La blockchain est une technologie qui compte bien remettre de la rareté dans nos sociétés. Elle réalise l’exploit de rendre des actifs numériques rares, c’est-à-dire de forcer leur existence en quantité limitée.
Des monnaies entièrement numériques valent 1000 milliards de dollars comme Bitcoin. Des oeuvres d’art que n’importe qui peut copier à l’identique se vendent pourtant 69 millions de dollars. Au-delà des possibles bulles, les cryptoactifs (actifs existant sur une blockchain) ont bien une valeur, car ils ont bien une rareté. Nous allons voir comment la rareté a évolué au cours des derniers siècles pour arriver jusqu’aux blockchains avec leur rareté toute particulière.
LA RARETÉ À L’ÈRE PRÉ-INDUSTRIELLE
Selon wikipedia, la rareté « exprime la difficulté de trouver une chose particulière, du fait qu’elle existe en faibles quantités ou sous forme d’exemplaires en nombre limité.. »
Jusqu’à l’arrivée de l’industrie la rareté était subie. Toute chose nécessitait beaucoup d’heures de travail et l’humanité avait peu de travailleurs pour réaliser toutes les tâches.
Un moine copiste prenait 3 ans pour recopier une bible. Au XIII siècle, 200 mètres de tissu nécessitaient 6000 heures de travail. La cathédrale de Paris que Macron veut reconstruire en 5 ans, a nécessité 182 ans à l’époque. Un hectare de blé produisait seulement 570 kg de blé, juste assez pour nourrir deux personnes par an.
Cette rareté avait aussi quelques avantages. La monnaie nécessitait des métaux précieux tels que l’or ou l’argent. La planche à billets gouvernementale était donc limitée. L’art était le fruit d’un temps humain considérable, telle La Cène de Léonard de Vinci, réalisée en 4 années.
La rareté provenait donc d’une pénurie de temps humain à une époque où tout nécessitait énormément de temps humain. Cette quantité donnait également une valeur à chaque objet, au point de lier prix et rareté : « ce qui est rare est cher.»
LA RARETÉ À L’ÈRE INDUSTRIELLE
La révolution industrielle n’a eu de cesse de réduire le temps humain nécessaire.
En trois ans, Gutemberg a pu imprimer 180 exemplaires de sa Bible de 1455. La machine à tisser Jacquard a permis à un seul ouvrier d’effectuer le travail de cinq ouvriers, provoquant la révolte des Canuts. Aujourd’hui, les productions agricoles par hectare ont été multipliées par dix. Et nous pouvons construire des bâtiments, tel le viaduc de Millau, en seulement trois années.
Cette volonté de produire en masse avec peu de temps humain et encore moins d’énergie humaine a permis de baisser le coût de la vie, mais aussi de faire disparaître la rareté de nos vies ! Le point culminant d’une société aux ressources infinies est arrivée avec l’informatique. Les ressources numériques se copient et partagent quasi instantanément et gratuitement.
Bien sûr, cette perte de rareté dans la société est bénéfique. 90 % des humains mangent à leur faim. Le savoir n’a jamais été aussi répandu et accessible. En France, nous vivons dans 90 m2 en moyenne avec seulement 2,3 personnes par logement. Nous achetons 10 kg de vêtements par an et par habitant. La diminution de la rareté est corrélée par une baisse du prix, toutes les deux liées au temps humain présent dans l’objet.
Cependant, ce manque de rareté présente des défauts.
Premièrement, nos monnaies sont devenues des monnaies de singe, qui s’effondrent avec leur gouvernement (liste des hyperinflations). Il faut dire que la garantie de leur valeur ne provient plus d’une quelconque rareté mais de la seule confiance dans le gouvernement… L’art aussi s’est effondré, les techniques de copie ne permettent plus de distinguer original et plagiat, surtout dans l’art moderne.
Les notions d’original et de propriétaire se perdent dans le format numérique où chaque œuvre est copiable à l’infini et à l’identique tel les vidéos, musiques ou photos.
LA RARETÉ À L’ÈRE DE LA BLOCKCHAIN
La blockchain est une technologie qui compte bien remettre de la rareté dans nos sociétés. Elle réalise l’exploit de rendre des actifs numériques rares, c’est-à-dire de forcer leur existence en quantité limitée. Pour se faire, elle va rendre ces actifs ni falsifiable ni duplicable, une véritable prouesse.
Elle s’est d’abord attaquée aux actifs fongibles avec la monnaie bitcoin, une monnaie où la rareté est garantie par des preuves mathématiques. Ces preuves sont plus exactement du cryptage, ce qui donne leur nom aux cryptomonnaies ou cryptoactifs.
La rareté ne provient plus d’un temps humain, mais de preuves mathématiques. Chaque actif est un bien rare sur la blockchain, mais on peut en créer autant de différents que l’on souhaite. Ce premier cas d’usage des actifs fongibles a donné d’autres cryptoactifs comme Ethereum (monnaie), Tether (tracker valant un dollar), VeraOne (tracker valant un gramme d’or) ou encore UNI (action de la compagnie Uniswap).
Puis sont venus les célèbres Non Fungible Token (NFT), pour les actifs numériques non fongibles, que l’on peut considérer comme des certificats numériques d’authenticité. Ainsi des œuvres d’art digitales physiques ou des objets de luxe peuvent retrouver une rareté et une authenticité forte en se liant à leur NFT.
Nous entrons ainsi dans un monde à double rareté.
La rareté physique garantie par une dépense de temps humain perdurera encore sur les métaux précieux ou l’artisanat de luxe. Et de l’autre, tous les actifs se devant d’être rares comme la monnaie ou l’art, mais qui ont perdu leur rareté par le passage de l’industrie puis du numérique. Ceux-ci trouveront refuge sur la blockchain, et sa rareté numérique garantie par des preuves mathématiques.
Dépourvue de temps humain, la rareté numérique n’a intrinsèquement pas de valeur. Ce qui est rare n’est plus forcément cher pour les cryptoactifs, seuls l’usage et la demande de l’actif créeront sa valeur. Ainsi le vrai bitcoin culmine à 50 000 euros, alors qu’un projet concurrent : Bitcoin SV n’est qu’à 270 euros, les deux ayant pourtant la même rareté (21 millions d’unités) et les mêmes garanties mathématiques. La valeur des cryptoactifs n’est donnée que par le marché. Mais au moins, la blockchain permet la rareté donc la possibilité d’une valeur.