« Ce principe est une réalité au Cameroun » : Me Bertrand Meka, avocat au barreau du Cameroun
La Constitution de la République du Cameroun dit en son préambule que « tout prévenu est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie au cours d’un procès conduit dans le strict respect des droits de la défense ». La présomption d’innocence est le principe selon lequel un individu, même suspecté d’avoir commis une infraction, est considéré comme innocent avant d’avoir été jugé coupable par le tribunal. Ce principe est une réalité au Cameroun. Néanmoins, il n’en demeure pas moins que certains officiers de police judiciaire n’encouragent pas le strict respect de ce principe. Après une arrestation spectaculaire de certains présumés voleurs ou contrebandiers, les officiers de police judiciaire s’empressent de faire appel aux médias qui, lors de la diffusion ne prennent pas la peine de crypter leurs visages. Il s’agit là d’une violation de ce principe.
« Ce principe n’est pas respecté dans la pratique » : Me Rosalie Metondo, avocat au barreau du Cameroun
La présomption d’innocence est un principe universel, que plusieurs pays partagent en matière de code pénal. Il voudrait dire que lorsque quelqu’un est poursuivi en matière pénale, ça veut dire du correctionnel jusqu’aux criminels, le correctionnel contenant les contraventions, les infractions qui ne sont pas des crimes. C’est dans ces domaines que laprésomption d’innocence est évoquée en matière pénale. Le Cameroun est dans cette logique. Nos textes sont arrimés aux textes internationaux ou la loi pénale est d’application stricte. De manière concrète pour un profane, ça veut dire que lorsque quelqu’un est poursuivi pour une infraction, qui va de la contravention jusqu’au crime, cette personne bénéficie de la présomption d’innocence. D’entrée de jeu, on ne le condamne pas. On le poursuit parce qu’il y a des indices, il y a un plaignant jusqu’à ce que sa culpabilité soit prouvée. Il est présumé n’avoir pas commis cette infraction. La procédure au Cameroun est accusatoire depuis le dernier code de procédure pénale.
C’est celui qui se plaint qui doit apporter la preuve de ce que vous avez commis comme infraction. Tant que la preuve de votre accusation n’a pas été prouvée par le plaignant, vous bénéficiez d’une présomption d’innocence. C’est le jugement avec toutes les épreuves qui ont été produites par le plaignant qui annule cette présomption d’innocence. En matière pénale, la preuve est de rigueur. Je fais confiance au Cameroun et je me fie à notre justice. Mais, nous pouvons parfois déplorer ce principe de présomption d’innocence qui n’est toujours pas respecté dans la pratique. Les textes existent et ils doivent être respectés par la justice ainsi que les enquêteurs. Nous voyons des enquêtes où des personnes sont qualifiées avant d’être jugées. Même en situation de flagrance délit, on bénéficie toujours de ce principe. Les officiers de police et les gendarmes qui accordent des interviews ont une formation de quelques mois. Nous pensons que cela n’est pas suffisant pour parcourir la notion de droit qui est assez dense. Ces officiers de police aiment ces abus pour se donner du pouvoir socialement parce qu’ils se sentent puissants. La pratique de ce principe pose donc de nombreux problèmes.
« Ce principe met en égalité les parties » : Me Cosma Owono, avocat
La présomption d’innocence est un sacro-saint principe de droit pénal. Le droit pénal étant en lui-même ce droit qu’on utilise lorsqu’il y eu une infraction commise dans la société. La personne qui se plaint doit être mise au même niveau que celle qui a commise l’infraction. Ce principe rentre également dans ce qu’on appelle l’état de droit, car à un moment donné il faudra que les parties à savoir celle qui se plaint et celle qui est accusée soit au même pied d’égalité pour que le juge en toute sérénité puisse rendre une décision. Le principe de présomption d’innocence permet d’éviter par exemple, le lynchage public. Ce qui n’est pas normal dans un Etat de droit. Il faut toujours une procédure et au terme de celle-ci qu’on aboutisse à une condamnation car uniquement le juge peut condamner à la suite d’une procédure. Il faudrait que l’on présente les preuves qui incriment l’accusé. A la question de savoir si ce principe reste d’actualité au Cameroun, nous avons directement en filigrane ce que la presse appelle ces jours-ci le Covidgate. C’est une présentation au public de certains éléments d’enquêtes qui peuvent accabler des personnalités dès lors que ces éléments seront présentés devant un juge. Malheureusement, les internautes ont tort d’imaginer que ces quelques indices qu’un rapport d’enquête a cristallisés rendent directement coupables les personnes citées dans ledit rapport. Cette façon d’analyser vient battre en brèche ce principe qui n’a pas d’exception. Ce principe ne peut être ébranlé que par une décision judiciaire. Ce principe est respecté au Cameroun parce qu’il y a des procès qui aboutissent à des condamnations.