On l’a vu : la France, devenue fer de lance du passeport sanitaire, fait maintenant des pieds et des mains pour que l’ensemble de son cheptel citoyen soit rapidement enregistré, numéroté et précisément suivi. Il ne faudrait pas qu’un des gentils mammifères échappe à sa bienveillante surveillance, pardi. Et c’est donc sans grande surprise qu’on voit se dessiner la même tendance à l’échelle européenne.
Ici, il ne s’agit pas d’évoquer une nouvelle fois les contours de ce passeport sanitaire dont on commence tout juste à comprendre qu’il sera parsemé d’embûches techniques, juridiques et sociales et dont on peut raisonnablement s’inquiéter des dérives évidentes ; seuls les naïfs, les corrompus et les complices peuvent encore pousser à la mise en place d’un monde dans lequel l’accès à une vie normale est conditionné à un visa distribué de façon éminemment arbitraire par une entité étatique dont l’opinion et la souplesse peuvent changer à n’importe quel moment…
Non, ici, il s’agit plutôt de ce nouveau projet européen qui vise à doter chaque citoyen du Vieux Continent d’une identité numérique. En pratique, la presse s’est délectée de nous expliquer ce que les autorités européennes nous concoctent dans leur cuisine bruxelloise en présentant ses desseins sous un jour gourmand : pour notre frétillante caste journalistique, ces nouveaux efforts numériques permettront d’accéder en quelques clics sur son téléphone portable à des services sécurisés dans toute l’Europe, d’éliminer les tracasseries administratives, le tout en s’affranchissant bien sûr des grandes (et méchantes) plateformes privées (dont on découvre en filigrane qu’elles auraient ce pouvoir de dresser notre identité numérique, youpi youpi).
Pour l’exécutif européen, il faut dire que l’existant n’est pas très pratique. Pensez donc ! Multiplication des systèmes d’enregistrement des identités des citoyens, des suivis judiciaires, des données numériques de leurs passeports et autres cartes d’identités, données fiscales, tout est fait pour rendre bien compliquée la vie des administrations qui doivent, parfois, s’échanger des données sur le troupeau de citoyens qui transhume de pays en pays ; et puis sans une belle harmonisation d’en haut, c’est compliqué de prouver sa date de naissance, la valeur de son diplôme, de faire valoir son permis de conduire, ne trouvez-vous pas ?
C’est pour cela que l’Union propose donc quelques règles (simples, forcément !) permettant une standardisation de ces données, charge aux États membres de se coordonner pour que leurs systèmes d’informations puissent sainement papoter entre eux.
Le but affiché est double et nappé de miel : tout ceci va nettement améliorer la gestion des données numériques des citoyens, et, bonus additionnel officiel, cela permettra de garantir que ces données ne tomberont pas dans l’abominable domaine privé, notamment celui des GAFA dont tout le monde sait qu’elles veulent nous broyer en nous fournissant tous les jours des services méchamment utiles et bien foutus pour des prix toujours plus serrés, au contraire des États altruistes dont les services, millimétriquement étudiés pour casser de la couille citoyenne avec précision, seront facturés avec une subtilité et une régularité toute administrative. Miam.
En plus, si l’on tient compte du temps moyen qu’il faut pour que des systèmes d’informations s’uniformisent lorsque les administrations étatiques sont à la manœuvre, on peut parier sur une mise en place rapide et indolore. Du reste, si cette uniformisation de l’identité numérique européenne parvient effectivement à rendre les choses plus simples pour les États, on se demande un peu comment cela pourrait rendre les choses plus compliquées pour les entreprises privées (alors même qu’il s’agissait de les écarter du tableau), ce qui donne à l’ensemble de l’opération un parfum d’échec garanti que ne renieront pas tous les énarques français (qui poussent à la roue européenne, on ne se demandera pas pourquoi).
En outre, on ne pourra s’empêcher de s’interroger sur le versant de la sécurisation de ces données. En effet, il apparaît assez clair que des entreprises privées – qui ont pourtant tout à perdre de fuites – ont malgré tout un mal de chien à sécuriser leurs données (et celles de leur clientèle). Dès lors, quelle garantie peut-on avoir de cette sécurisation par des États qui n’ont, au contraire, rien à perdre et tout à gagner de vendre, négocier et triturer ces données (sous le manteau, bien sûr) ?
Et puis tant qu’on est aux questions gênantes, quel historique solide avons-nous exactement de ce genre d’initiatives dans le passé proche ou lointain ?
La couverture numérique sera-t-elle suffisante et surtout, comment procèderont les autorités européennes pour ces citoyens rétifs, qui ne veulent pas, ne peuvent pas s’informatiser, se numériser, se balader sans arrêt avec un smartphone ? Seront-ils un peu plus ostracisés, coupés du « monde de demain » qui se dessine actuellement à coup de gros traits gras ? Est-ce là l’Europe qu’on veut vraiment, celle des clones contre celle des individus ?
Si l’historique des États en terme de sécurité informatique est bien connu (et assez peu reluisant), quel espoir peut-on fonder sur ce nouveau gros gâteau encore plus appétissant ?
Quel « track record » des États peut-on nous sortir sur l’intégrité de ces données ? Qui peut nous garantir que la gestion de ces données ne sera pas entachées d’erreurs qui poursuivront le malheureux citoyen #11445578.3 toute sa vie, sur tout le Vieux Continent et même au-delà ?
Quelle garantie avons-nous réellement sur le périmètre des données collectées ? On n’en a à peu près aucune actuellement tant pour les sociétés privées que pour les États (avez-vous une idée claire de ce que les institutions judiciaires, policières, fiscales, ont sur vous ?), il serait assez formidablement niais de croire que les choses vont subitement s’améliorer avec ce nouveau projet… Or, historiquement, plus les États ont d’informations sur vous, plus ces derniers peuvent briser toutes vos velléités de ne pas rentrer dans le rang qu’ils vous assignent (à vie)…
Enfin, signalons que ce projet, dont tout est déjà fait actuellement pour qu’il aboutisse, risque de faire sombrer le citoyen moyen dans la facilité : on nous dit que ce sera plus facile de faire valoir ses diplômes, son permis de conduire, youpi… Mais aussi, un peu plus tard, son casier judiciaire, ses antécédents fiscaux puis encore un peu plus tard, son historique politique, ses habitudes de consommations, ses lectures et ses fréquentations. Comme toute première dose de drogue offerte pour l’essai, on trouve toujours ça fort intéressant voire agréable, au début.
Est-on prêt à prendre ce risque ? En vaut-il seulement la chandelle ?
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