De nombreuses femmes disent vivre dans un foyer avec des coépouse par choix et non par contrainte. CT est allé à leur rencontre.
Nafissa, promotrice d’une organisation œuvrant pour l’autonomisation et la promotion de la jeune femme musulmane basée à Yaoundé, n’a rien à voir avec son homonyme. Cette homonyme-là, c’est Nafissa, personnage de « Walaande: l’art de partager un mari », de l’écrivaine Djaïli Amadou Amal. La Nafissa du roman a la rage de vivre sous le même toit avec l’homme à qui elle a été donnée en mariage et ses coépouses. Elle redoute son «tour d’entretien» de l’époux. La polygamie, c’est clair, la Nafissa de «Walaande » ne l’a pas choisie. Contrairement à elle, la Nafissa de la vie réelle a fait le choix du foyer polygamique. « Je suis issue de ce type de mariage. Ma mère était la deuxième femme et elle a eu quatre coépouses, mais je dois dire qu’elle a vécu le côté positif de la polygamie.
Elle collaborait avec ses coépouses, elle nous a éduqués dans le respect de ces dernières », se souvient-elle. Alors quand elle a été confrontée au phénomène, la jeune dame n’a pas tergiversé. Elle raconte : « Mon mari travaille à Douala, et je gère le local familial ici à Yaoundé. Quand je l’ai rencontré, nous n’avons pas vu la distance à cause de la passion. Il avait déjà une épouse qui est partie, mais qui lui avait laissé des enfants. Il fallait s’occuper de lui et des enfants restés à Douala. Au début, je ne voyais pas où était le problème, mais très vite, je me suis retrouvée face à un dilemme. » Deux questions s’imposaient à elle : « Vais-je rester égoïste ? Puis-je me donner à 100% à mon mari alors que j’ai des responsabilités ? » Les deux réponses, «Non», l’ont décidée à accepter la nouvelle épouse. « Il y a eu beaucoup de dialogue entre mon mari et moi, ce qui m’a permis d’extérioriser mes sentiments, car au départ j’étais d’accord, puis j’ai commencé à ressentir de la jalousie », reconnaît-elle tout de même.
Comme Nafissa, Angeline, originaire de la région de l’Ouest, a fait le choix de la polygamie également pour mettre sa carrière en priorité. «Quand je me suis mariée, j’avais 22 ans, et j’étais enseignante en service à Bafang. Mon mari avait déjà deux épouses. A la suite d’une réunion professionnelle à Yaoundé, j’ai été conquise par l’ambiance de travail de la capitale. Je n’ai plus voulu retourner à l’Ouest auprès de mon mari, surtout que l’atmosphère y devenait de plus en plus lourde. Alors je l’ai autorisé à prendre une nouvelle épouse, ce qu’il a accepté », témoigne Angeline, qui pense que tout le monde est sorti gagnant de l’histoire. Pour elle, toute femme a le droit d’exercer sa liberté de penser, « n’en déplaise à certaines qui verraient dans ce choix de l’esclavagisme », dit-elle.
Ces dames sont de cette nouvelle génération, qui pour des raisons personnelles, se laissent de plus en plus attirer par cette pratique pourtant combattue avec énergie par les féministes et autres défenseurs des droits de la femme. Pour Marie (prénom changé pour volonté d’anonymat) née dans un village à quelques kilomètres d’Ebolowa, dans le Sud, il suffit de faire des concessions. « Je suis une enfant d’un mariage polygamique. Le cercle familial était plutôt paisible, car ma mère et sa coépouse étaient tout sauf des rivales. Elles s’échangeaient les tâches ménagères et les responsabilités de la maison sans querelle.
Mon père, un chef traditionnel, a toujours veillé à leur cohésion. Je suis pour le moment célibataire, mais je ne vois pas pourquoi je refuserais de partager mon mari si les autres femmes et moi nous entendons bien », croit savoir Marie. Si ces trois femmes parmi tant d’autres trouvent un avantage dans la polygamie, il reste que l’acceptation de ce statut marital n’est pas toujours aussi simple, tant les anecdotes autour sont en général douloureuses.