Bureau d'études - récit de société de Christian Gatard (éditions Les impressions nouvelles, 2008)
Dans « Bureau d’études » il puise dans ses souvenirs des anecdotes tirées de son quotidien professionnel, bien moins insignifiantes qu’on pourrait le croire a priori. Le dada de Christian Gatard : comment le mythe travaille la réalité et la transfigure sans cesse – toutes les sciences molles, philosophie, sémiologie, sociologie, psychanalyse, ethnologie et cetera seront convoquées sans complexe tour à tour, ou plus souvent concomitamment, dans un art du coq à l’âne international parfaitement assumé. Entre impératifs économiques et pensée magique, Christian Gatard ébauche ainsi un syncrétisme furieusement contemporain, et idiosyncrasique, s’il en est.
Certes, il n’est pas toujours aisé de le suivre. Tout comme ses collaborateurs observant bouche bée ses développements mystico-esthétiques sur le pneu, il arrive qu’on se perde dans ce récit qui procède par fragments piochés dans un métier riche en rencontres et en expériences des plus variées. Du champagne Heidsieck aux études sur les sex toys, de New-York à l’Afrique noire, le champ d’investigation est large et réjouissant, et les mascarons de la réalité la plupart du temps surprenants.
Mais il faut l’avouer, le charme de « Bureau d’études » tient en grande partie à la découverte d’une personnalité séduisante et picaresque, dont ni Christian Gatard ni le lecteur ne sont dupes du caractère autofictif. Bien trop lucide sur les imaginaires pour prendre son personnage au premier degré, Christian Gatard éblouit par son érudition et sa volubilité, convainc par son enthousiasme de témoin curieux (dans tous les sens du terme). Les bribes du monde qui nous parviennent à travers son écriture fabriquent un patchwork humaniste et lucide qui en dit beaucoup sur notre époque.
(Chronique à paraître sur Sitartmag à la rentrée.)