C'est l'été, les vacances, le soleil d'août. Voici donc quelques conseils de lecture pour séance de lézardage sur sable brûlant ou rafraîchissement sur gazon à l'ombre. Dans un domaine que je connais bien, la bande dessinée. Il faut vous dire que j'en achète régulièrement depuis, disons de nombreuses années. Je suis amateur, c'est-à-dire que j'adore lire et relire les bandes dessinées. C'est même mon critère pour les acheter : cela supportera-t-il la relecture ? Un restant d'enfance, qui n'arrive pas à me passer. Le souvenir des quatre heures, des pages froissées et des doigts tâchés de chocolat, des jeudis (eh oui, à l'époque, on n'allait pas à l'école le jeudi, et pas le mercredi) à lire Mickey, Spirou, Tintin et Vaillant, devenu ensuite Pif.
Je lisais en fait tout ce qui me tombait sous la main : livres, revues, illustrés, magazines. De Jules Verne à Tintin, en passant par la Comtesse de Ségur et même Frédéric Dard (j'ai découvert un jour une collection complète de San-Antonio dans une valise d'un de mes frères, et j'ai tout dévoré. Du coup, j'ai enrichi récemment la fiche Wikipédia de F. Dard). A 12 ans. Cette lecture compulsive s'est déplacée peu à peu sur le roman, les biographies, les essais… Mais je suis resté fidèle aux petits mickeys, et malgré plusieurs dons et vide-greniers, je dois en avoir encore à peu près 500 sur mes étagères. Donc voici mon choix, forcément injuste. Fini de dire, « Moi la BD, j'y connais rien » ou encore « Ça remplace pas un bon livre ». Si justement. J'en oublie sûrement, mais voilà déjà quelques idées d'albums certifiées “Atelier Ted et Eux” que je
vous recommande chaudement. Des fois que le temps se gâterait vers la
fin des vacances.
Tronchet : au-delà des classiques “Jean-Claude Tergal”, “Sacré Jésus”, je vous conseille “Houppelande”, récit incroyable d'une dictature qui a décrété obligatoire la fête Noël tous les jours. Une indigestion sans fin de dinde aux marrons, de dîners interminables et de cadeaux utiles. Réplique culte : « J'en ai les dents du fond qui baignent ». Mais si la résistance s'organise, elle n'a pas forcément le bonheur des gens comme programme... Pensez aussi à “Là-bas”, une émouvante histoire de famille de rapatriés, racontée par Sibran, la compagne de Didier Tronchet. Et aussi aux “Rois du rire”, décrivant les tribulations d'un humoriste pour animation de supermarchés, écumant en triporteur les grandes surfaces de Merlimont, Malo-les-Bains et Stella-Plage avec un jeune garçon qui rêve de faire le même métier plus tard… Drôle, tendre et poignant à la fois.
Alan Moore : le grand maître du scénario. A lire sans faute,
“V pour Vendetta”, version BD, vaut 100 fois mieux que le film adapté par les réalisateurs esthétisants de Matrix. Ou encore “From Hell”, somme considérable sur Jack l'éventreur. Mais surtout, Moore s'est amusé à revisiter l'univers des superhéros. Ne manquez pas son "Top Ten", histoire d'un commissariat du futur, dans un monde où chacun est devenu un monstre ou un superhéros. Extraordinaire. Alan Moore a aussi écrit "Forty niners", sur le même commissariat, mais situé dans les années 40, "Authority”, qui raconte les aventures de superhéros peu communs qui sont les seuls à maintenir un soupçon d'humanisme et de générosité dans un monde impitoyable.
Larcenet : l'un des maîtres de la BD francophone actuels. Je vous recommande chaudement "Le combat ordinaire", photographe qui se bat sans conviction pour un monde qui disparaît, “Bill Baroud”, monument d'humour et de dérision sur les séries d'espionnage, “Les superhéros injustement méconnus", autre monument sur des superhéros de pacotille, ou encore "La Loi des séries", et "Soyons fous”.
Ferri : il a écrit avec Larcenet “Le retour à la terre”, où il fait vivre à son compère, devenu le névrosé Larssinet, sa propre histoire de réinstallation la campagne. Réplique culte : le couple observe son voisin qui construit une arche de Noé dans son jardin. « Tu vois, Mariette, Monsieur Henri n'est pas optimiste pour le temps ce week-end…». Mais si vous n'avez pas lu son "De Gaulle à la plage”, je ne vous parle plus. C'est l'un des albums les plus drôles de cette année. J'avais suivi et commenté ici la préparation de cet album. Une réplique parmi d'autres : le Général De Gaulle essaie des tongs pour la plage. «De pied, mon Général, le doigt de pied », lui précise son aide de camp.
