Récemment, un enlèvement en Haïti a fait la une des journaux. Et le livre de Roxane Gay est passé sous mes yeux. Il fallait que je le lise.
Haïti est un pays d’espoir et de désespoir. Roxane Gay, dans ce roman, en montre les profondes et criantes inégalités : les riches s’isolent dans des propriétés entourées de hauts murs, et les pauvres sont dans les bidonvilles. Mireille Duval Jameson est venue avec son mari Michael Jameson, surnommé Mr America par la mère de Mireille, pour des vacances qu’ils passent chez ses parents, Haïtiens devenus riches aux États-Unis et revenus en Haïti il y a plusieurs années. Mireille et Michael ont un enfant, Christophe, ainsi nommé en référence au roi Christophe d’Haïti, enfant que sa mère allaite encore. Alors qu’ils partent tous trois à la plage, la voiture est attaquée et un gang enlève Mireille, la traitant de diaspora. Sept hommes, dont le « commandant », l’enferment dans ce qu’elle désigne comme une cage et réclament une rançon très élevée en dollars américains. Le père de Mireille refuse de négocier avec ces voyous qui se considèrent comme des hommes d’affaires. Le calvaire de Mireille va commencer et durer treize jours.
Mireille se bat, répond avec énergie et intelligence, donne des coups pour se défendre mais comprend, après le refus de son père, qu’elle ne pourra pas éviter les violences. Elle décide d’oublier qui elle était « dans l’avant ». Dans les moments où elle est seule dans sa cage, les souvenirs qui lui reviennent permettent au lecteur de comprendre ce qu’a été sa vie aux États-Unis où elle est née et où elle exerce le métier d’avocate. Tout cela, et sa vie de femme mariée et de mère, pour les protéger et pour se protéger, elle veut l’effacer espérant sans doute que les sévices qu’elle subit ne puissent atteindre ce qu’elle était « dans l’avant ». Le treizième jour la rançon est versée. Le treizième jour, nous ne saurons pas ce que lui fait le « commandant ». Elle n’est plus personne. On lui dit de courir jusqu’à ce qu’elle n’en puisse plus.
La seconde partie du livre est tout aussi éprouvante. Elle n’est plus rien, que souffrance indicible. Et fuit, dans une Amérique où elle est revenue, craignant toujours d’être rattrapée par le gang qui l’avait kidnappée.
Si, dans la première partie du roman, on est avec elle, cette femme qui résiste malgré tout ce qu’elle endure, dans la seconde partie, on se sent incapable et on pleure. « Dans l’après », comment reconstruire son corps, à qui faire confiance quand le père, le mari n’ont pas voulu ou pas su être présents, venir la chercher, la sauver ?
La douleur n’a pas de fin. Treize jours ? Non, toute une vie saccagée. Jamais « l’avant » ne reviendra.
L’extrême richesse produit l’extrême pauvreté. La violence sociale imprègne les corps. « Les enfants de sexe féminin ne sont pas en sécurité dans un monde où il y a des hommes. Elles doivent apprendre à être fortes ». Ce livre est un cri, parfois étouffé, qu’il faut entendre.