" Avec ma vie, mon petit chez moi,
Mon mal de tête, mon point au foie,
J'y pense et puis j'oublie,
C'est la vie, c'est la vie. "
(Jacques Dutronc, Jacques Lanzmann, juin 1966).
Pour une fois, les faux patriotes de France devraient arrêter de dénigrer systématiquement leur (beau) pays et reconnaître que le gouvernement sait finalement mener efficacement la campagne de vaccination contre le covid-19 malgré les doutes sur le vaccin AstraZeneca, malgré la nouveauté des vaccins à ARN messager et malgré des problèmes d'approvisionnement des commandes. Ce samedi 15 mai 2021, le gouvernement a en effet atteint son objectif ambitieux de vacciner 20 millions de Français, soit 30% de la population totale.
Plus exactement, samedi, 20 117 206 personnes ont reçu au moins une dose de vaccin contre le covid-19 parmi les quatre qui ont reçu une autorisation de mise sur le marché. Le même jour, 9 464 274 personnes ont reçu toutes les doses nécessaires pour être complètement vaccinées (soit une, deux ou trois selon les vaccins et la situation personnelle).
C'est la deuxième étape du plan de vaccination en France. La première étape avait aussi été atteinte selon les objectifs du gouvernement, mieux même, puisque le seuil des 10 millions de personnes ayant reçu au moins une dose avait été atteint avec une semaine d'avance, le 8 avril 2021. En revanche, le seuil de 30 millions fixé au 15 juin 2021 sera très difficile à atteindre, car pour l'atteindre, il faudrait un rythme moyen de près de 650 000 doses injectées par jour (645 000 plus exactement), niveau atteint seulement au cours de deux journées (la moyenne est actuellement entre 450 000 et 500 000 doses par jour). Le record, à ce jour, a eu lieu le 11 mai 2021 avec 648 196 injections en une seule journée.
Encore une fois, la difficulté de faire cette campagne de vaccination massive ne provenait pas de l'organisation des centres de vaccination. Elle provenait de l'approvisionnement en doses de vaccin, celles-ci étant produites dans un contexte de tension mondiale extrême. En outre, par solidarité internationale, l'Europe a fait le choix de donner une partie de sa fourniture à des pays qui en ont aussi besoin mais moins riches qu'elle.
Il fallait donc gérer la pénurie des doses tout en établissant des priorités dans la vaccination, en privilégiant les populations les plus vulnérables au covid-19, et donc, en premier lieu, les personnes les plus âgées et celles résidant en EHPAD. Le résultat est assez spectaculaire : le nombre de décès par covid-19 a quasiment disparu en EHPAD alors qu'ils étaient très nombreux, pour 30% du nombre total de décès.
Au 12 mai 2021, la France a réceptionné 33 199 765 doses de vaccin depuis le 26 décembre 2020. Ce graphique de l'excellent site CovidTracker.fr montre que les autorités sanitaires, et avec elles, toutes les collectivités territoriales (essentiellement les communes) et tout le personnel de santé, ont "optimisé" la vaccination en fonction de l'approvisionnement. Une tâche peu aisée puisqu'il faut, pour la plupart des vaccins, deux doses (voire trois dans certains cas), doses dont il faut disposer au moment de la date de la seconde injection mais qu'on ne pouvait pas immobiliser pendant plusieurs semaines alors que d'autres personnes attendaient leur première injection.
La stratégie de donner des priorités à la vaccination a bien entendu suscité quelques incompréhensions parmi les personnes qui voulaient se faire vacciner. Si, durant les deux premiers mois, les conditions restaient assez strictes, à partir de l'arrivée du vaccin AstraZeneca que peuvent proposer les médecins de ville (et ensuite les pharmacies), les conditions étaient probablement respectées avec une moindre rigueur, ne serait-ce que parce que les doses ne sont pas conditionnées de manière unitaire mais par lot de cinq voire dix. Ceux qui vaccinent doivent donc s'assurer d'avoir autant de personnes à vacciner que de doses disponibles dans un flacon pour la même journée.
