Des milliers de personnes face au miroir du présent, venues honorer et célébrer, pour les cent cinquante ans, la trace unique de la Commune de Paris.
Au pied du Mur, nous vîmes des visages, des poings dressés, des paroles, des chants, de la joie retrouvée en partage et ces petits riens et ces grands touts qui témoignent de l’écume du temps. Des milliers de personnes face au miroir du présent, venues honorer et célébrer, pour les cent cinquante ans, la trace unique de la Commune de Paris, cette mémoire vivante des communardes et des communards qui tient une place à part dans nos vies. Pas de nostalgie. À peine le souffle frissonnant de la mélancolie. Mais d’abord et avant tout, en pleine conscience, quelque chose qui dépasse la simple rêverie d’un monde meilleur rehaussé par l’Histoire avec un grand H: la permanence des idées, l’irascible lutte pour le bien social, le combat révolutionnaire!
Il fallait y être, samedi, dans cette «montée» républicaine vers le Père-Lachaise, puis dans cette pause groupée au Mur des fédérés, silhouettes agglomérées et soudain dressées «à l’assaut du ciel». Figures riantes et émues, aux yeux bordés de reconnaissance d’un bonheur collectif si puissant qu’un élan politique – un vrai – semblait remonter des tréfonds du peuple et de ses pas en avant. Comprenons bien. Ce n’était pas le seul surgissement du passé qui réchauffait les cœurs jusqu’aux larmes. Non, c’était l’action d’aujourd’hui conjuguée au futur. Quand nous lisons: «J’aimerai toujours le Temps des cerises», en tant que permanence et inspiration. Quand Louise Michel est citée: «Ce n’est pas une miette de pain, c’est la moisson du monde entier qu’il faut à la race humaine, sans exploiteurs et sans exploités.» Quand ces héros de justice nous parlent encore, nous obligent ici-et-maintenant, éclairés par le couteau bavard de leurs plaies.
L’héritage en ampleur s’impose à nous: ce besoin de création sociale plus que jamais. Ce devoir d’inventer un élan populaire qui relève l’ambition. Et savoir revisiter le creuset où naquirent des lois sociales, des institutions propres à décourager la lutte des places et les conflits d’intérêts, une démocratie dont les enseignements restent inépuisables. Voilà l’honneur de la Commune, qui réside dans son actualité brûlante. Tout autant que l’Empire, elle est l’antithèse absolue de la France macronienne, en pleine dérive ultradroitière. Cette longue lignée du «peuple par le peuple» nous pousse dans le dos…
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 31 mai 2021.]