Emmanuel Macron a-t-il mérité d’être baffé ?

Publié le 09 juin 2021 par Sylvainrakotoarison

" À la veille de la réouverture des salles de cafés et restaurants, le Président de la République Emmanuel Macron s'est rendu dans la Drôme. Il a commencé par se rendre au lycée hôtelier de Tain-l'Hermitage où il a rencontré lycéens, apprentis et leurs encadrants. Il a assuré son soutien à l'ensemble de la profession et a rappelé que plus de 110 000 emplois dans le secteur sont à pourvoir. " (Communiqué de l'Élysée, 8 juin 2021).

Ma question est un peu provocatrice puisque la réponse est évidemment non : personne ne mérite d'être baffé ! Ni le Président de la République, ni un citoyen lambda. En tout cas, dans une démocratie parfaite. Si Emmanuel Macron a été giflé, c'est d'abord parce qu'il n'a pas eu peur de prendre des coups, au sens propre comme au sens figuré. Il était à portée de baffe.
Et le service de sécurité est-il incompétent ? faut-il y voir l'absence de monsieur Alexandre Benalla ? Je réponds à la première question (la seconde n'est qu'une boutade) en donnant la réflexion en 2017 d'Emmanuel Macron sur la sécurité de son prédécesseur : " Les mecs de la sécurité, c'est pas eux qu'il faut écouter. Je ne serai jamais en sécurité, parce que le pays est comme ça aujourd'hui. Donc, faut prendre le risque, faut aller dans le cœur de la bête à chaque fois. (...) Parce que si vous écoutez les mecs de la sécurité, vous finissez comme Hollande. Peut-être que vous êtes en sécurité, mais vous êtes mort. ".
Toute la classe politique a été scandalisée par cette gifle au Président de la République, donnée ce mardi 8 juin 2021 lors d'un déplacement à Tain-l'Hermitage, dans la Drôme. Même Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen ont exprimé leur solidarité avec Emmanuel Macron. On pourrait leur prêter une certaine hypocrisie, mais c'est bien les institutions et la classe politique, au-delà du Président de la République, qui ont été visées et cela aurait pu leur arriver comme cela est arrivé aussi à certains élus locaux, des maires notamment.
L'indignité et le déshonneur, ils ne sont certainement pas pour la victime, ou alors, c'est l'inversion des valeurs dans une agression. Cette situation de violence, Emmanuel Macron a même parlé d'ultraviolence, a de quoi inquiéter, évidemment, car il y a des digues qui s'effondrent au fil du temps. Oser gifler un Président de la République, c'est quoi ? un acte bête et méchant ? un acte de courageux rebelle ? pour quelle finalité ? À cette heure, l'auteur de la gifle n'a pas su expliquer son geste. Pour tout dire, qu'importe qui est-il : moins de publicité possible pour l'individu, et qu'importe aussi ses motivations, ce qui est sûr, c'est qu'il ne représente ni le peuple ni un catégorie d'individus, il ne représente qui lui-même.
S'il y en a un, parmi les protagonistes, qui représente le peuple français, c'est bien Emmanuel Macron. Faut-il le rappeler même si cela fâche visiblement des électeurs à la mémoire de moineau ? Emmanuel Macron a été élu Président de la République le 7 mai 2017 avec 20 743 128 voix, soit 66,1% des suffrages exprimés et 43,6% des électeurs inscrits. En absolu, aucun Président n'a été élu avec autant de voix. Pour rappel, le 19 décembre 1965, De Gaulle n'a recueilli que 13 083 699 voix, soit 55,3% des suffrages exprimés et 45,3% des électeurs inscrits. Même la proportion des élections inscrits, l'élection d'Emmanuel Macron vaut celle de De Gaulle. Alors, il faut arrêter avec le peuple : si, en France, il y a UN citoyen qui peut se targuer de représenter le peuple, c'est Emmanuel Macron, et personne d'autre, et certainement un baffeur venu d'on-ne-sait-où.
