Pour nourrir sa famille, la petite commerçante se ravitaille dans les restes de vêtements à l'issue du déballage des fripiers.
" Regardez ma peau. Ce n'est pas mon teint. C'est le soleil ! ". Phanie Djeudi a le ton grave lorsqu'elle prononce cette phrase. Du doigt, elle pointe son bras pour montrer la noirceur de sa peau du fait des intempéries. Ce vendredi 28 mai 2021, elle est d'ailleurs vêtue en tenue de circonstance prête à tout type de climat. Elle a arboré un pantalon jean destroy, un t-shirt rouge et des chaussures en plastiques communément appelées " tchaka ". Sa saccroche est bien accrochée autour des reins. Déjà dix ans que Phanie Djeudi propose des vêtements pour enfants au marché Nkololoun de Douala. Il s'agit plus exactement des déchets d'habits, comme elle tient elle-même à le préciser. L'expression ici consacrée c'est : " boulaï ".
Pourquoi parle -t-elle de déchets de vêtements ? Phanie explique que cela découle de son circuit d'approvisionnement. Elle n'a pas assez de moyens pour s'arracher les premiers choix lors des déballages de friperie au quartier Ngonsoa. "J'attends à la fin et je me rapproche des déballeurs pour leur demander les déchets d'habits qui reste de leur ballot, contre rémunération ", explique la petite commerçante. Une fois ces ''boulaï'' en sa possession, Phanie se rend ensuite dans un atelier de couture où elle débourse entre 50 et 100 F. Cfa par pièce de vêtement pour un raccommodage. Elle installe enfin la marchandise sur une petite bâche à même le sol au marché Nkololoun en quête de la clientèle. Qu'en est-t-il de la recette ? " Il y a des jours où tu peux faire la recette de 5000 F. Cfa et d'autres jours où tu n'écoules rien du tout. Nous sommes dans un monde de jonglage", dit-elle en réajustant ses lunettes.
Trois enfants à charge
Mère de trois enfants, Phanie Djeudi essaie de subvenir aux besoins de sa famille tant bien que mal. Une opération pas toujours aisée pour cette maman de 42 ans, titulaire d'un baccalauréat D. Avec les revenus faibles issus de la vente de ces ''boulaï'', sa fille inscrite en classe de 2nde a dû arrêter les classes au milieu de l'année scolaire, faute du paiement total des frais de pension. Las des demandes de moratoire, les responsables de son établissement l'ont mise à la porte. Quand elle évoque l'épineux problème du paiement de 100 000 F. Cfa exigé pour occuper une place sur la chaussée, elle pose sa main sur son menton et son visage se ferme.