Le psychosociologue et Directeur de la Protection sociale de l’Enfance au ministère des Affaires sociales revient sur la situation des enfants au Cameroun.
Quelle est la situation de l’enfant au Cameroun ? Est-il suffisamment protégé ?
Il est assez difficile de répondre à cette question si l’on ne prend pas en compte la situation des enfants par rapport aux principaux droits qui leur sont reconnus. A ce titre, si nous prenons par exemple le droit à la santé, de nombreux progrès ont été réalisés ces dernières années en matière de protection contre les maladies à travers des campagnes élargies de vaccination, le paludisme simple est traité gratuitement pour les enfants de 0 à 5 ans. Dans le domaine de l’éducation, le taux de scolarisation a connu une augmentation au cours des dernières années. S’agissant de la protection des enfants de manière générale, si par ce concept, on entend la protection contre les violences, les abus, les négligences et l’exploitation, la situation sans être alarmante devient chaque jour préoccupante, du fait de la diversification des formes de ces phénomènes, et surtout des lieux de survenue. On peut par exemple déplorer que le cadre familial, qui jadis était le cadre sécuritaire par excellence. Il devient aujourd’hui aussi dangereux pour nos enfants que les autres milieux d’évolution.
On constate que les enfants sont de plus en plus victimes de violences sur le plan familial, social. Qu’est-ce qui est fait au niveau du Minas pour assurer leur protection ?
Le Gouvernement déplore l’émergence du phénomène de violences sur les enfants, dans différents milieux de leur évolution. Pour y faire face, le ministère des Affaires sociales, dans le cadre de sa mission de protection sociale de l’enfance conduit au quotidien des actions se situant à trois niveaux, à savoir l’alerte, la prise en charge des enfants victimes et la réinsertion sociale de ces derniers.
L’alerte consiste à tirer la sonnette d’alarme face à la recrudescence des situations d’abus et de violences impliquant les enfants, à faire briser le silence tant sur les effets, les conséquences que sur l’impact de ces fléaux sur l’équilibre et le bien-être social. La prise en charge des victimes implique leur sécurisation (extraction des milieux dangereux), la prise en charge sanitaire, nutritionnelle, vestimentaire le cas échéant, la prise en charge psychosociale, etc. Quant à la réinsertion sociale, il est question de les accompagner afin qu’ils retrouvent une place dans la société, une place correspondant à leur état, leur âge, leurs réalités socioculturelles et leurs aspirations.
Qu’en est-il des enfants de la rue?
Le phénomène des enfants vivant dans la rue est devenu une préoccupation mondiale, et le Cameroun n’est pas épargné. Il traduit une déliquescence de la cohésion familiale et l’abandon de la solidarité nationale qui par le passé faisait la force de nos sociétés traditionnelles. Au Cameroun, il est surtout observé dans les grandes métropoles, et le Gouvernement, avec l’appui de ses partenaires, démultiplie des stratégies pour y faire face. Malheureusement, telle une pieuvre, il se reconstitue rapidement, donnant l’impression d’une inaction ou d’une stagnation. Les stratégies ici vont de la prévention (au sein des familles et des différents milieux d’évolution), la prise en charge dans ces structures dédiées à cette fin, et la réinsertion sociale à travers la formation socioprofessionnelle et l’appui à l’insertion socioéconomique.
Sur le plan juridique, qu’est-ce qui est fait pour protéger ces enfants?
Le Cameroun a déjà ratifié la quasi-totalité des instruments juridiques internationaux de protection de l’enfant, notamment la Convention des Nations unies relative aux droits de l’Enfant, la Charte africaine des droits et du bien être de l’enfant. Au plan national, le Code civil, le code pénal, le code de procédure pénale comportent des dispositions qui protègent les enfants contre les violences et les abus. Je citerai, à titre d’illustration, le code pénal qui, en ses articles 350, 351, 352, 356 réprime les violences sur enfants, l’enlèvement des mineurs, ou encore le mariage forcé. Pourquoi ne pas citer la Loi n°98/004 du 14 avril 1998 sur l’orientation de l’éducation au Cameroun qui, en son article 35 dispose que « l’intégrité physique et morale des élèves est garantie dans le système éducatif; sont de ce fait proscrits: les sévices corporels et toutes formes de violence; les discriminations de toute nature.. »