Des militants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun et quatre membres du mouvement « Stand Up For Cameroon » croupissent dans les prisons, dans un pays où les réunions et les manifestations publiques pacifiques hostiles au pouvoir sont systématiquement interdites.
Le 28 mai dernier, le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi a tenu à Yaoundé un point de presse au cours de laquelle il a dénoncé « l’emballement médiatique » à l’encontre de personnes accusées de violation des procédures d’attribution des marchés, fautes de gestions et détournement, entre autres. Dans la foulée, il a appelé au respect de la présomption d’innocence en faveur des personnes n’ayant pas encore fait l’objet d’une condamnation. Ce rappel à l’orthodoxie des médias et de l’opinion nationale voire internationale, survient alors que plusieurs membres du gouvernement sont accusés, dans un rapport d’étape de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême du Cameroun, d’avoir détourné des fonds octroyés au Cameroun l’année dernière par le Fonds monétaire international (FMI), sous forme de prêt remboursable, pour aider le pays à lutter contre la pandémie du Covid-19.
Cette communication intervient aussi dans un contexte où le respect des libertés et des droits de l’homme, sous toutes leurs formes, est mis à rude épreuve par un gouvernement résolu à s’accrocher aux affaires et à s’y éterniser contre vents et marées. Les Camerounais résidents qui ont osé s’inscrire en faux contre cette volonté de conservation du pouvoir ad vitam ad aeternam, mais surtout contre la mal gouvernance endémique qui en découle, en ont eu pour leur compte. Comme ces militants présumés ou réels du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), dont 53 pour la seule ville de Yaoundé, qui croupissent toujours derrière les barreaux à travers le pays depuis huit mois.
Le 22 septembre 2020, ces Camerounais avaient été interpellés au cours des « marches blanches » pacifiques auxquelles certains d’entre eux avaient participé dans plusieurs localités du pays en réponse à un mot d’ordre lancé par le président national de ce parti politique de l’opposition, pour revendiquer le toilettage du code électoral en prélude à l’organisation de toute échéance électorale et notamment des toutes premières élections régionales alors convoquées pour le 06 décembre 2020. Le parti de Maurice Kamto exigeait la réforme du code électoral comme condition de sa participation à toutes échéances ultérieures, après le long feuilleton de crises observé au lendemain de la présidentielle du 09 octobre 2018.
Les marches du MRC s’inscrivaient également dans le prolongement des actions entreprises par cette formation politique taxée de « belliqueuse » par le parti au pouvoir et ses satellites, en vue de protester contre la « victoire volée » de leur champion, le professeur Maurice Kamto, à l’issue dudit scrutin présidentiel. Seulement, certaines personnes arrêtées ce 22 septembre 2020, se trouvaient loin du théâtre des manifestations. C’est le cas de deux figures du MRC, le professeur Alain Fogue Tedom et Olivier Bibou Nissack, respectivement trésorier du parti et porte-parole du président national Maurice Kamto. C’est aussi le cas de nombreux autres innocents arrêtés alors qu’ils étaient de passage dans les lieux de manifestations, et qu’aucune preuve matérielle n’a pu étayer leur implication à celles-ci.
Stand Up For Cameroon
Etienne Ntsama, 31 ans et père de famille, gagne sa vie comme éducateur financier et commerçant. Le 18 septembre 2020, soit deux jours avant les marches organisées par le MRC, il est arrêté au même moment que Moussa Bello, Tehle Membou et Mira Angoung, un jeune mécanicien automobile de 22 ans. Les quatre membres du mouvement « Stand Up For Cameroon » (SUFC) ont été « brutalement interpellés et violentés sans aucun mandat ni titre de justice au lieu-dit ‘‘Station Gulfin’’ à Bali-Douala le vendredi, 18 septembre 2020 aux environs de 18h50 minutes à la sortie d’une réunion habituelle de ‘‘Vendredi en Noir’’ que le mouvement Stand Up For Cameroun tient depuis cinq ans dans toutes les régions du pays », nous apprend le porte-parole du mouvement, Franck Essi.
Le lieu de leur interpellation est situé à quelque trois cents mètres du siège de l’agence de consultance Stratégies, où ils venaient de participer à une réunion de leur mouvement. Conduits à la Légion de gendarmerie à Bonanjo à Douala, les prévenus ont été obligés de faire des déclarations en l’absence de leurs avocats alors même qu’ils avaient exprimé le vœu de ne s’exprimer qu’en présence de ces juristes. Ceux-ci ont été pourchassés et exclus des auditions, toujours d’après Franck Essi. Détenus à la prison centrale de New-Bell depuis le 22 septembre 2020, les quatre militants sont poursuivis devant le tribunal militaire de Douala pour conspiration de révolution et d’insurrection, et ils risquent la prison à vie en cas de confirmation de ces chefs d’accusation par le tribunal.
Révolution, insurrection
Le 22 septembre 2020, les quatre mis en cause sont déférés devant le Commissaire du Gouvernement près le Tribunal militaire du Littoral à Douala. Le même soir, ils ont été présentés au juge d’instruction militaire qui les a ensuite placés en détention provisoire pour une durée de six mois. « Le 24 février 2021, le juge d’instruction militaire M. Eyimi Christian Jimmy rend une ordonnance de renvoi dans laquelle il conclut qu’il y existe suffisamment d’éléments pour que nos camarades, dont le seul péché est d’avoir participé à une réunion qui avait pour but d’expliquer le position de non-participation de Stand Up For Cameroon (SUFC) aux manifestations du 22 septembre 2020, soient poursuivis pour les infractions de conspiration de révolution et d’insurrection, toutes punies par l’emprisonnement à vie », poursuit Franck Essi.
Extraits de la prison et conduits au Tribunal militaire le 14 avril 2021, pour comparution devant le Tribunal militaire du Littoral en audience publique, leur affaire à peine appelée a été renvoyée au 12 mai 2021 au motif que le « tribunal n’était pas régulièrement constitué ». Depuis l’interpellation des quatre membres de SUFC, « les principes directeurs du procès équitable notamment la présomption d’innocence, le droit aux soins médicaux, le droit d’être assisté par un conseil, le droit de visite, le droit de comparaître libre malgré les garants présentés pour ne citer que ceux-là, sont constamment et systématiquement bafoués », conclut le porte-parole du mouvement.