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Cameroun – Revendications : 270 huissiers en attente de charge ou d’examen

Publié le 04 juin 2021 par Tonton @supprimez

Depuis 21 ans, ces auxiliaires de justice demandent en vain l’organisation des examens de sortie et l’attribution de charge à leurs confrères ayant terminé leur formation. Le ministère de la Justice fait la sourde oreille. ​

Combien de requêtes faudra-t-il que les huissiers de justice rédigent pour que leur voix trouve un écho favorable auprès des autorités compétentes de la République ? Cette question reste toujours sans réponse. En effet, depuis une vingtaine d’années, ces auxiliaires de justice croupissent avec leurs familles dans une misère et une précarité innommables dues à l’absence d’organisation des examens de fin de formation, pour les uns, et à la non-attribution des charges pour d’autres, qui avaient pourtant terminé leur formation. Le dernier examen organisé en faveur des huissiers de justice, pour leur permettre d’intégrer la profession dans le respect des textes en vigueur, remonte aux 21, 22 et 23 novembre 2000, soit 21 ans.

Depuis lors, les huissiers ayant fini le stage sont en détresse prolongée, les admissions en stage sont gelées. Conséquence, ce corps de métier se meurt d’après des observateurs. Plusieurs huissiers de justice, stagiaires et ceux en attente de charge compris, sont décédés pendant cette longue attente, une soixantaine selon le décompte fait en 2017 par la vice-présidente du Collectif, certains ayant manqué jusqu’aux moyens financiers pour se soigner, apprend-on de sources fiables, tandis que d’autres sont ​menacés par la limite d’âge, sans aucune perspective. L’absence de réponse de la part du ministère de la Justice et de la Chambre des huissiers, s’apparente à un refus délibéré, ou tout simplement une mauvaise volonté de la part des autorités judiciaires du Cameroun. Car, des requêtes et des memoranda à l’attention du ministère de la Justice se sont succédé au fil des ans, sans aucune suite.

Il y a par exemple cette correspondance datée du 12 août 2020, que le secrétaire général à la présidence de la République a adressée au ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Il demandait alors à son collègue du gouvernement, la suite que celui-ci avait réservée à une correspondance antérieure du Sgpr répercutant auprès du ministre de la Justice les hautes directives du chef de l’Etat, relatives à la nomination des huissiers de justice aux charges, conformément aux textes régissant cette profession judiciaire. D’ailleurs, le Sgpr joignait à sa correspondance la thermocopie d’une requête de maître Mathieu Etaba Tina, ayant en objet « la situation des huissiers stagiaires et des huissiers de justice aux charges vacantes​ ».

623 charges à pourvoir

D’après une étude publiée par Maître Ebenezer Paul Mah, lui-même huissier en fonction à Yaoundé, dans son livre intitulé « La profession d’huissier de justice au Cameroun francophone​ » paru aux éditions L’Harmattan, le Cameroun compte 623 charges à pourvoir en vue d’un fonctionnement harmonieux de la justice. Pourtant, le nombre total de charges pourvues à l’heure actuelle avoisine 300, un chiffre qui ne prend pas en compte les départs à la retraite et les décès survenus entretemps. Les huissiers ayant passé avec succès le dernier examen organisé en l’an 2000 sont environ 120 et ceux en fin de stage sont environ 150, soit une population globale en attente d’environ 270 huissiers. « Si par extraordinaire, tous ces professionnels de ce corps de métier étaient nommés, il persisterait toujours un gap de plus de 100 charges à couvrir. A l’heure actuelle, même la seule nomination de ces derniers ne pourrait suffire à réparer l’énorme préjudice qu’ils continuent de subir », conclut l’étude de l’huissier, qui met en exergue la détresse de ses confrères.

Selon le décret N° 79/448 du 05 novembre 1979 modifié et complété par le décret N° 85/238 du 22 février 1985 portant réglementation des fonctions et fixant le statut des huissiers de justice, l’examen d’accès à cette profession est organisé à la fin d’un stage de deux ans subi par chaque huissier stagiaire. En attendant l’application de ces textes, les huissiers de justice triment et broient du noir : « Notre quotidien est vraiment pénible, c’est une gymnastique ; on réfléchit à chaque moment, comment sera le lendemain. Survivre c’est déjà un miracle. Vous savez, plus le temps passe, on prend de l’âge à force d’attendre ; on vieillit plus vite que prévu à cause de se sentir frustrés, marginalisés, oubliés, abandonnés. Nous avons pourtant tous des familles à encadrer et à nourrir. A force d’y penser, nous sommes abattus, déconcertés plus que jamais », déclarait le 23 novembre 2017, la vice-présidente du Collectif des huissiers de justice en attente de charge du Cameroun, Suzanne Mbazoa Ateba, dans les colonnes de notre confrère Le Messager.

Mutisme des autorités

Les multiples démarches engagées en vue de la restauration de leur dignité aux professionnels de ce corps de métier, ont buté sur l’aphonie et l’indifférence de la hiérarchie. « Au départ, nous avons souhaité qu’il soit organisé un examen pour nous permettre d’avoir des parchemins même si on n’a pas la charge. Nous avons alors saisi le président de la Chambre nationale des huissiers, le ministère de la Justice à cette fin. Mais comme nous avons constaté qu’il n’y avait pas de réponse, nous avons finalement exploité nos textes et adressé une correspondance au président de la République pour pouvoir au moins avoir des charges après tout ce temps. Ce qui serait en quelque sorte une réparation du préjudice que nous subissions. Malheureusement jusqu’à ce jour rien n’est fait. Nous avons même refait une lettre de relance (…) restée sans suite. Nous attendons toujours d’être délivrés de ce calvaire. » La balle est désormais dans le camp du ministre de la Justice.

Théodore Tchopa


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