Cameroun : La reconstruction du NoSo s’enlise

Publié le 20 mai 2021 par Tonton @supprimez

Annoncé depuis un an, le plan de reconstruction du gouvernement est dans l’impasse.

Face aux personnalités et chefs d’entreprises présents à l’importante concertation tenue hier au Gicam, Le Premier Ministre estime que de toute évidence le plan de reconstruction constitue l’une des réponses au redressement économique des deux régions anglophones sévèrement affectées. Se voulant rassurant, il souligne: «je tiens à dire que la gestion des financements relatifs à la reconstruction du Nord-ouest et du Sud-ouest est assurée par le Programme des Nations Unies pour le développement. La crédibilité et le sérieux de cet organisme ne sont plus à démontrer. J’en appelle donc à la responsabilité sociale des entreprises et des dirigeants. Des responsabilités qui se traduisent par un engagement résolu à contribuer au développement durable des régions sinistrées en travaillant plus près des communautés locales». Au demeurant, poursuit-il, «je suis tout à fait conscient que la pandémie du Covid 19 a fragilisé les capacités d’intervention de plusieurs acteurs du secteur privé mais soyez rassurés que le gouvernement se tient à vos côtés pour atténuer les effets de cette crise sanitaire mondiale».

Sauf que ces propos du Chef du Gouvernement ne convainquent pas quand on sait que sur le budget prévisionnel de reconstruction présidentielle estimé à 89 milliards de FCfa, plus de 10 millions ont déjà été enregistrés mais avec aucune action concrète sur le terrain.

Pourtant, après la visite de travail dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, concernées principalement par la guerre depuis 2016, le coordonnateur du Plan présidentiel de reconstruction et de développement (PPRD) avait dressé le tableau des priorités à mettre en œuvre pour apporter une solution définitive aux problèmes que soulèvent les populations impactées. Paul Tassong, en juillet 2020 annonçait alors que le gouvernement entendait construire 12 000 maisons dans les 24 prochains mois au profit des populations des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, afin de recaser près de 20 000 déplacés internes et externes. Les villages détruits seront de toute évidence reconstruits. Le gouvernement avait pris l’engagement de rétablir les documents privés personnels de 170 personnes. Rendu à ce sujet, il n’en est rien.

Des préalables à une possible reconstruction

Et il n’en sera davantage rien car, pour la société civile, le scepticisme du patronat s’explique. Davantage encore les doutes de ce dernier quant à la transparence sur la gestion des fonds de l’effort de guerre. Interrogé sur cette question l’an dernier lorsque l’idée de la reconstruction des régions anglophones du pays avait été lancée, Philippe Nanga, le Coordonnateur de l’Ong,«Un Monde Avenir» avait soutenu: «s’agissant du processus de reconstruction qui a été lancé par le gouvernement, je doute qu’il peut produire des résultats escomptés. Je doute parce qu’on ne parle de reconstruction que quand on a réglé le problème. On parle de reconstruction parce qu’il y a eu destruction et on reconstruit parce que l’objet de la destruction a été réglé. Pourquoi on a détruit? Parce qu’il y a eu des gens qui étaient mécontents. Et on arrive à l’étape de la reconstruction après la réconciliation. Est ce qu’il y a eu réconciliation entre les populations des deux régions et le gouvernement du Cameroun afin qu’on passe à l’étape de reconstruction. Je pense qu’il y a une étape clé qui manque. C’est la réconciliation».

A l’en croire, les Camerounais doivent se réconcilier. «Nous avons des gens dans deux régions et qui se considèrent comme ne faisant plus partie du Cameroun et sont allés jusqu’à prendre les armes pour cela. Par conséquent, nous ne pouvons pas aujourd’hui ne pas régler le problème, et passer directement à la reconstruction, encore que du point de vue opérationnel, j’ai du mal à comprendre qu’on soit en train de vouloir reconstruire un espace dans lequel il y a encore des gens qui portent les armes en main. C’est quand même un peu utopique de penser que ce soit possible. Au-delà de cela, ce serait aussi maladroit de passer de force à cette étape de reconstruction sans être passé par l’étape de réconciliation».

Aucun succes de reconstruction en vue selon le Congrès américain

Un avis qu’a toujours partagé Tibor Nagy, le sous-secrétaire d’Etat américain aux affaires africaines. Jeudi 29 juillet 2020, auditionné devant le Congrès américain sur la situation de la crise anglophone, il avait critiqué la volonté de Yaoundé qui veut reconstruire alors que les affrontements se multiplient à ce jour sur le terrain. Extrait de des propos relayés par nos confrères en ligne: «le gouvernement camerounais parle d’un programme de reconstruction pour le Nord-ouest et le Sud-ouest, mais malheureusement, il n’y a pas de possibilités de le mettre en œuvre. Et puis, le gouvernement camerounais semble oublier que le désir numéro 1 des populations du Nord-ouest et du Sud-ouest, est d’avoir à dire dans la gestion de leurs propres affaires. C’est une chose de parler de développement, mais au cœur de celui-ci se trouve le désir profond de ces populations d’avoir un contrôle de leurs propres vies et tant que le gouvernement ne le comprend pas, tous des programmes viendront et aucun d’eux n’aura du succès».