le 12 juin 2021 par Sylvainrakotoarison

" Grâce à la vaccination, la sortie de crise se dessine enfin. (...) Le vaccin est efficace. (...) La meilleure preuve, elle en est d'ailleurs dans la situation des résidents des maisons de retraite qui, vaccinés à plus de 90%, ont pu progressivement reprendre une vie normale. Notre enjeu principal aujourd'hui, c'est donc d'accélérer, encore et encore. (...) Nous mettons tous les moyens pour vacciner, vacciner, vacciner. Sans répit, sans jour férié. Le samedi et le dimanche comme la semaine. (...) Nous tiendrons l'objectif que je nous ai fixé, à savoir que d'ici [à] la fin de l'été, tous les Français de plus de 18 ans qui le souhaitent pourront être vaccinés. Car c'est la clef pour renouer avec la vie. La clef pour rouvrir notre pays. " (Emmanuel Macron, allocution présidentielle du 31 mars 2021).

Le mois de juin 2021 sera comme le mois de juin 2020, celui du soulagement. Il y a beaucoup de sources de soulagement dans cette crise sanitaire qui ne se termine toujours pas. D'une part, l'épidémie "baisse". Oui, je sais, l'expression ne signifie pas grand-chose, disons qu'elle signifie que le nombre de nouveaux cas détectés baisse, le nombre de personnes hospitalisées baisse, le nombre de lits occupés en réanimation baisse, le nombre de décès baisse. Cette pente qui descend donne une sorte d'appel d'air de soulagement. D'autre part, c'est le déconfinement. Il a été très progressif, avec quatre étapes : le 3 mai, le 19 mai, le 9 juin et le 30 juin 2021.
Mais la date du 9 juin 2021 est peut-être la plus importante : le couvre-feu est repoussé à 23 heures, les restaurants sont rouverts même à l'intérieur, bref, la vie sociale, qui a commencé à reprendre il y a trois semaines, va pouvoir se poursuivre, se renforcer, avec une optique essentielle, économiquement cruciale, mais aussi psychologiquement cruciale, les vacances estivales, le tourisme, le repos mérité, et cette année, très mérité puisque depuis septembre 2020, nous étions en permanence plus ou moins confinés.
Participant à cette respiration nationale, le Président Emmanuel Macron est allé dîner à La Rotonde, à Montparnasse, la brasserie qui l'avait accueilli pour fêter sa victoire du premier tour le soir du 23 avril 2017 (dans les images sur Internet, il est donc logique d'en voir beaucoup d'Emmanuel Macron sans masque, puisqu'elles datent de 2017 et pas de 2021).

Certains pourraient dire que le Président Emmanuel Macron a réussi sa stratégie, ou du moins, qu'elle a été payante : ne pas reconfiner trop rapidement en janvier 2021 pour ne pas asphyxier l'économie des entreprises ni le mental des particuliers, mais suffisamment quand même à la fin du mois de mars 2021 pour amorcer une descente à partir de la fin du mois d'avril 2021.
Pourtant, il n'y a pas de quoi pavoiser. Pendant cinq mois, il y a eu un palier de plusieurs centaines de décès quotidiens, certains médecins l'ont comparé à un crash de long-courrier chaque jour et ils ont eu raison de faire cette comparaison. Il y a des décès qui émeuvent plus que d'autres. Il y a quelques jours, la France a atteint le seuil de 110 000 décès dus au covid-19 (au 11 juin 2021, 110 344 exactement). Il y a eu en tout plus de 5,7 millions de personnes contaminées, certaines, qui en ont réchappé, ont gardé des séquelles. Pas de quoi pavoiser car il y a près de six mois, au début du deuxième déconfinement, le 15 décembre 2020, il y avait 59 072 décès, soit 51 273 pendant cette période, soit une moyenne de 290 décès par jour, y compris ces dernières semaines.
Au-delà de la chute des courbes qui s'accélère même aujourd'hui (nous en sommes à 5 100 nouveaux cas détectés en moyenne tous les jours en moyenne sur sept jours, soit pas loin du seuil pour déconfiner lors de la deuxième vague, 5 000 nouveaux cas par jour), depuis décembre dernier, nous n'étions jamais redescendus en dessous de 15 000 nouveaux cas. La bonne nouvelle, c'est que les terrasses bondées, souvent sans respecter rigoureusement les gestes barrières, n'ont pas fait remonter les courbes. C'est heureux, c'était le cas aussi l'an dernier et il faut s'interroger sur cette descente.
