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Cameroun : Guerre froide entre Dion Ngute et Laurent Esso

Publié le 18 mai 2021 par Tonton @supprimez

A en croire le journal panafricain, les relations entre le Premier ministre, Chef du gouvernement et le patron de la Justice seraient loin d’être des plus cordiales. De quoi avoir des répercussions dans la reconfiguration de l’axe Etoudi-Primature ?

C’est l’histoire d’un conflit larvée que Jeune Afrique tente de mettre au goût du jour. Une guerre froide entre deux hautes personnalités de la République aux styles et aux profils antinomiques. L’un est Premier ministre dans une République où cette fonction sous l’ère Biya, s’apparente très souvent à une coquille vide. Propulsé à la tête du gouvernement contre toute attente le 4 janvier 2019, Joseph Dion Ngute semble se bonifier au fils des ans. En quelques 24 mois tout juste, celui qui n’avait jamais été un ministre plein, en grillant au passage les classes, en frustrant copieusement par sa nomination ses patrons d’hier, en s’installant au très convoité Immeuble Etoile, semble avoir dompté tous les préjugés entretenus sur sa personne à moins de ne les avoir pas foulés courageusement aux pieds.

Dans sa posture, au quotidien, rapportent des sources crédibles à la Primature, il a une seule obsession : accomplir les quatre volontés de son patron. Il y est, contre vents et marées, réalisant sa destinée politique. Au nombre des points retentissants qu’il faut inscrire au tableau d’honneur de Chief Dion Ngute, se trouve la tenue du Grand Dialogue national (Gdn), dont le Palais des congrès de Yaoundé a été le théâtre du 30 septembre au 4 octobre 2019. C’est à n’en point douter son véritable baptême de feu, la première fois où Paul Biya dans son palais cossu devait avoir des appréhensions au sujet du casting qui l’a présidé à jeter son dévolu sur le natif de Bongong Barombi.

L’intouchable du système Biya

L’autre, c’est le ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Réputé pour son silence et la rareté de ses sorties publiques, Laurent Esso est un homme craint dans le sérail. Réfractaire aux médias et comparé à un Sphinx, sa longue expérience qu’il traîne dans le gouvernement et sa proximité avec le Prince ont fini par lui bâtir une armure d’intouchable, d’incontournable si ce n’est d’invincible. Contrairement à d’autres ministres qui attendent des occasions solennelles à la présidence de la République pour voir et serrer la main de Paul Biya, les lambris dorés du palais d’Etoudi ne sont plus un mystère pour l’ancien ministre délégué à la Présidence chargé de la Défense. Pour avoir occupé des postes-clés au sein du gouvernement, le magistrat formé à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam), n’a plus rien à prouver puisque ses faits d’armes, doublés de la confiance placée en lui par le N’nomgui (Chef des chefs Ndlr), lui confèrent un statut de privilégié.

C’est donc à ces deux personnalités que Jeune Afrique consacre tout un costaud article publié sur son site internet le 14 mai dernier et intitulé «Cameroun: les secrets de la rivalité entre Joseph Dion Ngute, le Premier ministre, et Laurent Esso, le ministre de la Justice». A la lecture de cette enquête, il se dégage que la relation entre ces deux personnages-clés du régime Biya est loin d’être des plus cordiales. D’ailleurs, le journal panafricain indique d’entrée de jeu que «ce n’est pas l’entente cordiale» entre eux. Et pour justifier cette déclaration qui ne devrait pas
surprendre les spécialistes de la galaxie Biya, il y’a cette remarque selon laquelle Laurent Esso n’assiste pas aux conseils de cabinet qui se tiennent à la Primature, au mépris, indique notre confrère, des convocations de Dion Ngute «depuis la nomination de celui-ci en 2019». Laurent Esso jugerait le chef du gouvernement «transparent». Et peut être sans véritable étoffe pour s’asseoir autour d’une même table que lui. «Le Premier ministre sait que Paul Biya n’ignore rien de ce conflit, mais qu’il ne l’arbitrera pas», écrit le journal qui décrit un «duel à fleuret moucheté» entre les deux.

Gicam, l’autre front

Pour ajouter des épices à ce conflit latent, le hasard de calendrier a voulu que l’article de JA soit publiée quelques jours seulement avant le voyage de Joseph Dion Ngute à Douala (ce 18 mai Ndlr)dans l’optique de rencontrer les responsables du Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) pour les convaincre de participer à l’effort de guerre dans le cadre de la crise anglophone. Non seulement ce déplacement est perçu comme si le Pm chassait sur les terres de Laurent Esso. Mais bien plus, il fait suite à la brouille entre le ministre de la Justice et le Gicam avec l’humiliation de Jean de Dieu Momo. Attendu le 17 avril 2021 pour évoquer l’insécurité judiciaire qui plombe le climat des affaires au Cameroun, le Garde des sceaux n’avait pas trouvé mieux que de s’absenter pour se faire représenter par son ministre délégué. Toute chose que Célestin Tawamba, le président du Gicam et ses pairs avaient considéré comme un mépris à l’endroit de ses hôtes.

Depuis lors, Esso n’avait pas bougé le petit doigt. Cette visite du Pm au patronat étant une première du genre depuis les années d’indépendance, Jeune Afrique parle d’une rupture du locataire de l’Immeuble Etoile avec une orthodoxie peu appréciée des conservateurs dont Esso en est la figure de proue.«Comme pour calmer les esprits après la querelle déclenchée par Laurent Esso, le chef du gouvernement prévoit donc de venir en personne à la rencontre des chefs d’entreprise avec lesquels il soigne ses liens. Lors de la cérémonie du 18 mai, les patrons lui présenteront leurs propositions pour la résolution de la crise anglophone et annonceront les contributions financières de leurs entreprises à l’effort de reconstruction des villes et villages ravagés par le conflit», lit-on dans l’article.

Fonds Covid, la paranoïa

Plus loin, JA compare les deux personnalités dans le cadre de la recherche des voies et moyens pour mettre un terme à la crise anglophone. Sur le sujet, apprend-on, Dion Ngute s’oppose à Laurent Esso qui préfère l’usage de la force contre les sécessionnistes. Si le premier a le mérite d’avoir été à la manette dans la proposition de loi portant Code sur les collectivités territoriales décentralisées, adopté au cours d’une session extraordinaire du Parlement en décembre 2019, le second lui, pilote l’Opération Epervier depuis bientôt une dizaine d’années. Cerise sur le gâteau, il se trouve que le patron de la Justice, dans sa volonté d’élargir l’assiette des personnes concernées par les enquêtes que Paul Biya a ordonné dans la gestion des fonds Covid, a décidé d’auditionner le Premier ministre. Un fait inédit qui n’est pas pour autant anodin. Bien malin qui sait ce que réservera la suite de cette affaire.
Rideaux !

Christian TCHAPMI


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