Source : https://www.editionsladecouverte.fr/des_empires_sous_la_terre-9782348040467
Des empires sous la terre
Histoire écologique et raciale de la sécularisation
Mohamad AMER MEZIANE
On
appelle généralement « sécularisation » le phénomène qui aurait vu les
sociétés occidentales sortir du règne de l’hétéronomie et entrer dans
l’ère de l’histoire et de l’autonomie. Dès lors les humains, guidés par
la Raison, auraient construit un monde libéré des croyances et des
superstitions.
C’est une tout autre histoire que raconte ce livre,
une histoire dans laquelle la proclamation d’un monde sans Dieu est le
fruit d’une « impérialité » hantant l’Europe et ses colonies depuis
l’échec de la réunification de l’Empire chrétien par Charles Quint – un
monde impérial qui s’annonce, dès la fin du XVIIIe siècle, comme le seul
ayant dépassé les religions et ainsi capable de les réconcilier. Mais
cette affirmation n’est possible qu’au prix de la racialisation de
l’islam et de sa réduction à un universalisme concurrent,
insécularisable et irrémédiablement « fanatique », ouvrant ainsi la voie
à l’expansion européenne vers l’Afrique et l’Asie.
Outre la
dimension raciale de la sécularisation, ce livre en met au jour une
seconde, écologique celle-là. En l’absence d’un Royaume de l’au-delà, la
Terre devient le seul monde « sacré », et l’exploitation de ses sols et
sous-sols la source unique de la légitimité de l’Empire. Aiguisée par
les rivalités interimpériales (entre la Grande-Bretagne, la France et
l’Allemagne), la ruée sur les biens terrestres s’est peu à peu muée en
destruction de l’écosystème global. Ainsi pouvons-nous faire remonter la
crise climatique à ce surgissement impérial-séculier et qualifier l’ère
qu’il a ouverte de « Sécularocène ». C’est la critique du Ciel qui a
bouleversé la Terre.