Les doutes sur le vaccin AstraZeneca durant le mois de mars 2021 ont aussi renforcé l'idée que toute personne souhaitant se faire vacciner avec ce vaccin pourrait le faire, à cela près que les préconisations de l'agence française du médicament ont édicté le seuil de 55 ans en dessous duquel le vaccin AstraZeneca n'est pas recommandé. C'est pourtant la deuxième fourniture en vaccin pour la France.
On peut voir d'ailleurs que c'est le vaccin Pfizer qui l'emporte largement sur les autres vaccins, déjà parce que c'est le vaccin qui est le plus livré en France, et ensuite, parce qu'après avoir inquiété avec sa technologie nouvelle (à ARN messager), il est devenu le plus populaire, considéré comme la Rolls des vaccins contre le covid-19. En fait, les quatre vaccins autorisés en France sont tous des Rolls, des Rolls de divine surprise avec une efficacité supérieure à 90%.
La stratégie vaccinale est aussi une réussite sur ses priorités. 78,8% des personnes âgées de 75 ans et plus sont vaccinées avec au moins une dose, ce qui est un taux remarquable quand on compare avec les sondages en novembre et décembre derniers. Les personnes âgées de 65 à 75 ans ont également été beaucoup vaccinées, à 74,4%.
Les 50 à 65 ans sont nettement moins vaccinés, à seulement 49,5%, mais il faut rappeler que la plupart ne pouvaient pas se faire vacciner avant récemment. La tranche 50 à 55 ans a été autorisée (sans comorbidité) seulement à partir du 10 mai 2021. Les autres tranches n'ont pris en compte que les personnes avec comorbidités ou de certaines professions à risque (dont de santé) : 18,4% pour les 30 à 50 ans et 9,5% pour les 18 à 30 ans.
En principe, les personnes âgées de 18 à 50 ans pourront se faire vacciner seulement à partir du 15 juin 2021, mais probablement que cette date sera avancée, car il n'y a pas beaucoup de raison sanitaire à donner la priorité à une personne de 51 ans sur une personne de 48 ans. L'Allemagne étendra la vaccination à l'ensemble des adultes à partir du 7 juin 2021, soit une semaine avant la date théorique en France.
Dans le graphique suivant, on peut voir plus précisément les différences entre les âges. Ainsi, le taux de vaccination est supérieur à 80% parmi les personnes âgées de 70 à 80 ans, mais étrangement, les personnes qui ont plus de 80 ans sont moins vaccinées (à seulement 74%). On pourrait l'expliquer par le fait que ces personnes ont plus de difficulté à prendre des rendez-vous sur Internet ou même à se déplacer, ce qui nécessite donc une action au plus près des habitants, de la part des communes, pour aller leur proposer la vaccination si elles le souhaitent.
Néanmoins, en prenant en considération les pentes en fonction du temps, pour les cinq catégories de personnes les plus âgées (les plus de 60 ans), les pentes sont quasiment plates, cela veut dire qu'il y a peu de chance pour augmenter significativement le taux de vaccination à court terme (la marge d'amélioration est faible).
En revanche, les pentes sont très fortes pour les personnes plus jeunes, qui ont eu accès à la vaccination plus tardivement, et cela montre encore un grand besoin et un potentiel élevé d'augmentation du taux de vaccination dans les semaines et mois à venir.
Comparons la situation de la France avec le reste du monde. Là non plus, la France n'a pas à rougir de son effort de vaccination. En absolu, la France se situe au septième rang mondial en nombre de doses injectées, soit près de 29 millions, derrière la Chine (393 millions), les États-Unis (271 millions), l'Inde (182 millions), le Royaume-Uni (56 millions), le Brésil (53 millions) et l'Allemagne (39 millions).
En principe, l'Allemagne a reçu, proportionnellement à sa population, autant de doses que la France, et le fait qu'elle soit en avance est notable. Toutefois, il faut rester prudent, car on disait la même chose pour les tests covid, et aujourd'hui, la France a réalisé pratiquement deux fois plus de tests que l'Allemagne, proportionnellement à sa population : 82 millions de tests en France (soit 1,25 test par habitant) à comparer aux 58 millions de tests en Allemagne (soit 0,7 test par habitant).
