La présidente exécutive du Redhac fustige le traitement à deux vitesses du gouvernement.
Quel regard portez-vous sur la dernière sortie du ministre de la Communication sur la présomption d’innocence relativement aux soupçons de détournement des fonds du covid-19 ?
Le porte-parole du gouvernement camerounais est dans son rôle. Il défend son camp le plus naturellement du monde. Il y a quand même 24 ministres et d’autres affidés du système qui sont mis en cause dans la gestion des fonds Covid. Je crois qu’il s’agit avec la gestion des fonds débloqués pour la construction des infrastructures de la CAN des plus gros scandales vécus au Cameroun depuis 1960.
Sa sortie donnant des injonctions à la presse et à l’opinion publique sur l’impératif de respecter la présomption d’innocence relativement aux soupçons de détournement des fonds Covid-19 intervient, à mon sens, sur le tard et participe à jeter le discrédit sur le travail des peintres de l’information que sont les hommes de médias. En effet, c’est le 4 avril 2021 que le chef de l’Etat avait décidé de lancer une enquête judiciaire sur les fonds alloués à la lutte contre la pandémie du coronavirus. Au même moment, si le ministre de la Communication avait été une figure publique rigide, il aurait commencé par mettre les vannes pour interpeller les journalistes sur la nécessité de traiter cette affaire judiciaire avec une certaine distanciation, vu que le contentieux est enclenché au sommet. Mais, comme le gouvernement camerounais opte toujours pour la logique défensive, le porte-parole attaque les médias et, singulièrement, les journalistes et les étiquette négativement. Or, les journalistes ne font qu’un travail d’éveil des consciences, d’observation, de collecte, de traitement et de diffusion des informations sur les faits de l’actualité brûlante. L’actualité relative aux soupçons de détournement des fonds Covid n’est qu’un élément parmi tant d’autres traité avec rigueur par les médias.
On n’a pas vu le gouvernement faire de tels rappels à l’ordre, à la suite de l’humiliation de certains membres du gouvernement (Abah Abah, Olanguena, Bapes Bapes, de regrettée mémoire), ou lors des arrestations de journalistes, de militants politiques et de la société civile, ou de prévenus de droit commun. Comment expliquer un tel état de choses ?
Vous vous rappelez que nous avons toujours martelé que l’Etat du Cameroun doit respecter les textes et les instrument nationaux (code de procédure pénale), régionaux (la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP), internationaux (le Pacte International Relatif aux Droits Civils et politiques) qui parle de la « Présomption d’Innocence ». Ce qui n’a jamais été respecté car les Défenseurs des Droits Humains, activistes de la Démocratie et avocats et bien d’autres sont les « présumés Coupables »
Un tel état des choses procède d’un traitement discriminatoire alimenté par le ministre de la Communication (Mincom). L’on dirait qu’il y a des supers personnalités publiques bénéficiant d’une protection du gouvernement bien qu’étant entre les serres de l’épervier et les figures publiques moins capées qui sont épinglées et criblées de balles. L’on se souvient, à une certaine époque, que certains journalistes des médias à capitaux publics étaient allés filmer l’arrestation de Polycarpe Abah Abah, ancien ministre des Finances (Minfi), tout autant que celle de l’ancien ministre de la Santé publique (Minsanté) sans que cela n’émeuve celui qui fut alors porte-parole du gouvernement camerounais. Avait-on respecté la présomption d’innocence de ces anciens membres du gouvernement ? Que nenni ! L’on se souvient aussi de l’arrestation de Georges Gilbert Baongla, ancien Directeur de la publication du journal « Le démenti », qui, le 29 mai 2021, avait été embastillé au sortir d’une institution bancaire. Ce jour-là, des journalistes d’une chaîne de télévision privée locale avait photographié l’interpellation de cette figure publique et avait fait un reportage à ce sujet dans les éditions d’informations. Avait-on respecté la présomption d’innocence de ce journaliste ? Non ! L’ancien patron de la communication avait-il sermonné et châtié ces dérives ? Non ! Des faits d’une telle essence jonchent le quotidien des journalistes.
