Cameroun : Des huissiers de Justice en détresse

Publié le 09 juin 2021 par Tonton @supprimez

C’est depuis 21 ans que ce pan de l’activité judiciaire bat de l’aile. Rien ne bouge en tout cas.

Les textes qui encadrent ce corps de métier sont pourtant bien prévus. Référence faite au Décret N° 79/448 du 05 novembre 1979 modifié et complété par le Décret N° 85/238 du 22 Février 1985 portant réglementation des fonctions et fixant le statut des huissiers de justice. Il est bien dit que: «l’examen d’accès à cette profession est organisé à la fin d’un stage de deux ans subi par chaque huissier stagiaire». Le grand hic, c’est que le dernier examen du genre a été organisé les 21, 22 et 23 novembre 2000. Soit 21 ans. Et depuis lors, les huissiers ayant fini le stage sont en détresse prolongée, les admissions en stage sont gelées, conséquence directe, ce corps de métier se meurt.

Dans une étude publiée par Me Ebenezer Paul Mah, lui-même huissier en fonction à Yaoundé, dans son livre intitulé «La profession d’huissier de justice au Cameroun francophone», paru aux éditions L’Harmattan, on peut lire que: «le Cameroun dispose de 623 charges à pourvoir en vue d’un fonctionnement harmonieux de la justice. Pourtant, le nombre total de charges pourvues à l’heure actuelle avoisine 300, sans tenir compte des départs à la retraite et des décès survenus entretemps. Les huissiers ayant passé avec succès le dernier examen susmentionné sont environ 120 et ceux en fin de stage sont environ 150, soit une population globale en attente d’environ 270 huissiers», nous fait comprendre ce professionnel et d’autres acteurs judiciaires qui soutiennent même que «si par extraordinaire, tous ces professionnels de ce corps de métier étaient nommés, il persiste toujours un gap de plus de 100 charges à couvrir», a déclaré Alexandre Bekima Mundi qui est allé en s’interrogeant comme plusieurs citoyens. Alors question: Qu’est-ce qui bloque et pourquoi cette profession est-elle le parent pauvre des carrières judiciaires au Cameroun ?

Question bien difficile à répondre tant pour les acteurs concernés que pour le citoyen ordinaire. Des sources proches de ce dossier nous informent que : «toutes les démarches entreprises par ces huissiers de justice sont jusqu’alors restées lettres mortes. Leur tutelle semble les ignorer, la Chambre nationale est aphone sur le sort de ces laissés pour compte. Saisie, la plus haute autorité de l’État aurait même donné des instructions allant dans le sens d’une nomination de tous les concernés. Pour le moment, aucune suite n’est donnée à ceux qu’il convient d’appeler des orphelins de la République», nous souffle-t-on, non sans parler un énorme préjudice causé par cette mauvaise démarche de l’administration avec des ministres en mal de cohésion.

On ne peut le dire autrement puisque, dans notre enquête, on découvre que le 12 août 2020, le secrétaire général à la présidence de la République a écrit au ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Il a demandé à son collègue du gouvernement la suite que celui-ci a réservée à une correspondance antérieure du SG/PR répercutant auprès du ministre de la Justice les hautes directives du chef de l’Etat, relatives à la nomination des huissiers de justice aux charges. Par la même occasion, le SG/PR a joint à sa correspondance une thermocopie d’une requête de Me Mathieu Etaba Tina, avec pour objet «la situation des huissiers stagiaires et des huissiers de justice aux charges vacantes». Laurent Esso est resté silencieux, du moins nous n’avons eu aucune trace de réponse donnée par le ministre de la justice dans ce sens. Et aucune clarification ne nous nous a été donnée. Certains proches collaborateurs du ministre de la justice disent ne rien comprendre de cette affaire qui dure éternellement. Personne n’a été à mesure de nous dire exactement les raisons de blocage de ce dossier. Il faut certainement attendre Paul Biya pour donner d’autres hautes instructions. On attend….

Extrait

Décret numéro 79/448 du 05 novembre 1979 modifié par décret numéro 85/228 du 22 février 1985 portant réglementation des fonctions et fixant le statut des huissiers.

Chapitre 1

Article I : « Les huissiers de justice sont des officiers ministériels qui ont pour qualité : d’accomplir à la demande des parties ou sur réquisition du ministère public, certains actes nécessaires à l’ouverture et à l’instruction des procédures ; exécuter les décisions de justice et tous actes susceptibles d’exécution forcée ; faire des constats, sommations, offres, mises en demeure et interpellations extra judiciaires ; accomplir tout acte prescrit par la loi. », entre autres.

Chapitre 2 : conditions d’accès à la profession

  • Produire le certificat de stage.
  • Être nommé par décret du président de la République, entre autres.

Les huissiers stagiaires prêtent devant le tribunal de première instance du siège de l’étude, le serment prévu à l’article 18.

Article 10, al. 1 : « A la fin de stage, l’huissier stagiaire subit un examen dont le programme et les modalités sont fixés par arrêté du ministre de la Justice, Garde des Sceaux. »

Al. 2 : « L’examen est sanctionné par un certificat de fin de stage délivré par le ministre de la Justice, Garde des Sceaux. »

Alphonse Jènè