Les Crocs sont les chaussures les plus laides du monde (c'est mon point de vue, ne me faites pas de procès d'intention !). Pourtant, leur succès planétaire est indéniable, il s'explique par une décontraction ergonomique qui flatte les harpions et par une piqûre à forte dose de snobisme que seule la mode est capable d'injecter pour nous faire porter le meilleur comme le pire, l'admirable comme le hideux.
Le trublion expérimental Demma Gvasalia, directeur artistique de la maison Balenciaga, dépoussière à tout-va, futurise à haute volée, entrechoque les styles et s'amuse à énerver nos désirs de mode. Il a présenté son dernier défilé Printemps/Eté 22 avec maestria ; dans une mise en scène techno science-fictionnelle, ce farouche créatif a déroulé une succession de silhouettes à la fois foutraques et précises, apostrophant Gucci, défoulant la couture, bousculant les règles du biais et du droit fil, régénérant le streeetwear, se riant du chic formel, piétinant l'ennui de la mode moderato modeuse... Dans cette déferlante et comme un coup de pied à l'élégance trop bien mise des basiques qui nous encombrent l'œil chez tant de marques, un accessoire a fait tilt et débat : des Crocs à talon clou dans d'aventureuses couleurs plastoc. Autant le dire tout de suite, ces chaussures moches ont du style, vraiment ! A un point tel que je pourrai les porter !
Du beau, du laid, où pousser le curseur de ce qui se fait ou ne se fait pas ? Laissons les créateurs libertaires et libertins pousser pour nous...