Car trois facteurs pourraient expliquer la baisse continue de l'épidémie, et nous avons une baisse parallèle dans d'autres pays, comme en Allemagne et en Italie.
En Allemagne, c'est étrange car il y a beaucoup moins de cas détectés, mais il y a aussi beaucoup moins de tests réalisés (en tout, 88,4 millions de tests ont été réalisés en France, soit 1,4 test par habitant, et 62,2 millions en Allemagne, soit 0,7 test par habitant, bref, deux fois moins). En revanche, il y a plus de décès qu'en France. En moyenne quotidienne sur les sept derniers jours, il y a eu 97 décès en Allemagne et 63 en France. Avec des pentes descendantes similaires. La raison ? Peut-être une meilleure stratégie vaccinale en France où l'on s'est appliqué à vacciner d'abord massivement les populations vulnérables (mais la stratégie en Allemagne n'était pas très éloignée).
Cette mortalité plus forte se voit aussi en long terme, en reprenant les données depuis le 15 décembre 2020 et en les comparant avec celles de la France (voir plus haut). L'Allemagne est passée de 23 692 à 90 347 décès, soit 66 655 décès, une moyenne de 377 décès par jour (en France, pour la même période, 290). Cette année a été plus meurtrière en covid-19 en Allemagne qu'en France (dans l'absolu, car en relatif, c'est équivalent : si on fait la règle de trois avec les populations, on retrouve 291 décès quotidiens si l'Allemagne avait le même nombre d'habitants que la France).
Mais revenons aux conditions de la baisse de l'épidémie en France. Trois raisons possibles : la vaccination, le confinement et la saisonnalité. Peut-être qu'il y a une part des trois, mais il est fort peu probable que la vaccination ait eu une incidence directe sur le nombre de cas, puisque pour cela, il faudrait atteindre l'immunité collective et nous en sommes encore loin. La saisonnalité ? C'était le cas aussi en mai et juin 2020, forte descente. Et en décembre 2020 et janvier 2021, en revanche, nous n'avons jamais réussi à baisser vraiment et nous avons gardé ce très haut palier meurtrier. Donc, la part de saisonnalité est très possible, même si la situation en Inde et surtout (j'y viens plus loin), au Royaume-Uni, tous les deux dans l'hémisphère nord, n'apparaît pas en cohérence avec une saisonnalité bien établi. C'était le cas aussi en Amérique de Sud l'été et l'hiver derniers. Reste donc ce troisième confinement, pourtant très léger mais qui nous a incités, j'écris "nous" mais je pourrais écrie "les gens", à faire attention, à bien respecter les gestes barrière, à prendre conscience de la gravité de la crise, de sa durée.
À court et moyen terme, la France pourrait être optimiste. Il y a plusieurs différences avec l'été 2020 : d'une part, les gestes barrières sont mieux respectés, le port du masque est devenu une évidence (qui n'a commencé qu'au milieu de l'été 2020) ; d'autre part, la campagne de vaccination massive est une réussite. L'objectif du gouvernement de 30 millions de personnes vaccinées au 15 juin 2021 est atteint avec quatre jours d'avance, de personnes qui ont reçu au moins une dose. 15 millions de personnes ont reçu les doses nécessaires (selon leur situation) pour être complètement vaccinées. Cela signifie que les formes graves seront plus rares et que le virus sera freiné.
Cependant, il y a aussi des sources d'inquiétudes. L'une des principales est la difficulté à faire vacciner toute la population, en raison de réticences diverses et variées. Le principe de non obligation paraît néanmoins essentiel, ne serait-ce qu'en termes d'efficacité. L'idée est de réduire au maximum le taux de non protection des populations vulnérables.
Au 10 juin 2021, 83,3% des personnes de plus de 75 ans sont vaccinées, et les personnes âgées de 65 à 75 ans sont vaccinées à 84,0% (ont dépassé donc la catégorie précédente). Les plus jeunes ont un taux de couverture plus faible, mais c'est normal puisqu'il y avait un ordre de priorité en fonction de l'âge. Il y a donc un peu plus de 15% de personnes de plus de 65 ans qui ne sont pas protégées par le vaccin. On pourrait croire que ce n'est pas beaucoup et pourtant...

