Crédit photo © Marco Pohle
LE PETIT ÉCUREUIL.
Un petit Écureuil, bien vif, bien sémillant,Avait son nid sur un vieux hêtre ;Vivant heureux, libre et content,Dans le bois qui l'avait vu naître.Au milieu de ce bois, une ferme, un verger.Un magnifique potager,Lui fournissaient en abondanceDes fruits à savourer et des noix à ronger.C'était assez pour lui ; car, dès sa tendre enfance,Ses parents, par nécessité,Ou, peut-être, par prévoyance,Avaient formé ses goûts à la sobriété.Rien n'était si doux que sa vieLiberté tout entière et plaisirs innocents,N'est-ce pas de quoi faire envie ?Il était le premier, au retour du printemps,À voir la forêt embellieDe jeunes fleurs et de bourgeons naissante,Aucun souci, dans sa retraite,Ne venait troubler son sommeil ;Et le matin, à son réveil,Il allait faire sa toiletteAux premiers rayons du soleil,Se peignait, s'arrangeait, se redressait l'oreille.De sa queue en panache il ombrageait son dos,Et se réchauffait en repos,Sans crainte pour demain, sans regret pour la veille.C'était charmant. Voilà qu'un beau matin,Le museau propre et les pattes bien nettes,Notre Écureuil, allant à la chasse aux noisettes,Trouve un gros Rat sur son chemin.II salue avec politesse ;Le Rat l'accoste, et veut nouer un entretien :« Mon cher enfant, dit-il, sans que cela paraisse.« D'être utile j'ai le moyen.« Votre figure m'intéresse,« Et je serais charmé de vous faire du bien.« Que cherchez-vous ici? Parlez avec franchise,« Je suis tout prêt à vous servir ;« Voulez-vous que je vous conduise« Où vous trouverez à choisir« Sucre, biscuits, gâteaux, fromage de Hollande,« Pour vous régaler à loisir ? —« Monsieur, dit l'Écureuil, une petite amande« Est tout ce qu'il me faut pour mon simple repas ;« Je vous suis obligé, mais je ne connais pas« Les mets dont vous parlez. —« Vous plaisantez, je pense ?« Le sucre vous est inconnu ? —« Vraiment oui. — Se peut-il ? Vous n'avez pas vécu,« Mon cher, vous ignorez ce que la Providence« A fait pour nous« De plus doux,« Et les biscuits et le fromage? —« Je ne les connais pas, Monsieur, pas davantage. —« Ah! pauvre enfant, que je vous plains!« Suivez-moi dans cette chaumière;« C'est là que vous verrez... — Oh! non, Monsieur, je crains« De désobéir à mon père.
« Il m'a bien souvent défendu
« D'entrer dans la maison des hommes;« Ils sont les ennemis de tous, tant que nous sommes :« Fuis-les bien, m'a-t-il dit, ou tu serais perdu !« — Votre père a voulu vous effrayer sans doute, »Reprit le Rat ; « mais, voyez-moi,« J'y vais sans cesse; et, par ma foi,« Je n'y vois rien que je redoute. —« Vous croyez? — Je vous jure. — Eh bien donc, je vous suis.»L'Écureuil, en tremblant, trotte jusqu'à l'office ;Le sucre lui parut exquis.Le Rat riait avec malice :« A présent, dit-il, mon cher fils,« Goûte à ce morceau de fromage ! »L'Écureuil mord... Soudain, avec un grand tapage,Un trébuchet tombe. Il est pris !Le Rat se sauve ; on vient, on met dans une cageLe pauvre Écureuil confondu.Il pleure, il se désole, et dit en son langage ;« Adieu, nid paternel, liberté, frais ombrage!« Un mauvais conseil m'a perdu ! »