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Covid-19 : passe sanitaire et obligation vaccinale

Publié le 03 juin 2021 par Sylvainrakotoarison

" Comme Brigitte et moi, comme 25 millions de Français déjà, vaccinons-nous ! Pour nous protéger, pour protéger nos proches. " (Emmanuel Macron, le 31 mai 2021 sur Twitter).
Covid-19 : passe sanitaire et obligation vaccinale
Depuis quelques semaines, la campagne de vaccination en France s'accélère. Depuis le lundi 31 mai 2021, toutes les personnes de plus de 18 ans peuvent se faire vacciner et à partir du mardi 15 juin 2021, les adolescents de 12 à 18 ans pourront également se faire vacciner. Après cinq mois et un démarrage un peu difficile, la France réussit donc à avoir une population majoritairement vaccinée. Au 2 juin 2021, 50,6% des adultes ont en effet déjà reçu une première dose de vaccin : 26 523 112 Français ont reçu au moins une dose et 12 470 680 sont totalement vaccinés selon leur situation (une, deux ou trois doses). L'objectif de 30 millions de primovaccinés au 15 juin 2021 paraît donc très réaliste.
Ayant attendu son tour comme les autres Français de son âge, le Président Emmanuel Macron ainsi que sa femme ont été primovaccinés le 31 mai 2021. Cependant, on regrettera l'absence d'images pour l'exemplarité et l'on pourrait se dire qu'il aurait pu se faire vacciner bien plus tôt, en raison de ses activités qui nécessitent de nombreux contacts humains. Président de la République, nécessairement, c'est une fonction à risque. La preuve, il l'a eu.
Après les études qui ont montré la possibilité de vacciner les 12 à 18 ans, cette tranche d'âge de la population va aussi se faire vacciner avant le début de l'été. L'objectif est ambitieux mais réel : que toute la population soit vaccinée, ou, du moins, une très grande partie de la population. Si les plus jeunes risquent peu de développer une forme sévère du covid-19, ils peuvent néanmoins être contaminés et continuer à faire circuler le virus. Les études montrent qu'aujourd'hui, le virus circule beaucoup plus chez les moins de 40 ans, qui sont beaucoup moins vaccinés, que chez les plus de 60 ans (il y a un rapport de deux en taux d'incidence, ce qui montre bien que la vaccination réduit beaucoup les risques de contamination même si elle ne les supprime pas complètement).
Certains pays qui ont vacciné massivement leur population montrent l'efficacité de la vaccination. Par exemple, au Royaume-Uni, pour la première fois depuis près d'un an, aucun décès dû au covid-19 n'a été à déplorer le 1 er juin 2021. En Israël, qui a gardé ses frontières fermées, cela a tellement bien fonctionné que le passe sanitaire vient d'être abrogé car devenu inutile. Cependant, l'épidémie semble reprendre au Royaume-Uni en raison du variant indien car le vaccin AstraZeneca utilisé dans ce pays est moins efficace que les vaccins à ARN messager très majoritairement utilisés en France.
Avec la baisse de l'épidémie qui a fait suite au confinement du mois d'avril 2021, la situation épidémique en France est en passe de s'améliorer et la question reste posée sur l'éventualité d'une quatrième vague en automne 2021 : celle-ci devrait être évitée si la vaccination produit les effets escomptés. Avoir la plus grande couverture vaccinale d'ici à la fin de l'été 2021 est donc cruciale pour en finir une fois pour toute avec cette saloperie.
Dans un communiqué publié le 25 mai 2021, l'Académie nationale de médecine a renouvelé sa position en faveur de l'obligation vaccinale. Elle pose le problème ainsi : " Il sera très difficile d'obtenir avant la fin de l'été un taux de couverture vaccinale qui assurerait une immunité collective suffisante pour contrôler l'épidémie, soit 90% de la population adulte ou 80% de la population totale (enfants inclus). ". Et l'Académie de préconiser ainsi, à l'instar de la lutte contre d'autres graves maladies (variole, diphtérie, tétanos, tuberculose, poliomyélite) : " Déjà évoquée à plusieurs reprises, mais rejetée sur l'argument réaliste du manque de vaccins, l'obligation vaccinale doit maintenant être envisagée. ".
Parfois, il est bon de revenir aux fondamentaux, et l'un d'eux est : il faut rendre à César ce qui est à César... autrement dit, à chacun son métier. Aux médecins d'indiquer ce qui serait bien ou pas bien en termes de médecine, de vaccination, d'âge, etc. mais ce n'est pas à eux de préconiser des mesures politiques,, or, une obligation est une mesure politique par excellence, c'est au pouvoir politique de prendre cette décision, tout simplement parce qu'il porte une légitimité populaire et démocratique que n'ont pas les "sachants".
