Le scandale de la taxe inique pour la « copie privée » continue de plus belle en France et, youpi, veut maintenant s’étendre au recyclé.
Comme nous l’apprend Marc Rees, le rédacteur en chef de Nexinpact, le lobby Copie France vient ainsi d’adresser sans honte une lettre aux députés pour pousser leurs billes afin qu’ils étendent sur les supports recyclés les taxes déjà fort copieuses qui existent sur les supports informatiques neufs.
Eh oui : comme vous vous en doutez certainement et parce que tout ce qui peut être taxé le sera inévitablement dans le pays, le législateur, totalement cornaqué par ces groupes de pressions, a décidé de ponctionner de généreux montants sur tous les médias de stockage d’information en France. Et ici, « tous » n’est pas une figure de style : absolument tous les formats y passent, depuis les antédiluviens CD en passant par les disques durs habituels jusqu’aux dernières mémoires de masse, chacun dispose d’une bonne ponction dodue arbitraire dont le but affiché est de rémunérer les artistes, ces supports servant tous, dans l’œil de ces lobbies, à effectuer des copies de leurs œuvres qu’il convient donc de rémunérer en forçant l’acheteur à les subventionner.
Bien évidemment, tous les professionnels qui, sans le moindre rapport avec quelque « copie privée de zartiste malheureusement piraté », achètent actuellement des supports de stockage (ou des smartphones, des tablettes, des ordinateurs ou des cartes mémoires) dans le cadre de leurs activités quotidiennes se retrouvent à devoir payer cette taxe absolument indue qui renchérit notablement leur facture finale, le tout en contravention décontractée avec le droit européen qui explique pourtant que cette taxe ne doit peser que sur les particuliers au regard de leur copie privée (article 5.2.b de la directive de 2001 sur le droit d’auteur).
Évidemment, les lobbies des ayant-droits, confortablement assis sur un magot considérable, ont beau jeu de prétendre mielleusement que le remboursement des professionnels concernés est toujours possible ; en pratique, ils multiplient bien sûr la complexité des démarches que les ponctionnés doivent accomplir pour obtenir le remboursement de leur dû, et limitent au maximum l’information même de l’existence de cette possibilité. Avec succès puisque seules quelques centaines de sociétés parviennent à faire valoir leurs droits (1506 apparemment) jusqu’à présent, sur les millions de professionnels qui se sont fait ainsi purement et simplement voler ; au final, sur deux milliards d’euros collectés, un peu moins de 5 millions d’euros ont été remboursés aux professionnels lésés, soit un joli quart de pourcent.
D’un autre côté, on comprend le lobby : la gamelle est bien remplie, la soupe est bonne et comme personne (ou presque) n’y trouve à redire alors qu’il y a vol manifeste, il serait dommage de s’arrêter en si bon chemin !
C’est sans doute pour cela que le groupe de pression, du bon côté du robinet, cherche maintenant à étendre ce qui existe pour les médias neufs aux médias recyclés : après tout, pourquoi ne pas tabasser aussi de ce côté là, même si le recyclé peut aussi servir aux professionnels, même si le recyclé a déjà supporté toutes les taxes possibles et imaginables, et même si les entreprises et autres associations non lucratives de recyclage ont déjà bien du mal à simplement boucler leurs fins de mois en ces périodes délicates ! Comme une nuée de sauterelles n’ayant finalement aucune considération sur les pâtures et les plantations qu’elles dévorent sur leur passage, tout ceci n’a aucune importance : il y a certainement là un gisement encore inexploité de petites taxounettes croustillantes qu’on ne doit surtout pas s’affranchir d’aller récupérer.
Le plus beau de cette nouvelle taxation est qu’elle peut être sans fin : un support déjà taxé une première fois (souvent illicitement car vendu à des professionnels) lorsqu’il est neuf se retrouvera taxé une seconde fois, pour la même raison, après avoir été reconditionné, puis, pour peu que l’objet survive – ce qui a de plus en plus de chance d’arriver à mesure que les pièces mobiles disparaissent progressivement de nos stockages – une troisième voire une quatrième fois, dans la décontraction de tout ce système et l’embonpoint joyeux de notre lobby qui peut reprendre plusieurs fois des frites à la cantoche sur le dos du consommateur.
Si l’on se rappelle que cette taxe a été introduite lorsqu’aucune solution commerciale légale n’existait sur internet pour l’écoute de fichier musicaux, de films et de documentaires, on comprend l’ampleur de l’entourloupe qui permet à l’illusion de durer ; de nos jours, le consommateur est ainsi bien mieux servi par les offres légales commerciale et n’a guère besoin de s’encombrer avec une copie privée et les taxes afférentes bien qu’il les paye pourtant chèrement.
Du reste, l’intégralité de l’argumentaire de ce lobby repose sur l’existence d’une copie pirate qu’il a bien du mal à qualifier et quantifier, utilisant pour ce faire des questionnaires dont l’analyse laisse pantois : bases faibles, enquêtes qui sont au départ de simples opinions mais qui aboutissent pourtant à fournir des éléments pour construire des législations et des taxations, tout est fait pour qu’à la fin, le pifomètre total règne en maître et que la ponction joyeuse continue sans vergogne.
Pendant ce temps, d’autres pays n’ont (étrangement) pas choisi cette voie de l’omnitaxation et proposent donc les mêmes supports à des prix sensiblement inférieurs ce qui pousse progressivement les (rares) professionnels au courant à aller voir ailleurs. Perte pour l’industrie française, perte pour les associations de recyclage françaises, perte pour le commerce français en général et au final, perte aussi pour le lobby ponctionneur ce qui est d’autant mieux…
À l’heure du streaming et de l’internet haut-débit, de la fibre, de la 5G et de Starlink, l’idée même de taxer les stockages pour faire semblant de rémunérer des artistes donne une bonne mesure de l’état d’esprit étriqué de ces lobbies qui ont surtout compris l’intérêt qu’ils pouvaient avoir à pressurer le législateur plutôt qu’encourager leurs industries de tutelles à s’adapter aux nouveaux marchés, et à se réformer pour coller aux usages.
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