Le gouverneur de cette région n’a pas prorogé l’interdiction des cérémonies de funérailles, décidée pour une durée de deux mois en avril dernier.
Le 4 juin 2021, Awa Fonka Augustine, le gouverneur de la région de l’Ouest a décidé de la levée de la mesure d’interdiction des funérailles qui courait depuis deux mois bientôt sur l’étendue de son territoire de commandement. En effet, le 5 avril dernier, il avait arrêté : « est pour compter de la date de signature du présent arrêté suspendue pour une période de deux mois éventuellement renouvelable en fonction de l’évolution de la pandémie à Covid-19, l’organisation des funérailles sur l’étendue de la Région de l’Ouest ». Le même acte imposait des restrictions sur les autres événements de la vie communautaire de cette région, constant troisième dans le classement des zones infectées par le coronavirus, depuis le déclenchement de la pandémie, l’année dernière. « Par ailleurs, l’organisation de toute autre cérémonie populaire (mariages, obsèques, concerts, etc.) est soumise au respect scrupuleux du quota de cinquante (50) personnes ainsi que de toutes les autres mesures barrières édictées par le Premier ministre, Chef du gouvernement », précisait ainsi l’arrêté régional.
De nombreuses résistances
Pour rapporter, le gouverneur a dû se rendre compte de l’inutilité de sa décision. A notre connaissance, aucun sous-préfet, sur la quarantaine que compte la Région, n’a été capable d’empêcher aux familles éprouvées de faire le deuil des leurs. Aussi bien dans le Ndé, le Noun, la Mifi, les Hauts Plateaux, le Haut Nkam, le Koung Khi, que les Bamboutos et la Menoua, les enterrements et autres ont eu lieu, parfois sans aucune allusion aux mesures barrières. Et pourtant, les dernières statistiques, rendues publiques par cette autorité au cours de la rencontre semestrielle de coordination administrative et de maintien de l’ordre, le 31 mai 2021 à Mbouda, confirment la malaise. « Notre région se retrouve malheureusement parmi les plus infectées, soit la 3ème après le Littoral et le Centre. Les statistiques à ce jour se présentent comme suit : le cumul des cas confirmés sur la Région est de 7 251 personnes ; (…) s’agissant de la vaccination, pour une population cible d’environ 75 552 personnes, moins de 10% ont été vaccinés à ce jour », soulignait-il. Une situation qu’il explique par le relâchement des activités dans les districts de santé, la tension en tests Tdr autant que la réticence des populations et même de certains personnels de santé.
En avril déjà, la mesure d’interdiction était jugée discriminatoire. Pourquoi l’Ouest et pas les autres régions ? Alors que le politologue Joseph Keutcheu parlait du « cheminement conjoint de l’incertitude autour de la circulation de la maladie et d’une régulation par tâtonnements du mouvement des personnes ». Son collègue publiciste, Moïse Timtchueng prévenait, sceptique : « S’il n’y a pas des mesures d’accompagnement fortes, ce sera un coup d’épée dans l’eau parce que les Camerounais ont une propension à défier un certain nombre de choses, même lorsqu’elles s’inscrivent objectivement dans leur intérêt. En prenant en compte les pesanteurs culturelles dans nos mentalités, il y a fort à craindre que cette mesure n’ait pas suffisamment d’effet s’il n’y a pas au moins une concertation très sérieuse entre les gouverneurs et les chefs traditionnels qui sont les vrais garants de l’organisation des cérémonies funéraires dans leurs villages ». Grands bénéficiaires des retombées de ces cérémonies, les chefs n’avaient pas vu l’arrêté d’un bon œil.