Le Rdpc, parti au pouvoir, qui a habitué les Camerounais à des actes de déférences à l'endroit de son leader à de telles circonstances, semble, cette fois, avoir abandonné Paul Biya, seul, au front.
Il fut un temps où Paul Biya, chef de l'Etat et président national du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc, au pouvoir), croulait sous les actes de déférence des "forces vives de la nation" aussitôt qu'il lançait une opération d'assainissement des mœurs publiques. Chaque discours ou avènement d'un acte du président de la République, allant dans ce sens, était chaudement applaudi par ses cadres.
Le vent semble avoir tourné
Depuis la parution sur les réseaux sociaux, le 19 mai, du rapport d'étape attribué à la Chambre des comptes de la Cour suprême sur de présumées malversations financières autour du fonds de solidarité nationale contre le Covid-19, c'est le silence radio. Les médias à capitaux publics, relayeurs par excellence des motions de soutien venues des quatre coins du pays, piaffent d'ennui. On a beau parcourir le reste des médias, aucune réaction d'exhortation à faire rendre gorge ceux qui auraient détourné de l'argent destiné à sauver des Camerounais de la pandémie.
Tétanisé, le Rdpc ? Tout le laisse penser. Du sommet à la base en passant par les niveaux intermédiaires, personne, ou presque, ne semble prêt à prendre l'initiative pour saluer la mesure de Paul Biya, qui a prescrit des enquêtes appropriées et des poursuites diligentes contre tous ceux qui seront convaincus de malversations financières sur les fonds Covid. Où sont donc passés les grands stratèges du "parti de la flamme" ? Que sont devenus ses communicants ?
Silence dans les rangs
Rigueur et moralisation. "Vous voulez parler de la corde dans la maison d'un pendu !" ironise un directeur de l'administration publique, par ailleurs réputé proche des cercles de décision. Et de rappeler que 24 administrations publiques, au total, ont bénéficié des "fonds Covid", parmi lesquels une bonne partie devra tôt ou tard s'expliquer devant le Tribunal criminel spécial (Tcs). Sans compter la nuée de collaborateurs ayant été associés à la gestion de la dotation. Une manière d'indiquer que le Covidgate pourrait se transformer en tsunami, pour le personnel politique du Rdpc. Et que ceux qui se précipiteraient aujourd'hui à rédiger des motions de soutien à Paul Biya ne sont pas à l'abri du rouleau compresseur. L'histoire de l'assainissement des mœurs publiques s'est en effet avérée bien cruelle, pour plusieurs dignitaires du régime.
On se rappelle par exemple, en 2006 et le lancement de l'"Opération épervier", que plusieurs membres du gouvernement et leurs accompagnateurs avaient organisé force meetings, marches et adressé des motions de soutien pour saluer cette opération anti-corruption et de lutte contre les détournements de deniers publics. Dans leurs actes de déférence, beaucoup demandaient au président de la République et leader du Rdpc de ne point faiblir, dans sa détermination à faire de la rigueur et de la moralisation les aiguillons du Renouveau. L'histoire sait parfois être cruelle avec les complimenteurs. Et celle du Covidgate commence à peine à révéler sa face hideuse. Sauve qui peut dans le sérail.