Lors de la première vague, il a été estimé que 5,3% de la population française a été contaminée par le virus. Et cela a suffi à saturer les services de réanimation. Les spécialistes semblent être d'accord avec le taux de couverture pour atteindre l'immunité collective : 80% de la population totale (enfants compris), ou 90% de la population adulte. Le professeur Gilles Pialoux a d'ailleurs admis que ce n'était pas aux adolescents (12 à 18 ans) de porter le chapeau du manque de responsabilité des adultes qui ne veulent pas se faire vacciner, en particulier dans les tranches 20 à 40 ans.
Gilles Pialoux, professeur à la Sorbonne et chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Tenon, a insisté sur RMC ce 11 juin 2021 : " On est toujours en liberté conditionnelle. ". Et il n'a pas hésité à jeter un pavé dans la mare : " On ne pourra pas passer à côté de l'obligation vaccinale. ". Car pour lui, il y a une véritable course entre vaccin et les variants. La vaccination ne doit pas seulement éviter les formes graves (c'est la protection individuelle), il faut aussi qu'elle arrête la circulation du virus (c'est la protection collective). Plus le virus se reproduit, plus les risques d'apparition de nouveaux variants grandissent.
Car l'autre inquiétude, c'est ce qui se passe au Royaume-Uni, pays très durement touché notamment à la troisième vague mais qui, par une politique volontariste, a fait une campagne de vaccination massive et rapide. Or, malgré le taux de 60,2% de la population ayant reçu au moins une dose au 9 juin 2021 (en France, c'était 43,6%), le Royaume-Uni voit l'épidémie redémarrer depuis quelques semaines. Le nombre de nouveaux cas décolle (+63% en une semaine !) dépassant de 20% le nombre de nouveaux cas en France. La raison : le variant indien (dit delta), qui serait beaucoup plus contaminant, 60% de plus que le variant britannique (dit alpha). Le Royaume-Uni voit aussi remonter le nombre de décès quotidien, qui reste encore très faible actuellement, mais si la circulation du virus revient avec force, les plus touchés seront les personnes qui n'auront pas été vaccinées (40% de la population).
Il y a eu un retard de trois mois dans la circulation du variant britannique entre le Royaume-Uni et la France. Il n'y a aucune raison que la remontée épidémique que connaît aujourd'hui le Royaume-Uni ne parvienne pas en France dans les prochaines semaines. C'est pour cette raison qu'il faut continuer inlassablement à vacciner, vacciner, vacciner, car c'est la seule porte de sortie pour sauver les vies, sauver le système de santé et sauver l'économie.
Je pense que l'obligation vaccinale donnerait raison à tous les complotistes de tout poil, il faut donc surtout convaincre, continuer à convaincre et encore convaincre. Le choix n'est pas entre deux risques : le risque d'attraper le covid-19, et même d'en mourir, même si on ne fait pas partie des personnes dites à risques, est réel, élevé, tandis que le risque de graves effets secondaires du vaccin est quasiment nul (très peu de cas sur 1 million).
Insistons bien : si on ne parvenait plus à contrôler l'épidémie (c'est-à-dire si le nombre de cas venait à s'enflammer une nouvelle et quatrième fois), ce seraient les personnes non vaccinées qui en payeraient le plus cher tribut. Il faut y penser : la vaccination des autres a un impact direct sur les personnes non vaccinées, car ces dernières seront les moins protégées.
En d'autres termes, si des personnes ne sont pas vaccinées, elles seront au contact avec le virus un jour ou l'autre, et certaines d'entre elles développeront une forme grave et même décéderont. C'est cela que veulent éviter les autorités sanitaires. En dehors de toute idéologie, et de tout intérêt économique.
À ce titre, saluons la décision prise le 10 juin 2021 par le G7 de livrer gratuitement 1 milliard de doses de vaccin aux pays les moins privilégiés. La protection de leurs populations concourt à notre propre protection. Ce n'est pas difficile à comprendre, cette pandémie est un phénomène mondial, et tant qu'elle ne sera pas sous contrôle partout dans le monde, elle pourra toujours revenir d'une manière ou d'une autre. Autant dire que c'est encore loin d'être fini...
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (11 juin 2021)
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Pour aller plus loin :
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