ce soir-là, les jeunes athlètes
en tenue blanche impeccable, le poc
de la batte, le clapotis des applaudissements – comme si
le sport à l’état pur avait fermé la porte à
la fièvre et aux grelottements, à la nausée, aux hémorragies,
à toute l’obscénité de mourir jeune
Ô, ou de mourir à quelque âge que ce soit, par degrés
ou par accident : d’être vivant
n’est rien qu’une embuscade…( Quatre-vingt-neuf, p.77)
comment accepter cette disparition, quelle que soient les consolations que nous appelons à notre secours, notre jargon de connaissance et de gestion ne sont rien face à l’absolue gratuité de ce désastre pour lequel
personne n’est jamais
prêt : un jour à la fin de l’été,
une voiture sortie de route, un cri
mutilant et incendiaire, et pour quatre jeunes athlètes,
sans annonce tout est fini. (ibid. p.77)
La poésie d’Amy Clampitt montre que nous occupons l’espace dans lequel nous vivons d’une manière menaçante pour les autres habitants de la planète. Notre mémoire est défaillante, elle s’est séparée de celle des autres espèces vivantes, et si nous savons maintenant définir et classer tous les habitants de la terre, il est un tout autre espace auquel nous n’avons pas accès : celui que décrit Amy Clampitt est le plus ancien de tous, dans lequel les hommes, les animaux et leurs arbres étaient un seul évènement présent à la surface de notre planète, et nous nous sommes retirés, nous les avons encerclés de notre savoir, réduits, abrogés, sans réussir pour autant à nous séparer du destin commun de toutes les espèces vivantes : la mort nous a vaincus, nous précipitant dans un deuil glaciaire, dans l’oubli de la résurrection terrestre portée par chaque espèce.
Vianney Lacombe
Amy Clampitt, Un silence s’ouvre, traduit de l’anglais (États-Unis) par Gaëlle Cogan, préface de Calista McRae, édition bilingue, Éditions Nous, collection Now, 192 p., 18€
Poezibao propose ce poème du livre, en version bilingue, à découvrir en cliquant sur ce lien.