"I spin and weave and knit my words and visions until a life starts to take shape"
-Laurie Halse Anderson
C'est très précisément une question de forme. Mentale et physique. Mais aussi de formes d'encadrements.
Maddy Wallace, Amanda Bowles, Averil Hart, Emma Brown, Maria Jakes et tellement tellement d'autres, partout dans le monde en feront leur fatal souci. Certaines n'auront jamais intégré complètement la phrase: "Tu es formidablement belle". Ce qu'elles étaient toutes.
Mourir d'anorexie est un mal presque 100% féminin. Un mal du regard. Une maladie mentale.
Averil avait 19 ans. Amanda, 45, Madeline, 19 aussi. Emma, 27. Maria, 24.
Elles sont toutes mortes de cette maladie mentale entre 2012 et 2018 dans l'Est de l'Angleterre. On commence tout juste à prendre pleinement conscience que les spécialistes, autour de l'anorexie, ne sont pas en mesure de non seulement répondre toujours correctement aux cas d'anorexie, mais sont aussi parfois largement incapables de les sauver du pire.
Avec la pandémie actuelle, une augmentation majeure des cas d'anorexie déclarés (car c'est aussi tabou) a été notée partout dans le monde.
Madeline Wallace étudiait en médecine. Hautement intelligente et active, elle avait été diagnostiquée en octobre 2016 d'une nevrose anorexique et avait perdu beaucoup de poids peu de temps après. Son premier semestre comme étudiante de l'Université Médicale d'Edinburgh, en Angleterre, en 2017 a été marqué par une importante perte de poids supplémentaire. Lors d'un passage à la clinique médicale du Cullen Center d'Edinburgh, on aurait échoué à reconnaître l'urgence de la situation. Le 4 janvier 2018, elle souffrait d'importants maux, au thorax et à la poitrine. Reconnaissant son problème de nutrition, elle était inquiète de manquer ses heures de repas lorsqu'elle s'est présentée à l'hôpital de Peterborough. Elle n'est pas restée à l'hôpital, trop agitée et est retournée chez elle. On lui avait dit qu'elle s'était probablement étiré un muscle ou brisé une côte. Le 7, sa mère a appelé un praticien général d'urgence, car ça n'allait plus, et celui-ci a fait une demande d'urgence à l'hôpital. Sa demande a été refusée et on a gardé Madeline chez elle, lui donnant des antibiotiques. Le 8, elle est réadmise d'urgence, on lui reconnait une pneumonie devenue infection grave. Le 9, elle était morte. 19 ans.
Averil Hart a été retrouvé effondrée dans sa chambre universitaire de l'Université de Norwich, le 7 décembre 2012. Elle a été transférée à l'Hôpital d'Addenbrooke, à Cambridge, le 11. Elle y meurt, le 15. Dès 2008, à 15 ans, elle était diagnostiquée anorexique. Trois ans plus tard, elle entrait de plein gré au centre traitant des désordres alimentaires d'Addenbrooke. Le 2 août 2012, avant d'atteindre un poids cible, elle était retournée chez elle par l'hôpital. En septembre, elle commençait sa session universitaire, soucieuse de la manière de gérer ses repas. Qui est un désordre constant pour les anorexiques. Dans son journal intime, Hart confessait étudier la possibilité de falsifier son poids et ses entrées de données, de tricher sur ce qu'elle mangeait vraiment. Le 13 novembre, elle y écrivait qu'elle était si mince et pâle qu'elle ne savait plus ce qui la faisait tenir. Que ça la rendait si triste. Ancienne ceinture noire de karaté, elle était très intelligente aussi, elle l'étaient toutes, ces splendides jeunes femmes.
La discrète et gentille Amanda Bowles était suivie depuis 2016 pour ses désordres alimentaires. Mais la gravité de son cas ne sera relevé que 5 mois plus tard. Elle semble être tombée dans les craques du système. On a échoué à souligner l'urgence de la situation. Elle est morte d'erreurs, de technicalités et de structures. L'absence de reconnaissance d'urgence, sa détérioration mentale, et toutes ses erreurs ont mené directement à sa mort. Elle a été retrouvée morte chez elle, en septembre 2017. D'une mort qui aurait pu être évitée tellement de fois dans un meilleur encadrement. D'abord mental.
Emma Brown a été trouvée morte le 22 août 2018, chez elle, à Cambourne près de Cambridge, par sa mère. Découverte que personne sur terre ne voudrait faire. Intimidée à l'école dès ses 13 ans, elle devient vite anorexique. Afin de maintenir sa ligne, elle courait 24 kilomètres par jour. Ses efforts ont été transformé en quelque chose de positif puisqu'on en a fait une coureuse et elle était devenue si bonne comme coureuse qu'elle devenait un potentiel espoir olympique pour le Royaume-Uni. Elle s'entrainait avec des instructeurs, était donc suivie de pleins de gens, dont des nutritionnistes, des entraineur/entraineuses et des spécialistes de la santé. Troublée et intense, elle volait de l'argent de poche à sa famille pour aller manger dans des restos et ensuite se faire vomir. Ses parents ont bien vu qu'elle était terrorisée par l'idée de prendre du poids. Ils ont vu aussi qu'elle refusait toute aide offerte. Elle devenait obsessive. Ses poumons et son coeur ont lâché. L'anorexie et sa boulimie seraient les facteurs ayant mené à son décès précoce. À 27 ans. La prévention contre les regards malsains que l'on peut porter inutilement sur soi-même doit empêcher de mourir maigre. Cette jeune femme était aussi superbe. Elle n'y a pas tout le temps cru.
Maria Jakes se battait contre l'anorexie depuis ses 14 ans. Elle en est morte 10 ans plus tard. En septembre 2018, plusieurs de ses organes internes l'ont abandonnée. Elle avait refusé l'aide qu'on lui offrait.
Ces Femmes disparues ont été le sujet d'une enquête d'un coroner Anglais qui a offert les conclusions de ses observations sur les circonstances de leurs morts dans l'Est de l'Angleterre, entre 2012 et 2018.
Mais ça meurt encore. Et toujours au féminin.
C'est grave.
Soyez vaillants pour vos fragiles entourages.
La clé de survie des serrures de portes mentales doivent un jour libérer les prisonnières de l'anorexie.
Ça aussi c'est une question de formes.
À la famille D. de L'île Bigras.