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Pour une gauche flasque et servile

Publié le 26 juillet 2008 par Omelette Seizeoeufs

Depuis quelques temps, je me désintéresse un peu de Nicolas Sarkozy. J'ai moins envie de bloguer à propos du TGH qu'avant, car j'ai un peu l'impression qu'il est plus ou moins démasqué. Je parle là de ce qui me donne envie ou pas de faire un billet. Je ne veux surtout pas dire que ce n'est plus utile de bloguer contre Sarkozy. Au contraire. Mais pour l'instant j'ai l'esprit qui vagabonde un peu. Je me suis décroché de l'orbite.

Je pourrais dire la même chose de Manuel Valls. Valls s'est vautré dans le rôle du sarko-socialiste au point d'en devenir presque une caricature, et de devenir une cible trop facile. Mais comme il ne faut quand même pas baisser la garde contre Sarkozy, il ne faut pas non plus laisser Valls tranquil dans son coin. La dernière fois, c'était quand lui, Gorce, Cambadélis et quelques autres avaient cru bon de publier une tribune chez les vespéraux pour dire qu'il fallait voter pour la révision de la Constitution, contre laquelle ils ont tous fini par voter. Pourquoi? Manque de conviction finalement? Toujours est-il que Jack Lang semble être le seul à avoir retenu leur leçon, sauf qu'on peut imaginer qu'il en écoutait une autre, plus personnelle, destinée à lui seul, qui se dévoilera dans semaines ou mois à venir. (Le Canard de cette semaine à des informations juteuses sur les différentes transactions qui ont eu lieu entre l'Elysée et divers députés hésitants. J'y reviendrai peut-être.)

Valls et les siens n'ont pas osé voter contre leur parti, mais ils n'ont pas hésité à dénoncer aussi sec l'anti-sarkozysme primaire du PS. Voici le morceau qui a fait le tour des médias :

Il n'en reste pas moins que le PS doit s'interroger sur sa stratégie de parti d'opposition. Sa disqualification résulte de son incapacité à s'abstraire d'une forme d'anti-sarkozysme pavlovien qui le conduit à s'opposer systématiquement à tout projet émanant du président de la République. Cette ligne de conduite est dangereuse et fait le jeu de celui qu'elle prétend combattre. Elle nous éloigne des Français qui n'écoutent plus un parti réfugié dans une opposition caricaturale. Elle crédibilise un discours purement protestataire.

J'espère que Valls, et Caresche, Le Guen et Gorce, les autres signatures du texte, sont simplement naïfs et ne sont pas conscients de l'erreur monumentale de communication qu'ils sont en train de commettre. Heureusement qu'ils sont moins connus que Jack Lang, mais à couverture médiatique égale, leurs arguments ne sont pas moins nuisibles à la crédibilité de la gauche que ceux de "Djack".

Le véritable argument, si je peux résumer avec des traits un peu gros mais en étant je pense d'assez bonne foi, est que, comme cette révision constitutionnelle ne changeait presque rien au fonctionnement de la République, toute opposition à elle ne pouvait être que "pavlovienne", anti-sarkozysme primaire. Sauf qu'on ne voit pas trop l'intérêt de défendre une "réforme" en arguant qu'elle ne réforme rien, justement. Donc on sort le blah-blah élyséen : renforcement des droits du parlément, etc.

En réalité, cette réforme s'est attelée à revaloriser les pouvoirs du Parlement et à donner des droits nouveaux aux citoyens. Ce choix a été celui du comité Balladur qui, à juste titre, a estimé que l'urgence était de palier le déséquilibre né de l'adoption du quinquennat et de l'inversion du calendrier électoral. Face à la toute-puissance de l'exécutif, il est impératif de donner plus de pouvoirs au Parlement, notamment en matière de contrôle.

Sauf que les pouvoirs donnés au Parlément sont tellement faibles qu'ils ne font que souligner, par leur faiblesse même, le caractère présidentiel du régime, tout comme la fameuse possibilité pour le Monocrate de s'adresser au Parlement.

Certains regrettent que cette évolution se fasse au détriment du premier ministre. Outre qu'il paraît difficile de revaloriser le Parlement sans restreindre les pouvoirs du gouvernement, il aurait fallu, pour que cette critique soit pertinente, être en mesure de trancher la question de la nature du régime.

Voilà le vrai subterfuge sarkozyën : on parle de limiter "l'Exécutif", mais on impose surtout des limites au gouvernement, laissant le Président agir comme auparavant. Or, dans le face-à-face entre le Président et le Premier Ministre, le Parlement est naturellement du côté du second, puisqu'il peut exercer un contrôle sur lui, mais pas sur le Président. Le reste n'est qu'écran de fumée. Mais face à cette dérive, Valls et ses amis ont recours à leur parade préférée : incriminer à nouveau le PS. Voici la suite de la citation précédente:

Le PS ne l'a pas fait, laissant coexister en son sein ceux qui sont favorables à une présidentialisation de la Ve République et ceux qui privilégient le renforcement du premier ministre et une évolution primo-ministérielle.

Fallait-il que le PS se divise sur ce point? Enfin, oui, peut-être qu'il aurait fallu exclure Lang bien plus tôt. Mais s'il faut se diviser ou procéder à des exclusions sur chaque question ("laisser coexister en son sein", c'est quand même fort), la vie du Parti risque d'être dangereuse. Toujours est-il que la présidentialisation du régime n'est pas la faute du PS, comme Valls et les autres semblent suggérer.

Ce qui restera de ce billet commun, c'est surtout le mot "anti-sarkozysme pavlovien". Comme si toute opposition, hormis sur des questions traditionnellement réservées à la gauche... et encore, relevait tout simplement de rivalités politiciennes, comme si le sarkozysme n'était pas un tout, un bloc communicationnel bien solide. Valls et al. semblent croire que le PS aurait une voix plus forte s'il disait le même chose que l'Überprésident. Il y a un parti politique qui s'est fondé récemment dans ce même espoir. Vous en avez entendu parler peut-être, ça s'appelle : Gauche Moderne. Si on n'entend pas tellement la voix de ce parti-là, c'est que pour l'instant ses dirigeants ont choisi de porter leur action sur une question bien précise, avant de l'élargir bien sûr à d'autres sujets. Oui, pour l'instant la Gauche Moderne profite de toute sa visibilité, de la puissance de sa voix en harmonie avec celle de notre Lider Maximo, pour s'occuper surtout des anciens combattants. C'est très bien. Cet exemple ne peut qu'inspirer Messieurs Valls, Gorce, Le Guen et Caresche. Espérons-le.

Nicolas Sarkozy est à 35% dans les sondages. Comment peut-on penser aujourd'hui qu'il y a quelque chose a gagner en ralliant sa position qui est politiquement faible? Manuel Valls et ses amis disent que le PS n'a rien gagné en s'opposant, comme des chiens (c'est quand même le sens de "pavlovien"), à la révision de la Constitution. Et là ils se trompent à nouveau : en gagnant sur le fil du rasoir, Sarkozy a perdu un peu plus de sa légitimité ; en mettant la pression maximale, plusieurs mauvaises idées constitutionnelles ont été abandonnées. Difficile de crier "Victoire!" dans cette situation, mais le PS a sans doute réussi à éviter une réforme qui aurait été bien pire que celle-ci.


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