Dans la Gnose, le féminin est constamment présent. Ici, c'est l'Intelligence primordiale qui parle directement, autrement dit la Conscience universelle, conscience que le Mystère inconnu prend de soi.
Le divin devient alors à la fois masculin (l'abyme de silence) et féminin (la conscience). Leur union engendre tout, à commencer par le Tout, appelé l'Enfant ou l'Homme primordial.
Le plus souvent, ce sont des entités masculines qui s'expriment dans les livres gnostiques. Mais ici, c'est le féminin qui parle. Le divin est à la fois mâle et femelle, mais ils ont été séparés : c'est la Chute. L'un des buts de ce drame universel est le retour à l'unité. Certains mouvements gnostiques rejettent le féminin (les encratistes ou aquariens), ils aspirent à "défaire les œuvres du féminin". Cependant, la plupart des Gnostiques rejettent le mariage et la procréation à la faveur, semble-t-il, d'une sexualité spirituelle, tournée vers l'élévation de ce qu'il y a de plus lumineux dans le corps, peut-être à travers une sorte de rapport charnel sans procréation, et donc "spirituel".
Quoi qu'il en soit, voici ce que proclama la Conscience universelle, sans doute quelque part en Egypte, vers 150.
"C'est moi celle qui est honorée
et celle qui est méprisée.
C'est moi la prostituée
et la vénérable.
C'est moi la femme
et la vierge.
C'est moi la mère et la fille.
Je suis les membres de ma mère.
C'est moi la stérile
dont les enfants sont nombreux.
Mes mariages sont multiples,
mais je suis sans mari.
C'est moi la sage-femme
qui n'enfante pas.
C'est moi la consolation de mes douleurs.
C'est moi la fiancée et le fiancé,
et c'est mon mari qui m'a engendrée.
C'est moi la mère de mon père et la sœur de mon mari,
et c'est lui mon enfant.
...
C'est moi le silence qu'on ne peut saisir
et la conscience dont la mémoire est riche.
C'est moi la voix dont les sons sont nombreux
et la parole dont les aspects sont multiples.
C'est moi l'énoncé de mon nom.
...
Vous qui me connaissez,
ignorez-moi
et ceux qui ne m'ont pas connue,
qu'ils me connaissent,
car c'est moi la connaissance
et l'ignorance.
C'est moi la honte et l'assurance.
Je suis effrontée.
Je suis réservée.
Je suis hardiesse et je suis frayeux.
C'est moi la guerre et la paix.
Soyez-moi attentif, moi l'ignoble noble !
Soyez attentifs à ma pauvreté et à ma richesse !
...
Si vous me voyez sur le fumier,
ne passez pas non plus
et ne me laissez pas gisante,
et vous me trouverez dans les royaumes.
...
Je suis sotte et je suis sage.
...
Elancez-vous vers l'enfance
et ne la haïssez pas
parce qu'elle est chétive et petite."
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On pourrait donner une interprétation précise, conforme au Tantra, de ces expressions paradoxales. En, il serait possible de trouver des équivalents de ces déclarations dans les tantras. Quant au sens, je laisse à chacun le loisir de le méditer. Il est clair, dès lors que l'on se souvient que c'est la conscience qui parle.