Du reste, cette violence n'est pas nouvelle. Les Présidents de la République ont reçu régulièrement des insultes ou des impolitesses qui n'étaient pas non plus destinées à la concorde nationale. Le 14 juillet 2002, Jacques Chirac a même failli trépasser avec un jeune d'extrême droite (oublions son nom) qui voulait le tuer avec une arme à feu.
Au-delà des locataires de l'Élysée, on peut aussi se rappeler les coups de poignard ou de couteau dont furent victimes deux grands élus nationaux, le maire de Paris Bertrand Delanoë dans la nuit du 5 au 6 octobre 2002 et le maire de Lourdes et Ministre de la Culture Philippe Douste-Blazy le soir du 2 mai 1997.
Je pense qu'il faut éviter de faire de cette gifle le seul événement à commenter car ce n'est qu'un épiphénomène, il y a plus important dans la vie politique nationale qu'un caca nerveux d'un individu apparemment immature pour qui les prochains mois vont être très compliqués (il est jugé en comparution immédiate ce jeudi 10 juin 2021). J'ai même hésité moi-même à commenter pour ne pas en rajouter, mais quand je lis certaines réactions, je m'aperçois que certains n'affichent pas les valeurs de la République, ces valeurs de liberté, d'égalité et, appuyons, de fraternité. Comme si une baffe pouvait résoudre quoi que ce soit !
En effet, au-delà des déclarations de principe, il existe cependant un bruit de fond très différent dans certains réseaux sociaux ou même chez certaines personnalités médiatiques ou politiques. Par exemple, l'ancien député UMP Christian Vanneste dont la proximité avec le RN n'est plus à rappeler s'est interrogé dans son blog le 8 juin 2021 : " Qui sème le mépris récolte une juste colère. Gifler le monarque est hautement symbolique, mais si l'altitude institutionnelle de la cible appelle une sanction proportionnée, la signification du geste est lourde de sens car elle signale que sa véritable hauteur, ressentie par le peuple est réduite à néant. ".
On voit tout de suite la tentative de manipulation intellectuelle : "ressentie par le peuple", mais monsieur Vanneste, le peuple, c'est Emmanuel Macron, ce n'est pas le baffeur, voir plus haut. C'est comme dire que les gilets jaunes, c'est le peuple. Je fais partie du peuple, je ne suis pas gilets jaunes. Les gilets jaunes se sont présenté aux élections européennes, ils ont recueilli moins de 1% des voix. Moi, la liste que j'ai choisie, elle a eu plus de 20%, c'est autre chose, le peuple, le peuple, c'est le chef de l'État qui l'incarne, qu'on le veuille ou pas : tous les autres, ceux qui se croient le peuple, ou encore la République, ce sont des menteurs, simplement des menteurs. Le meilleur représentant du peuple, c'est l'élu, pas les losers, pas ceux qui perdent, et parfois, qui perdent depuis sept élections successives et que le peuple rejette avec une belle continuité...
Car c'est bien cette interrogation qu'on entend, et même, au-delà de l'interrogation, la réponse : il l'aurait bien méritée ! Comme je l'ai écrit en début, aucune personne ne mérite de recevoir une baffe. À tel point que la législation a maintenant interdit que les parents puissent donner une gifle à leurs enfants ...même s'ils la méritaient. La première des sécurités est la sécurité de son intégrité physique. On peut ne pas être d'accord avec un responsable politique, alors on explique en quoi l'on n'est pas d'accord, pourquoi, le cas échéant, on est en colère, mais on ne frappe pas, on n'est pas violent.
