Soupçonné d’être en complicité avec les séparatistes anglophones, Me Amungwa Tanyi Nicodemus a été interpellé le 1er juin 2021.
Me Amungwa Tanyi Nicodemus est détenu au secrétariat d’Etat à la défense, chargé de la gendarmerie nationale (Sed) depuis le 1er juin 2021. L’avocat au barreau du Cameroun a été interpellé alors qu’il se trouvait au groupement de gendarmerie territoriale de Yaoundé pour assister son client dans une procédure de reprise d’un immeuble et de rébellion. « Pendant l’enquête préliminaire, Me Amungwa a fait usage de son téléphone portable pour filmer. L’enquêteur s’en est aperçu et a récupéré son téléphone pour exploitation. En exploitant le téléphone, c’est l’hécatombe qui y a été découverte », affirme Me Bertrand Nzouango, avocat adversaire du mis en cause. Il lui est reproché de détenir dans son téléphone des vidéos de propagande en faveur des séparatistes. Après son interpellation, Me Amungwa a été conduit au Service Central des recherches judiciaires pour exploitation.
Le traitement infligé à ce juriste viole l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui stipule : « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire ». Ce texte international a été ratifié par le Cameroun. Sa violation par l’Etat du Cameroun peut faire l’objet de poursuites judiciaires afin que les victimes obtiennent réparation. Me Victor Afah, le confrère de Me Amungwa dans plusieurs procédures judiciaires impliquant les présumés séparatistes, a rencontré son confrère le 2 juin 2021 au Secrétariat d’Etat à la défense. Il affirme que les enquêteurs n’ont retrouvé aucune photo dans le téléphone de Me Amungwa concernant l’enquête préliminaire qui a conduit à son interpellation. Concernant les conditions de détention, l’avocat affirme qu’en dehors des tortures psychologiques liées aux circonstances de son interpellation, aucun cas de torture physique n’a été signalé sur le mis en cause.
Arrêté et tabassé en 2019
Me Amungwa Tanyi Nicodemus est l’un des avocats ayant assuré la défense devant le tribunal militaire de Yaoundé d’Ayuk Tabe, le président auto- proclamé de l’Etat imaginaire de l’Ambazonie et plusieurs leaders anglophones condamnés à la prison à vie par le tribunal militaire de Yaoundé pour les faits de terrorisme, sécession et d’hostilité contre la patrie. Il est également l’avocat du journaliste Kinsgley Ndjoka. Ce journaliste est détenu à la prison pour complicité avec les séparatistes. Ce juriste assiste également des victimes du massacre de Ngarbuh dans l’affaire judiciaire que l’Etat du Cameroun a déclenché contre certains éléments des forces de défense impliqués dans ces tueries qui ont coûté la vie en février 2020 à une vingtaine de personnes parmi lesquelles les femmes enceintes et les enfants. En juillet 2019, Me Amungwa avait été interpellé à Yaoundé par les gendarmes. Il a été tabassé avant d’être libéré.
La Commission nationale des droits de l’homme et des libertés du barreau fait un lien entre l’interpellation de l’avocat et les différents dossiers dans lesquels il défend les présumés sécessionnistes devant le tribunal militaire. Me Christian Bissou, président de ladite Commission affirme que la situation de son confrère préoccupe aussi bien l’institution qu’il dirige ainsi que le barreau du Cameroun. Ces deux associations professionnelles continuent de se déployer pour obtenir la libération immédiate de Me Amungwa Tanyi Nicodemus.
Violation du secret professionnel
Par ailleurs, Me Christian Bissou explique que la confiscation du téléphone portable de son confrère est une violation du secret professionnel. « Les correspondances privées de l’avocat restent et demeurent protégées par le droit et sa violation est punie par la loi. Tout échange entre l’avocat et son client demeure de nature confidentielle quel qu’en soit le support. L’avocat ne saurait être le complice de son client et le secret professionnel de l’avocat est un principe absolu. Ce principe ne peut être délié qu’en présence du bâtonnier de l’Ordre des avocats mais aussi avec l’accord du client. Le secret professionnel permet la protection de la confidentialité et c’est aussi un élément de confiance que le client a à l’égard de son défenseur », explique Me Christian Bissou. Me Louis Tenzon, avocat au barreau du Cameroun va dans le même sens en expliquant que si effectivement un gendarme a regardé le contenu du téléphone de l’avocat, cela veut dire qu’il l’a fait de sa propre initiative, et donc sans une décision de justice le lui autorisant. Cela constitue une violation du secret de correspondance comme le précise l’article 17 du pacte international relatif aux droits civils et politiques qui stipulent : « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance ».
Me Felix Agbor Balla, le président du Centre des droits de l’homme pour la démocratie en Afrique (Chrda), condamne cette interpellation qui vise un défenseur des droits de l’homme et condamne les multiples cas d’arrestation que subissent les avocats dans le cadre de l’exercice de leur profession.