Un nouvelle expression pour avancer sur notre route du savoir, et aujourd’hui retour chez amis les bêtes avec : Donner sa langue au chat.
Cette formule qui marque la fin des devinettes se noie dans le brouillard des temps et des jeux enfantins. Cependant le chat, comme dévoreur de langue, qui rend les petits enfants muets, semble avoir pris à une époque relativement récente la place du chien, ordinairement plus vorace. « Ne sauriez-vous deviner ? – demandait Mme de Sévigné. Jetez-vous votre langue aux chiens ?... » Il semble bien que ce soit là l’ancienne formule : jeter quelque chose aux chiens c’est en faire très peu de cas, voire un acte infamant, et ne pas être « bon à jeter aux chiens » le comble de l’indignité.
C’est probablement parce que « langue au chat » est plus joli, moins brutal que « langue aux chiens », que s’est effectué ce changement d’animal domestique. L’expression consacrée s’éloigne ainsi de la réalité féroce dans laquelle elle a certainement vu le jour, à des époques où les mutilations humaines n’étaient pas de simples façons de parler. Couper les mains en guise de châtiment, couper les oreilles, le nez, la langue, à des ennemis vaincus, à des captifs, par représailles ou pour le simple plaisir, ont été – sont encore parfois ! – des pratiques odieuses mais bien réelles. Les jeux d’enfants qui miment – innocemment ? – la plus grande bestialité des peuples (on joue à la guerre n’est-ce pas ?) sont souvent comme l’écho des coutumes barbares, et c’est sans doute dans un châtiment cruel qu’il faut voir la véritable origine du gentil renoncement de nos devinettes. Car donner sa langue à manger aux chiens, ou aux chats, c’est, par une automutilation symbolique, devenir irrémédiablement muet, et donc le plus sûr moyen de ne jamais pouvoir répondre à la question posée.
Vite une devinette J