On peut certes concevoir des obligations "à la marge", par exemple, pour le personnel soignant (c'est ahurissant d'imaginer des soignants qui refusent de se faire vacciner, alors que le covid-19 est devenu la première maladie nosocomiale mortelle), au même titre qu'on demande par exemple aux assesseurs des scrutins régional et départemental à venir d'être vaccinés. Mais une obligation générale de toute la population est complètement contreproductive.
J'avais déjà évoqué cette idée d'obligation vaccinale le 10 novembre 2020, au moment où le vaccin Pfizer devenait une réalité palpable et pas seulement virtuelle. Personne n'imaginait un développement aussi rapide des vaccins et c'est la chance extraordinaire de l'humanité d'avoir aussi vite cette parade géniale contre une pandémie qui, je le rappelle et insiste, a fait à ce jour plus de 3,7 millions de décès et 172 millions de malades dont beaucoup ont gardé des séquelles graves et durables. À l'époque, il y avait trois fois moins de morts et trois fois moins de contaminés dans le monde.
J'expliquais alors que l'obligation vaccinale n'avait pas beaucoup de sens parce qu'il fallait d'abord avoir les doses suffisantes et qu'il fallait connaître la durée de protection du vaccin. Maintenant, les doses, on en a et la durée d'efficacité semble d'au moins huit mois, voire un an, avec le recul actuel. Cela dit, cela ne signifie pas que l'obligation vaccinale serait pertinente aujourd'hui. Au contraire, elle me paraît particulièrement contreproductive.
D'une part, il y a aujourd'hui toute la catégorie des moins de 50 ans qui peut se faire vacciner et qui n'y avait pas droit avant le 31 mai, si bien qu'il y a une grande partie de cette catégorie qui est en attente de vaccination. D'autre part, même s'il y a maintenant assez de doses, une obligation ne rime à rien s'il n'y a pas de moyen de coercition pour faire appliquer cette obligation. Or, quelle serait la sanction pour une personne non vaccinée ? Là encore, tant qu'il y a des rendez-vous pour la vaccination, cela signifie qu'il n'y avait pas de possibilité avant pour se faire vacciner. À partir de quelle date serait-ce amendable ? Et irait-on jusqu'au domicile des individus qui ne veulent pas se faire vacciner pour les obliger, pour les "piquer" contre leur volonté ? Cela n'a pas trop de sens, d'autant plus qu'on est déjà incapable de contraindre à un isolement réel de dix jours les personnes contaminées.
En outre, rendre la vaccination obligatoire est le meilleur moyen de donner raison aux complotistes antivaccin. Si c'était un avantage, il n'aurait pas besoin de contraindre. Si on contraignait, ce serait que c'est louche. Au contraire, il faut convaincre ceux qui sont hésitants, réticents ou même "rebelles" au vaccin anti-covid. Cette hésitation est légitime : une vaccination n'est pas une opération neutre, ordinaire, c'est un acte qui engage, qui oblige aussi, qui peut mettre dans un état grippal pendant un ou deux jours, ce n'est pas un acte anodin et heureusement que ce n'est pas considéré comme tel.
Il est légitime d'avoir des hésitations mais l'effet d'entraînement est à mon sens bien plus efficace qu'une obligation qui ne restera que purement théorique (même l'obligation d'assurance et de permis de conduire n'est pas suffisante pour avoir 100% des conducteurs avec assurance et permis). L'effet d'entraînement, c'est le fait que lorsque ses proches se font vacciner, on peut constater qu'ils survivent et que tout se passent bien pour eux et même si c'est un peu lâche et mouton de panurge, cela signifie qu'on peut se faire vacciner, puisque "lu et approuvé" par des personnes dignes de confiance. Ce jeu d'entraînement a bien fonctionné durant ces cinq derniers mois, ainsi que la rareté voire la pénurie qui ont convaincu les personnes vulnérables de demander rapidement à être vaccinées.
L'Académie de médecine évoque une couverture de 80% ou 90% pour atteindre l'immunité collective. Cela paraît un seuil excessif, si on en croit d'autres experts. En fait, la différence entre ce vaccin et les précédents, c'est que son efficacité est exceptionnelle (plus de 90 voire 95%), alors que les vaccins dits normaux ont une efficacité plutôt proche de 60%. Certes, le virus se transmet très facilement, plus que d'autres maladies (la grippe par exemple), mais cela ne suffit pas à "compenser", à faire la balance avec la très grande efficacité.