Certains de ces suspects, comme Amadou Vamoulke, ont déjà passé plus de cinq ans derrière les barreaux, sans être jugés, ni même notifiés des charges qui leur pèsent dessus. Et pourtant, aucun dirigeant ne parle de violation…
Il s’agit là de l’un des cas des prévenus qui a déjà passé presque cinq ans en prison sans que le dossier judiciaire n’avance. Amadou Vamoulke, ex-directeur général de la Crtv, est une victime de la maladie de la justice camerounaise. Toute chose qui démontre les tares et les incuries d’un système judiciaire éminemment bourré d’incongruités. Nous avons eu cas le cas de Paul Chouta, web journaliste pour le compte de « cameroonweb », qui a passé deux ans dans le principal pénitencier de la capitale politique alors qu’il était poursuivi pour diffamation. Ce blogger aurait dû, en réalité, passer six mois si le système judiciaire fonctionnait avec une certaine célérité. Mais le procès étant jonché de contours inimaginables et de tournures que seul le juge maîtrisait et l’accusateur, P. Chouta a passé 24 mois en détention arbitraire. Aujourd’hui, Amadou Vamoulke a déjà vécu 68 renvois relativement à son affaire l’opposant à l’Etat du Cameroun. Ces cas sont nombreux dans l’environnement judiciaire actuel. Le cas du jeune cyber journaliste Ebale et les autres militants des Droits de l’Homme et plus de 200 activistes arrêtées dans le cadre de la crise sociopolitique dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, ainsi que les militant de la démocraties (Bibou Nissack, Fogue Alain et plus de 100 jeunes, y compris les femmes qui croupissent dans les prisons et sont traduits devant les tribunaux militaires.
L’Etat du Cameroun doit assurer à tous les citoyens sans distinction le droit à un procès équitable qui a pour premier principe « la présomption d’innocence » en toute circonstance. Il faut le faire dans un Etat de Droit.
Un collectif de 20 femmes influentes du Cameroun, dont vous faites partie, vient de saisir les instances onusiennes sur le cas du Cameroun. Outre la crise anglophone, ou encore les fonds du Covid-19, quelle place accordez-vous à la situation des droits de l’homme dans vos doléances ?
Savez-vous, dans tout ce qui se passe au Cameroun et dont nous venons de parler d’une petite partie, notre pays est devenu une grande préoccupation pour la communauté internationale. Un proverbe dit que ce que femme veut Dieu le veut. Pour le christianisme c’est par la femme que le péché est venu au monde, mais c’est par la femme aussi que le salut est arrivé. Que ce soit ces personnes qui croupissent dans les prisons en raison de leurs opinions ou idées qui vont à l’encontre du parti RDPC, ce sont elles également qui portent le deuil des leurs. Aussi aucune initiative féminine n’est de trop pour ramener la paix et la concorde dans ce pays. Au plus fort de la colonisation française, ce sont les femmes qui par un mouvement populaire, ont obtenu la fin de l’impôt de capitation. Tout ce que nous faisons au quotidien ne s’écarte pas du cadre des droits de l’homme. C’est notre combat et nous le mènerons jusqu’au bout de notre souffle. Au jour du jugement, Dieu reconnaitra les siens, comme l’a si bien écrit Saint Paul dans l’un de ses épitres.
Pour nous le Cameroun sera obligé de mettre en place la Commission « Vérité-Justice et réconciliation » qui est l’unique voie pour nous sortir du marasme actuel. Des violations des Droits Humains aux libertés fondamentales, en plus des crimes graves des Droits Humains, les exactions, les propos haineux dans les réseaux sociaux, la corruption, l’absence de la démocratie, la déshumanisation des prisonniers et détenus, la partialité de la justice, la répression, la mal gouvernance, la misère, le tribalisme bien entretenu par l’Etat, la liste n’est pas exhaustive.