Plus significatif pour apprécier l'immunité possible d'une population nationale, le tableau montrant la proportion des personnes ayant reçu au moins une dose dans la population totale : avec 30%, la France est reléguée à la quatorzième place, derrière l'Allemagne avec 36% et légèrement en dessous de la moyenne européenne (31,5%).
Le record est pour Israël avec 63% de couverture nationale (c'est plus facile, pour un pays à faible nombre d'habitants, d'avoir un taux de vaccination élevé), suivi du Royaume-Uni avec 54%. La France est cependant au-dessus de grandes puissances comme la Turquie, le Brésil, l'Inde, la Chine et la Russie. Pour info, la moyenne mondiale est de 9%, mais cela recouvre des réalités très différentes (certains pays ont à peine commencé leur campagne de vaccination, c'est le cas notamment de Madagascar).
La France vit une période charnière dans la pandémie. Sur le plan de la vaccination, l'effort doit rester soutenu pour les prochaines semaines. Au 16 mai 2021, 2 0 317 788 personnes ont eu au moins une dose, et près de 2 millions de rendez-vous ont été pris pour une injection cette semaine qui vient, dont près de 1,4 million pour la première dose. Plus de 2,2 millions de doses sont stockées pour honorer ces rendez-vous, dont les trois quarts concernent Pfizer.
Parallèlement, sur le plan du virus, la circulation chute énormément. En moyenne nationale, le taux d'incidence est descendu à 150 nouveaux cas par 100 000 habitants en une semaine. Le nombre de décès moyen est désormais en dessous de 175 par jour, et le nombre de lits occupés en réanimation a chuté à 4 186 (en partant de plus de 6 000). Cette lente érosion est significative et semble durable, et justifie a posteriori le calendrier annoncé par le Président de la République Emmanuel Macron à la presse régionale le 29 avril 2021 (j'insiste sur le "a posteriori", il y a une part de chance dans cette évolution, et tant mieux qu'elle en soit ainsi).
La date du mercredi 19 mai 2021 est donc une étape cruciale dans le déconfinement avec le retrait du couvre-feu de 19 heures à 21 heures et surtout, l'ouverture des bars et restaurants en terrasse (hélas, la météo s'y prête mal) et l'ouverture des lieux de culture. L'extrême rigueur d'application des protocoles sanitaires et la poursuite d'une vaccination intensive devraient compenser le risque d'une recrudescence de l'épidémie. Dans notre situation actuelle, seul l'esprit de responsabilité de tous les Français est en jeu pour faire de ce troisième déconfinement celui des vacances d'été bien méritées, à défaut de celui de l'insouciance...
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (16 mai 2021)
http://www.rakotoarison.eu
(La plupart des graphiques proposés ici proviennent du site CovidTracker.fr).
Pour aller plus loin :
Plus de 20 millions de Français vaccinés : et moi et moi et moi.
Covid-19 : le passe sanitaire né dans la douleur en France.
Levée des brevets des vaccins anti-covid-19 : de la théorie à la pratique.
La balance bénéfices-risques du vaccin d'AstraZeneca.
Covid-19 : 100 000 décès en France, 1 million en Europe.
Le vaccin russe Sputnik V.
Témoignage : au cœur d'un centre de vaccination contre le covid-19.
Origine du coronavirus SARS-CoV-2 : détecté et en circulation en France depuis le 5 novembre 2019 ?
La technologie à ARN messager de Katalin Kariko.
Pandémie de covid-19 : plus de 2 millions de décès et une poignée de néo-négationnistes.
7 questions sur les vaccins contre le covid-19.
Covid-19 : vaccins et informations parcellaires.
La lune de Jupiter.
Faudra-t-il rendre obligatoire le futur vaccin contre le covid-19 ?
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210515-vaccination-covid-dg.html
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/05/17/38974307.html