Au 1 er juin 2021, 81,5% des plus de 75 ans sont vaccinés, mais il est étonnant que près de 20% de personnes très vulnérables ne soient toujours pas vaccinées : il faut que les mairies ou l'ARS puissent contacter ces personnes dont beaucoup n'ont pas Internet et ont souvent du mal à se déplacer, peut-être même venir chez ces personnes pour les vacciner à domicile ? La couverture des 65-75 ans est presque la même, de 80,3%. Les 50-65 ans sont aussi à un taux déjà remarquable, 62,9%. Enfin, et c'est logique puisque ces tranches d'âge n'étaient pas encore autorisées, les 30-50 ans sont vaccinés à 33,7% et les 18-30 ans à 22,3%. En chiffres absolus, la principale tranche est celle des 50-65 ans avec 7,8 millions de vaccinés, suivie des 65-75 ans et 30-50 ans, avec respectivement 5,8 et 5,6 millions de vaccinés, puis des plus de 75 ans avec 5,1 millions, enfin des 18-30 ans avec 1,9 million.
Il est certain qu'il y aura une proportion irréductible de la population qui refusera la vaccination. Peut-on la réduire par l'obligation ? Je n'y crois absolument pas, et même, cela risquerait de compliquer inutilement les tentatives de persuasion qui parfois aboutissent positivement. C'est parce qu'il y aura toujours un fond de population rétif à la vaccination (même dans le cas de vaccins obligatoires) qu'il sera nécessaire de vacciner également les adolescents (12-18 ans), et peut-être même à plus bas âge, selon que les enquêtes cliniques en cours le confirment (ou pas).
Un autre moyen d'obliger la vaccination, c'est de créer un "passe vaccinal". Je l'ai également évoqué précédemment, je suis contre un passe vaccinal dans la mesure où il faut laisser la liberté de se faire vacciner ou pas. En revanche, comme les parlementaires l'ont récemment adopté, je pense que le " passe sanitaire" est intéressant et peut servir de protection temporaire avant la fin totale de l'épidémie. La différence ? C'est que le passe sanitaire intègre certes la vaccination, mais aussi une réponse négative à un test de dépistage de moins de deux jours. Ce type de passe n'est pas réclamé pour des gestes quotidiens (aller dans un centre commercial, aller au cinéma etc.) mais uniquement dans des événements où il y a des risques importants de contamination par brassage humain, par exemple des grands concerts, ou encore, des vols aériens.
Précisons que l'obligation d'un passe sanitaire dans des pays étrangers renforce la nécessité de pouvoir en délivrer un en France. Du reste, c'est la raison pour laquelle Emmanuel Macron a voulu créer le passe sanitaire dans un cadre européen, pour fixer les mêmes règles (car en la matière, chaque pays peut avoir ses conditions qui peuvent être très différentes).
Le passe sanitaire est incontournable car la France ne vivra jamais seule hors de tout échange international, mais il peut poser plusieurs problèmes qui doivent être traités rigoureusement. D'abord le traitement des données, la garantie du secret médical, le besoin de protéger ses données personnelles. Ensuite, un cadre juridique très spécifique qui interdit son obligation dans des actes ou lieux qui ne seraient pas cités par le législateur (un commerçant n'a pas le droit, à sa seule initiative, d'obliger ses clients à être vaccinés ; en revanche, le port du masque y reste obligatoire).
L'exemple israélien montre aussi que le passe sanitaire est une mesure transitoire pour rouvrir tous les lieux sociaux avant la fin définitive de l'épidémie. Si le taux de couverture vaccinale arrive à un seuil d'immunité collective, probablement que le passe sanitaire n'aura plus d'utilité et ne sera plus obligatoire.
Notons qu'en termes de contraintes sur les données personnelles, cela change peu de la réalité actuelle : ainsi, avant même la crise sanitaire, les billets de train, les billets pour le théâtre (dont le passe sanitaire n'est pas obligatoire) sont nominatifs. En matière du droit à la vie privée, les mesures de lutte contre le terrorisme ont sans doute entamé bien plus ce droit que la lutte contre l'épidémie. Il n'est cependant pas scandaleux de savoir exactement qui se trouve dans une salle de théâtre ou de concert au même titre que savoir qui se trouve dans un train, avion, etc. et même métro, car avec le pass Navigo, la RATP peut déjà tracer allègrement (et précisément) les déplacements des Franciliens (et les caméras sur le réseau routier les automobilistes franciliens dont le GPS de toute manière les traçaient déjà).
En cas d'accident, de catastrophe ou d'attentat, avoir la connaissance de l'identité des personnes présentes en un lieu de rassemblement peut permettre d'augmenter les chances d'identifier les éventuelles victimes. L'enjeu, dans ce cas précis, ce n'est pas le fait de tracer, mais la durée de conservation de ces données privées. Lorsque le spectacle ou trajet est terminé, il n'est plus utile, a priori, de conserver ces données-là.
