Au commencement, avant les choses, avant l’être, il n’y avait que l’Un.
Par la suite, rien n’a pu exister sans lui. Rien n'est sans l'Un, sans unité, sans cohérence. « Être, c’est être un ».
Sans doute. Mais l'unité, seule, est stérile. N'être qu'un, c'est être isolé, abstrait, et donc infécond. C'est presque ne pas être... Me revient le récit étrange de l'Oupanishad, "A l’origine, l'Un était seul, et il désira un Autre..." Oui, l'Un, le Seul, l'Isolé, l’Absolu, Tout seul : à quoi bon ? Pour qui ? Quand je dis cela, résonnent dans mon cœur d'autres paroles, celles d'un sage du Cachemire, Abhinava Goupta. Lui nous enseigne le Deux, la célébration dans la relation, car je ne suis pas sans l'autre, "Je suis" n'est pas sans le visage d’autrui, privé du miroir de ses yeux. Car alors, « je » n'existe pas sans élan, sans ouverture, sans offrande. N’est-il pas vrai que "tout ce qui n'est pas donné est perdu" ?
Au fond, pourquoi faudrait-il choisir entre le Soi et l'Autre, entre l'Immuable et la Danse de vie ?
Je choisi, avec Abhinava, le Nouveau (abhi-nava en sanskrit), l'Un et l'Autre, peut-être parce que je pressens la force féconde de cette abyme, que certains appelleront "dualité", mais qui n'est sans doute qu'un autre nom de l'amour. Qui sait ?