Du reste, c'est très contreproductif et les complotistes, au lieu d'applaudir stupidement (il l'a bien méritée), devraient plutôt imaginer un scénario de style l'Observatoire (le faux attentat foireux de François Mitterrand pour relancer sa carrière politique) : dans cette affaire, pour le prix d'une joue rougie, Emmanuel Macron va grimper dans les sondages, il a déjà gagné 7 points dans un sondage avant la gifle (il est déjà à 50% d'opinion positive !). Le baffeur serait-il payé par des "potes à Macron" ?! Rappelons aussi que le candidat François Bayrou avait décollé dans les sondages d'intentions de vote pour l'élection présidentielle de 2002 le jour où il a lui-même donné une gifle à un jeune voleur de portefeuille.
En fait, ceux qui disent, discrètement ou tout haut, qu'Emmanuel Macron l'a bien méritée n'ont rien compris à nos valeurs, à notre République, et même à la vie en société. Ils fustigent la violence conjugale, ils ne veulent pas qu'un conjoint gifle sa femme (ce qui est plus fréquent que l'inverse) mais ils accepteraient la gifle au Président de la République ? Ils fustigent les sauvageons des quartiers difficiles ...et ils applaudissent l'acte de délinquance stupide d'un même sauvageon ? Mal élevé et mal léché, peut-être incapable de sortir trois phrases pour s'exprimer ? Souvent, la violence dérive d'une incapacité à s'exprimer clairement.
Je ne doute pas que de nombreux opposants haineux d'Emmanuel Macron ont rêvé de le gifler, alors, leur lâcheté applaudit, évidemment, puisqu'ils ont été incapables de le faire eux-mêmes (c'est difficile d'être résistant en charentaises, d'être rebelle le derrière collé dans un fauteuil). Mais les opposants politiques à Jacques Chirac se seraient-ils pour autant identifiés à celui qui a tiré un coup de feu dans la foule du 14 juillet pour atteindre le Président de la République ? Bien sûr que non.
La réaction à chaud d'Emmanuel Macron a été plutôt courageuse, c'était de dire qu'il ne fallait pas s'attarder à cet incident et poursuivre son déplacement, car la politique doit prendre le dessus sur les actes de grande incivilité voire de délinquance : " Il y a de la bêtise, et quand la bêtise s'allie à la violence, elle est inacceptable. Les gens expriment leur colère, parfois leur désaccord, je suis toujours là. Parfois, j'ai la réponse, d'autres fois, je ne l'ai pas. J'essaie de la bâtir. Parfois je me trompe, d'autres fois, j'y arrive. Ça, c'est de la colère légitime. Et on sera toujours là pour y répondre. La bêtise et la violence, non. Pas en démocratie. Il ne faut rien céder à la violence, et en particulier à la violence contre tous les représentants de la chose publique. En démocratie, il n'y a pas de place pour la haine et la violence. ".
Dans "Le Dauphiné libéré", il a déclaré : " Il faut respecter les fonctions dans la République et je ne lâcherai jamais ce combat. (...) Ne laissons pas des individus ultraviolents prendre possession du débat public. Ils ne le méritent pas. ". C'est cela l'essentiel : ne laissons pas les délinquants accaparer le débat public !
Alors, évidemment que je me sens solidaire d'Emmanuel Macron comme de tous les élus qui ont été, dans l'exercice de leur mandat, agressés par des sauvageons et des délinquants qui ne méritent aucune publicité dans l'espace public. Et je lui dis bravo pour son sang-froid et son courage physique. À ce rythme-là, il va être réélu dès le premier tour !
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (09 juin 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron a-t-il mérité d'être baffé ?
Emmanuel Macron au Rwanda : pas de repentance mais des responsabilités.
Napoléon Bonaparte selon Emmanuel Macron.
Du haut de ce Président, quatre ans vous contemplent.
Napoléon, De Gaulle et Macron.
Emmanuel Macron, deux ans après.
Emmanuel Macron et les 5 ans d'En Marche.
Le "chemin d'espoir" d'Emmanuel Macron.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 31 mars 2021 à Paris (texte intégral et vidéo).
Emmanuel Macron sera-t-il un Président réformateur ?

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