Bref, la survenue soudaine d'une pandémie a de quoi non seulement inquiéter mais prendre de court le législateur sur les mesures à prendre. La réflexion ne doit pas être absente mais elle doit être rapide pour pouvoir prendre des décisions dans l'urgence. Malgré un certain nombre de boulettes, je trouve que globalement, le gouvernement a su gérer au mieux cette crise sanitaire depuis mars 2020, même dans la gestion prioritaire des vaccinations, non seulement avec le ciblage des personnes vulnérables, mais aussi en favorisant des zones géographiques qui étaient en flambée épidémique. Deux exemples : les Alpes-Maritimes et la Moselle qui ont reçu plus de doses de vaccins au début de la campagne que les autres départements à cause d'un taux d'incidence très élevé, et on voit maintenant que ce choix est récompensé puisque ce taux d'incidence a nettement diminué.
Il y aura toujours des personnes récalcitrantes, qui vont râler, qui même voudraient se dire résistantes (quelle honte pour les vrais résistants, mais c'est vrai qu'il n'y a plus beaucoup de survivants comme Hubert Germain), mais finalement, vu le rythme de la campagne de vaccination, ces personnes ne sont pas si nombreuses que cela, peut-être sont-elles plus nombreuses dans les sondages et dans les réseaux sociaux que dans la réalité sociologique, celle de la vraie vie, celle où les décisions sont prises, engagent vraiment l'humain.
Cette part toujours fragile de l'équilibre entre liberté et sécurité restera la même problématique tant pour la lutte contre le terrorisme que la lutte contre la pandémie, et même que la lutte contre l'insécurité routière. Plus il y a des contraintes, plus il y a de sécurité. Et réciproquement, plus il y a de liberté, moins il y a de sécurité. Il faut les deux. C'est au gouvernement de poser le curseur, de fixer ce qui est admissible ou inadmissible, et c'est une décision hautement politique. À assumer politiquement.
Le gouvernement actuel a considéré que pendant trois mois, avoir autour de 300 décès dus au covid-19 chaque jour était admissible. Mon seuil d'admissibilité était nettement plus bas, mais au final, comment pourrait-on savoir qui avait raison ? Et avoir raison signifie pour moi avoir pris les mesures qui auront permis de sauvegarder le plus de vies humaines (car c'est cela, l'essentiel, nos valeurs). On aurait pu reconfiner dès la fin du mois de janvier 2021, et assurément, il y aurait eu moins de morts covid, mais qui garantirait dans ce cas qu'il n'y aurait pas eu la vague de mars 2021 qui paraissait incontournable à cause du variant anglais ? Qui pourrait garantir que le reconfinement de février n'aurait pas entraîné d'autres décès, des décès de non soin des pathologies non covid ? Le professeur Axel Kahn a évalué à 13 000 décès supplémentaires dans les prochains mois et années dus à des cancers qui auront été dépistés avec retard ou soignés avec retard. Un autre confinement aurait augmenté ce nombre.
Sans compter que, malgré une transparence heureuse de toutes les données disponibles sur l'épidémie, même si cela peut provoquer un complotisme de mauvaises analyses statistiques, un gouvernement aura toujours une meilleure vision d'ensemble de l'intérêt national qu'un simple citoyen ou qu'un simple collectif de citoyens.
La victoire n'est pas acquise, mais on y prend bien le chemin. La vaccination s'accélère, la circulation du virus freine, les services de réanimation commencent à se vider, les décès diminuent aussi, et les commerces rouvrent, les lieux de sociabilité rouvrent. Tout le monde se mobilise pour retrouver la liberté dans la sécurité. On comprendra l'extrême vigilance qu'aura le gouvernement pendant l'été, et élection présidentielle ou pas, il faudra bien rester très prudent pour éviter une quatrième vague épidémique. Aujourd'hui, non, franchement, je n'ai pas à rougir d'être Français, et d'ailleurs, tous ceux qui en ont honte, tous ces antipatriotes qui critiquent tant leur pays, ils devraient le quitter et aller dans les pays qu'ils croient si meilleurs que nous, qu'ils louent tant jusqu'à la nausée.
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Sylvain Rakotoarison (02 juin 2021)
http://www.rakotoarison.eu
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Faudra-t-il rendre obligatoire le futur vaccin contre le covid-19 ?
Covid-19 : passe sanitaire et obligation vaccinale
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210602-vaccin-covid-dj.html
https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/covid-19-passe-sanitaire-et-233483
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/06/02/38997380.html


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