Le Pitt Rivers Museum avait réalisé il y a deux ans une exposition intitulée Intrepid Women dont j'ai déjà eu l'occasion de parler dans ce blog.
Les femmes pionnières en anthropologie à Oxford, sont de nouveau sous le feu de l'actualité, avec la sortie d'un nouvel ouvrage : Undreamed Shores : The Hidden Heroines of British Anthropology de l'anthropologue Frances Larson. Cette dernière s'est attaché à la vie de cinq femmes : Katherine Routledge, Maria Czaplicka, Winifred Blackman, Beatrice Blackwood et Barbara Freire-Marreco qui ont pour point commun de s'être inscrites à Oxford pour suivre les cours du premier master en anthropologie. C'était dans les premières décennies du XXe siècle.
Toutes les cinq ont pratiqué des terrains très différents. L'anthropologie était alors interprétée comme une "ethnographie de sauvetage". Les femmes avaient été autorisées à assister à des conférences et à passer des examens avant 1920, mais elles ne pouvaient pas officiellement obtenir leur diplôme. Quant à leur avenir après ce cursus, les choses n'allaient pas de soi, il n'y avait pas de poste pour une femme.
Ainsi, après avoir terminé le cursus en 1908, Barbara Freire-Marreco a reçu une bourse de recherche à Oxford en 1909 et s'est rendue au Nouveau-Mexique pour vivre et étudier une communauté amérindienne Pueblo.
Maria Czaplicka était polonaise et est venu étudié à Oxford mais elle devait impérativement trouver un emploi après avoir terminé son cursus. Le professeur Robert Marett, et la directrice du Somerville College, Emily Penrose, ont réussi à réunir de l'argent pour qu'elle puisse travailler sur son livre, Aboriginal Siberia : A Study in Social Anthropology . Elle a donc monté une expédition pour le centre de la Sibérie en 1914. Son équipe était composée de deux femmes, une ornithologue et une artiste ; et un Américain, Henry Hall. Ce fut un succès malgré des conditions extrêmes. De retour à Oxford, elle a commencé à travailler comme conférencière au Pitt Rivers Museum.
Katherine Routledge est peut-être, avec Béatrice Blackwood, la plus connue des cinq. Mariée à un propriétaire terrien en Afrique orientale britannique, elle s'est intéressée au peuple Kikuyu. Tous les deux, ils ont rédigé un ouvrage : With a Prehistoric People: The Akikuyu of British East Africa. Mais elle ne s'est pas arrêté là ; elle a eu les moyens de faire construire un bateau, et se rendre avec son mari sur l'île de Pâques et plus tard à Mangareva. Elle est notamment célèbre pour son livre Le mystère de l'île de Pâques, à la suite de quoi, elle a donné des conférences.
Le sort ne fut pas le même pour Winifred Blackman devenue assistante au Pitt Rivers Museum, cataloguant les artefacts. Elle travaillait pour subvenir au besoin de sa famille. Quelques années plus tard, elle a cependant réussi à rejoindre son frère, archéologue en Égypte, et elle a vécu avec les populations locales. À la suite de quoi, elle a publié The Fellahin of Upper Egypt ainsi que de nombreux articles, mais a toujours eu du mal à trouver des fonds pour ses voyages de recherche.
Contrairement à ses prédécesseures, Beatrice Blackwood a pu obtenir un diplôme et a travaillé comme assistante de recherche à l'université d'Oxford. En 1924, elle a passé trois ans sur le terrain au Canada, et aux États-Unis dans les mêmes communautés que Freire-Marreco. Puis, elle fut la première femme anthropologue à se rendre en 1929 dans les îles de Buka et de Bougainville. En 1935, Blackwood devint assistante en ethnologie au Pitt Rivers Museum et en 1936, elle entreprit son troisième terrain dans l'intérieur de la Nouvelle-Guinée.
Son travail de terrain s'est inspiré de la méthodologie de recherche en anthropologie prônée alors par Bronislaw Malinowski, une observation participante à long terme. Son ouvrage Both Sides of the Buka Passage, basé sur son travail aux Îles Salomon, témoigne de cette approche. Elle a ensuite occupé le poste de conservatrice adjointe au Pitt Rivers Museum jusqu'à sa retraite. Elle fut la seule sur les cinq femmes dont parle Frances Larson, à avoir pu se forger une véritable carrière universitaire ; les autres n'ont jamais reçu la reconnaissance académique, ni un emploi universitaire à l'instar de leurs homologues masculins.
Certaines ont payé un prix fort pour leur volonté de se hisser dans un milieu d'hommes : Maria Czaplicka s'est suicidée après que sa demande de bourse ait été rejetée ; Katherine Routledge et Winifred Blackman ont passé les dernières années de leur vie dans des hôpitaux psychiatriques. Barbara Freire-Marreco a refusé un poste universitaire en Amérique pour soutenir la carrière de son mari, d'abord en Angleterre, puis en Espagne.
Photo 1 : Image tirée de la vidéo.
Photo 2 : Francis Knowles, Henry Balfour, J.A. Harley, et Barbara Freire-Marecco au Pitt Rivers Museum. © PRM 1998.266.3
Photo 3 : Maria Czaplicka en Sibérie 1914, © T.D.R.
Photo 4 : Site de Rano Rarakau, photo de Katherine Routledge, © British Museum Oc,G.T.1608.
Photo 5 : Winifred Blackman dans un village égyptien in The fellāhīn of Upper Egypt, 1927.
Photo 6 : Image extraite du film de Beatrice Blackwood : A stone age people in New Guinea 1936-37.
Dernière vidéo : Film de Beatrice Blackwood du peuple Anga (Kukukuku) de l'Upper Watut, Papouasie-Nouvelle-Guinée, parmi lesquels elle a mené des travaux sur le terrain en 1936-7. PRM1938.36.1711–1713.
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