Les travailleurs de «deuxième ligne» attendent toujours la concrétisation de la promesse faite dès le printemps 2020 par l’exécutif.
Longtemps, ils furent les «invisibles» de la crise pandémique. Les voilà déjà les «oubliés» de l’après… On les appelle les «deuxièmes lignes», ces salariés précaires, mal payés et sans perspective de carrière. Qu’ils soient agents d’entretien, caissiers, magasiniers, aides à domicile, boulangers, maraîchers, ouvriers de l’agroalimentaire ou du bâtiment…, ils n’espèrent rien du «système» qui les broie, les exploite et les maintient ad vitam aeternam dans leur condition de fragilité – au travail comme dans la vie. Particulièrement exposés au risque de contamination par le Covid, à cause duquel ils ont payé un lourd tribut, ces 4,6 millions d’employés ont continué à travailler lors des différents confinements. Pour le bien de tous…
Si les soignants, en «première ligne», ont bénéficié d’un train de mesures – très insuffisantes – dans le cadre du Ségur de la santé l’été dernier, ces travailleurs de «deuxième ligne» attendent toujours la concrétisation de la promesse faite dès le printemps 2020 par l’exécutif. Il était question de «prendre mieux en compte» leurs revendications. Et depuis ? Rien. Une étude du ministère du Travail a récemment dressé le portrait de ces sacrifiés – singulièrement les femmes. Les salariés des 17 métiers dits de la «deuxième ligne» identifiés ont tous en commun des conditions d’emploi «nettement moins favorables que celles de la moyenne des salariés du privé». Chiffres éloquents: leurs rémunérations sont ainsi inférieures à celles de l’ensemble des salariés d’environ 30%, tirées vers le bas par la trappe aux bas salaires, inférieurs à 1.246 euros net, ce que perçoivent 20% d'entre eux… terrifiante réalité.
Non seulement ces exploités des temps modernes sont exclus par le patronat et le gouvernement de toute possibilité de négociations concernant d’éventuelles revalorisations salariales, mais ils restent soumis aux temps partiels, aux conditions de labeur infernales et aux horaires atypiques qui détruisent les existences familiales. La lutte victorieuse des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles, après vingt-deux mois de mobilisation, devrait nous inciter à une réflexion collective, en tant qu’exemple d’action. Et, plus globalement, à la structuration d’une riposte populaire de grande ampleur.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 2 juin 2021.]