Plessix : “Le vent dans les saules” est une histoire charmante d'animaux des bois, à lire sans tarder, adaptée d'un livre de Kenneth Grahame. Bien dessinées et très prenantes, les aventures de Crapaud, Taupe, Rat et Loutre vont vous captiver, je vous le promets.
Alison Bechdel : son “Fun home” est arrivé comme un coup de poing. L'histoire autobiographique d'une jeune fille élevée dans une famille dont le père s'occupe de rendre les défunts présentables (“Fun” est l'abréviation de ”Funeral”, jeu de mots à l'appui). Dans cette atmosphère assez spéciale (les enfants jouent entre les cercueils, après l'école), elle va découvrir peu à peu les secrets de ce partenel autoritaire. J'ai déjà commenté cet album, plus longuement, ici.
Et du côté des classiques
Tintin : incontournable. Ils viennent de ressortir les albums en
petit format. Idéal pour reconstituer sa collection sans changer de
bibliothèque. Mon préféré, parmi les albums : «Les bijoux de la Castafiore ». Une sorte de “Drôle de drame” avec les personnages fétiches d'Hergé. La ligne claire est à son apogée. Quand Tournesol taille ses rosiers dans le jardin, on sent l'air un peu frais, l'odeur des massifs, et on entend le bruit de la tondeuse à gazon… Deux répliques cultes, dans “L'Affaire Tournesol” :
- « Vous partez en voyage ? »
- « Non, car je pars en voyage ».
et encore celle-là :
- « Je suis fier de serrer la main qui a mis le premier pied sur la Lune »
Franquin : mon préféré. Gaston n'a pas pris une ride, et Spirou et Fantasio non plus. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi on n'a jamais fait de film inspiré de “Spirou et les héritiers" ou des "Pirates du silence”. Besson a bien adapté les nanars aventures de Michel Vaillant, il n'y a pas de raison… Une réplique de Gaston, au hasard : « Suis-je distrait, venir vous parler travail un lundi matin à 10 heures, alors que vous faites la grasse matinée, que dis-je le gras week-end. »
Morris : Lucky Luke reste un petit bijou d'humour. “La caravane”, “La diligence”, “Les Daltons dans le blizzard”, “Tortillas pour les Dalton”, “Canyon apache”, j'en passe et des meilleurs. Aussi réédités en petits formats. Les anciens (pas les premiers, démarrez après “Des rails sur la prairie », au moins). sont très bons. Après la mort de Goscinny, ça ne ressemble plus à rien. Parmi le top, “Le juge” est une pépite, un diamant noir («Sers un verre à ces messieurs-ours»)
Ah, “Calamity Jane”, et sa réplique culte :
- Calamity (ouvrant le four dans sa cuisine calcinée) : « Mes gâteaux sont brûlés ».
- Les pompiers (qui viennent d'éteindre l'incendie) : « Eh bien, c'est déjà une consolation ».
Autre réplique culte, dans “Les Daltons dans le blizzard”. Joe
veut changer de nom. Mais leurs visages sont si connus que leurs
victimes les appellent quand même par leur célèbre patronyme. Et les
trois autres frères n'arrivent pas à se mettre le nouveau nom (Jones)
et leur nouveau prénom dans la tête.
- Joe : « Le premier qui m'appelle “Joe”, je le descends ! »
- Jack : « Calme-toi, Machin »
Dernière perle : « En remontant le Mississipi ». Le voyage mouvementé d'un bateau à vapeur, avec son pilote vantard : «En été, le fleuve est tellement bas qu'on est obligé de naviguer le matin, à cause de la rosée…»
Gotlib : Ah, Marcel. Fondateur de Fluide Glacial, un des réussites de la presse BD, mine de rien. “La Rubrique à brac”, “Les Dingodossiers” (avec des scénarios de Goscinny), “Hamster Jovial”, c'était quand même quelque chose. Réplique culte : le meunier, virant de chez lui Don Quichotte à coup de pieds aux fesses : « Alors, on entre ici comme dans un moulin ? ».
Midam : “Kid Paddle” est quand même excellent. Voire bien supérieur à Titeuf.