Nécrologie : Philémon Blake Ondoua quitte la scène

Publié le 18 mai 2021 par Tonton @supprimez

Epi dor du théâtre 1988, Philémon Blake Ondoua, est décédé à 74 ans après une riche carrière au théâtre, à la télévision et au cinéma.

Il est mort comme il aura vécu. Sur la scène. Un plateau de tournage d’une série où il exprimait toute la magie de son art. Philémon Blake Ondoua comme une comète dans le ciel bleu. Une bibliothèque du théâtre camerounais a brûlé le 8 mai à Yaoundé. 43 ans d’expérience dans la mise en scène, le jeu d’acteur et de comédie, envolées.

Le talentueux joueur de mvet, conteur espiègle, a fait partie des premières recrues du théâtre national avec lequel il a pris part à de nombreuses tournées à travers le monde comme ce fut le cas en 1985 aux Journées Théâtrales de Carthage. Très vite, Philémon Blake Ondoua éblouit les autres par son talent. Ses qualités professionnelles et humaines en font un personnage attachant. Véritable force de prépositions jamais à court d’idées qu’il n’hésitera pas à partager avec les autres, le comédien avait cette facilité à retenir les textes et à se laisser diriger par les metteurs en scène quand il était plus jeune.

Philémon Blake Ondoua a marqué de son empreinte des projets comme : « La marmite de Koka Mbala », une pièce de théâtre de Congolais Guy Menga, « Dahirou Iv » de Adamou Ndam Njoya, « La Marche vers l’avant», «L’épopée d’Angono Mana et Abom Nguélé » mise en scène par lui et surtout le téléfilm « Silence on joue » diffusé sur la chaîne nationale dans les années 80 et qui a marqué plus d’une génération de téléspectateurs comme son personnage d’Ewané dans un autre projet.

Le metteur en scène Joël Eboueme Bognomo a partagé une belle complicité artistique avec le défunt. Il raconte son amitié avec l’Epi d’or du théâtre 1988.

« Philémon Blake Ondoua…Phil, grand Z, Ewanè (les toilettes), ou encore Blake De, comme j’aimais l’appeler. Un homme dévoué, humble, disponible. Je le rencontre en fin 1988, mes débuts dans le théâtre. La réalisatrice Blandine Ngono Ambassa, veut lancer sa série « Silence on joue » à la CTV (Cameroon télévision). Le petit poucet timide que je suis à cette époque est retenu dans le casting de la 1ère saison, intitulée : « Le cercle vicieux », je réussi mon intégration au sein de cette armada de stars. La série est un succès. Je me souviens tous les dimanches à partir de 15 heures, la circulation s’arrêtait au Cameroun le temps d’un épisode. J’ai eu le bonheur de partager le générique de la série avec cette icône et surtout de bénéficier de son encadrement. En 1989, il décide de réunir les têtes d’affiche de « Silence on joue » autour d’un projet théâtral : « La marmite de Koka Mbala » du Congolais Guy Menga. Grâce à cette création nous avons communié avec nos nombreux fans à travers le pays. Depuis, on ne s’était plus lâché », raconte le dramaturge.

Pour Jacobin Yarro, autre grande figure du théâtre camerounais, son frère d’armes mérite d’être aux panthéons des grands hommes. « Il était une véritable machine à lui tout seul. Un vrai passionné. Il savait construire ses personnages », affirme le comédien. Sa verve de conteur était admirée à travers des programmes comme « Awoula-awoula, histoire, raconte » sur la Crtv-Radio. « Notre dernière collaboration remonte à novembre 2020 sur le projet Mvett Beyeme. Lundi 10 mai, nous avons lancé les répétitions de la deuxième phase du projet sans lui », regrette Martin Ambara le directeur du laboratoire du Théâtre Othni.
Elsa Kane

Réaction

« Il était ma muse » : Joël Eboueme Bognom. Dramaturge, metteur-en-scène, auteur

Philémon Blake Ondoua m’avait servi de muse pour l’écriture de « K. Mère Patrie ». Blake De…Etait notre doyen, mais, il était toujours le premier à arriver en salle à toutes les séances. J’étais l’auteur, metteur en scène ; mais, c’était lui mon conseiller. Écrire dans l’urgence ce texte et mettre en scène Philémon Blake Ondoua…Pendant cinq semaines, quatre autres artistes soient ; un percussionniste, deux comédiennes danseuses, et un caricaturiste nous avaient rejoints au Camp artistique de Lada. Comment aurait-on pu dire qu’il n’y aurait pas d’exil heureux pour l’auteur ? C’est difficile de le confirmer. Surtout qu’il était question d’écrire avec minutie un texte à la taille de ce conteur professionnel, grand de taille, sourire toujours en coin.

Il fallait garder cette bonne humeur…il fallait qu’il trouve déjà les premières pages qui lui parlent, lui proposent ses propres tiques, et des respirations adéquates, « de Joël De, à Blake De » notre mot de passe ou plus tôt notre salutation, ce qui dénotait déjà de la complicité depuis belle lurette… pas un texte qui bavarde, mais qui se joue, un conte bien sûr, mais théâtralisé. Car ici, il était question de reconstruire tous les repères à chaque arrivée de pensionnaires. Le metteur en scène, lui avait gardé douloureusement sa langue dans cet exil. Sans eux, la mise en espace aurait éprouvé des sensations d’un manque, le manque d’un accomplissement atteint dans ses créations antérieures, qu’il faudrait reconquérir. Alors une seule question. Comment faire pour que l’expérience de notre résidence au Camp Artistique nourrisse le futur du théâtre camerounais ?

Obugui,(Blacke Ondoua) notre conteur plutôt que d’être un narrateur maître de la parole, est un faiseur d’histoires, un bonimenteur précieux, qui est à la fois un personnage atemporel, et un tout en un. Un artiste polyvalent. Nous avons durant notre travail voulu nous situer au carrefour de tous les arts, et c’est cette caractéristique qui fait la richesse de la création : « K. Mère Patrie. » Nous offrons à chacun de nos publics, les règles de vie à adopter pour son propre épanouissement et pour celui de la société modèle. Ce sont des moments inoubliables…Bon retour à toi Philémon Blake…Désormais les anges en joie t’attendent pour le bal scène céleste.