Je suis Sophie Adriansen depuis un moment, et j’ai particulièrement aimé Linea nigra, le roman où elle parle de cette aventure qu’est la maternité. Comme elle, Mathou vient aussi régulièrement au Printemps du livre de Montaigu… je n’ai donc pas été étonnée de ce rapprochement éditorial et que sorte cet album-là, fruit d’une très belle collaboration… Et pourtant c’est un sujet sensible qu’elles abordent toutes les deux ici, le post partum. En ouvrant La remplaçante, vous n’êtes pas à l’abri, et moi la première, de revivre ce qu’il y a pu avoir de difficile dans vos accouchements. Le personnage de l’album vit en effet un après accouchement douloureux et culpabilisant, entre cette impression qu’un 38 tonnes lui est passé dessus, d’être nulle, que le père s’en sort bien mieux, la fatigue, et ce lien compliqué avec le bébé à mettre en place. Elle a alors le sentiment qu’une remplaçante ferait bien mieux qu’elle, saurait profiter de chaque instant, tout en assurant, plutôt que d’être anéantie ainsi par ce que sa vie est devenue et l’ampleur d’une tâche dont elle ne se sent pas capable… Heureusement, peu à peu la lumière apparaît au bout du tunnel, car les autres semblent chacun à leur tour valider son statut de mère… Je suis heureuse que cet album existe car il exprime ce que vivent sans doute beaucoup de femmes, et met aussi l’accent sur le peu de préparation que l’on reçoit pour s’occuper de son bébé (trois jours à la maternité ne peuvent suffire) et surtout à quel point la vie d’une jeune maman va être bouleversée (dévastée ?). Les dessins de Mathou, qui connaît un grand succès, vont permettre au plus grand nombre d’accéder à ce livre, mais aussi amène la légèreté qu’il faut au sujet, et j’en suis ravie. Je n’ai personnellement pas vécu ce post partum-là, je m’en suis rendue compte à la lecture de cet album. Est-ce parce que fille d’une assistante maternelle et ayant fait beaucoup de baby-sitting, je n’avais pas peur et connaissais les gestes ? Je ne sais pas. Et pourtant, j’aurais pu, car je me suis souvent sentie nulle, très très seule, et extrêmement fatiguée. J’ai longtemps laissé par exemple le moment du bain à mon mari, persuadée qu’il tiendrait mieux que moi le petit corps au bord de l’eau sans flancher. J’ai eu ma fille aînée en juillet 2001. J’avais décidé de ne pas allaiter car atteinte d’une myopathie et devant déménager sur Paris pour un nouveau travail en septembre, j’avais peur d’être trop fatiguée pour assurer et je voulais surtout être là pour elle, le mieux possible, apprivoiser le lien. De plus, je crois que j’avais eu un diplôme en biberon à force de pouponner les enfants des autres, alors basta, ce serait aussi bien. Notre arrivée un 21 septembre 2001, dix jours après le 11 septembre, au pied des tours de la défense avec un bébé de deux mois dans un appartement froid et plein de cartons a été la sidération que vous pouvez imaginer. Mon fils est né en 2005, prématuré. J’ai vécu un mois de juin en néonatologie, furieuse et angoissée, furieuse que personne ne parle à l’époque de ces maternités là, furieuse de me sentir si seule (où les autres étaient-ils passés ?), triste et angoissée par une date de sortie sans cesse repoussée, inquiète pour mon bébé. Depuis, je déteste particulièrement le mois de juin. Malgré tout cela, le lien s’est fait immédiatement avec chacun de mes enfants, dès la naissance, viscéral et je dirais même animal, physique. L’amour et le bonheur étaient bien là. J’ai mesuré ma chance, à la lecture de cet album, de n’avoir jamais douté, malgré les difficultés, être la meilleure personne possible pour m’occuper d’eux. Je suis tellement triste, et tellement en empathie lorsque j’assiste aux difficultés des jeunes mères. Il est tellement évident que rien n’est assez fait dans la société pour empêcher cela ou aider, et je ne parle pas des injonctions. Il suffit pourtant de presque rien pour redonner confiance. J’ai aimé dans cet album les moments qui régénèrent et qui existent en effet, cette parole des autres, quand elle est bienveillante. Je n’oublierais jamais par exemple, la façon dont mon ancien médecin, une femme, savait me faire comprendre à quel point je faisais ce qu’il faut et j’étais le meilleur baromètre de la bonne santé de mes enfants. « Vous êtes inquiète, me demandait-elle souvent ? Non ? Alors moi non plus. » Je n’oublierais jamais cette femme de centre de loisirs qui prenait mon aînée à la demi journée dès que « j’en avais besoin ». Un album nécessaire, qui fera certainement beaucoup de bien à celles qui ont vécu un post partum difficile et s’y reconnaîtront, mais aussi à toutes celles que se sont senties parfois simplement maladroites dans leur maternité. Il m’a fait de l’effet à retardement, de mon côté, tous les souvenirs sont remontés…
Editions First – mai 2021
J’ai aimé ce livre, un peu, beaucoup…
Tous les autres liens sont chez aujourd’hui
Une autre lecture chez… Stephie