Lavandières au travail sur la rive du Río de la Plata à Buenos Aires
Abel Alexander, historien et propriétaire d’une collection de clichés anciens entamée par un bisaïeul allemand, linotypiste de profession, vient de publier un ouvrage sur les premières décennies de la photographie en Argentine et sur ce que ces vues nous apprennent du pays, de son histoire et de sa sociologie…
C’est ainsi
qu’on y voit une scène de lavandières à Buenos Aires. Elles font
la lessive sur la rive du Río de la Plata, une tradition qui remonte
à l’époque coloniale. On peut constater que ces femmes sont
presque toute noires. Un témoignage précieux de la présence des
descendants d’esclave jusqu’assez tard dans l’époque
indépendante, malgré les efforts que les classes dominantes de la
même époque ont développés (avec succès, qui plus est !)
pour les effacer de l’imaginaire national. Or cette image rappelle
une aquarelle que l’on doit à un marin anglais, Emeric Essex
Vidal, qui a fait un long séjour à Buenos Aires en 1818 : son
pinceau a préservé pour nous une scène similaire et en couleurs !
Dix ans plus tard, le peintre savoyard Charles Henri Pellegrini (1)
réalisait d’autres vues sur le même thème pittoresque.
Couverture de l'ouvrage
"Ces petits bouts de papiers sont plus forts que les briques"
Ce livre fait également revivre l’arrivée des technologies dans le pays, en particulier l’épopée ferroviaire : à la fin du 19e siècle, l’Argentine s’est couverte de gares. L’immensité du pays était sillonnée de chemins de fer qui ont aidé à son unification et au développement économique de l’Intérieur, après une guerre civile sanguinaire qui avait duré soixante ans, de 1820 à 1880, avec très peu d’interruptions.
La photographie est arrivée en Argentine en 1843 avec la technique du daguerréotype. Les archives nationales disposent en particulier d’un fonds extraordinaire, le fonds Witcomb, du nom du photographe et collectionneur qui l’a constitué.
Tout un
univers à découvrir…
La rive du Río de la Plata en contrebas du fort de Buenos Aires
par Emeric Essex Vidal en 1818
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Des différences sensibles apparaissent dans les choix des illustrations et les thèmes abordés dans les deux quotidiens qui commentent cette publication : Clarín a sélectionné des clichés assez insignifiants du point de vue sociologique tandis que Página/12 a inséré des images très emblématiques de l’Argentine profonde dominée par l’oligarchie libérale d’abord de la República Conservadora (1860-1880) puis de la Generación del Ochenta (1880-1916).
© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com
Pour aller
plus loin :
lire l’article de Clarín
lire la présentation de l’ouvrage par sa maison d’édition, la Fundación Arte x el Arte (l’art pour l’art)
(1) Il est plus connu en Argentine comme Français sous son nom hispanisé de Carlos Enrique Pellegrini. L’un de ses fils est devenu un homme politique important dans la suite de l’histoire de la République argentine et il a donné son nom à une rue de Buenos Aires. La Savoie n’ayant été intégrée au territoire français que longtemps après l’installation en Argentine de Pellegrini père, celui-ci n’était donc pas français.