Le chef de la délégation permanente du Rdpc pour le Ndé a saisi le préfet pour la programmation d’une nouvelle session consacrée à l’élection du maire.
Alors qu’on interroge sa capacité à donner des directives à l’autorité de tutelle, Clobert Tchatat rassure sur un « climat désormais apaisé ». Alors que les portraits dithyrambiques des acteurs du vaudeville qui secoue Bangangté depuis deux semaines continuent d’inonder la une des journaux créés pour la cause, de Yaoundé, le 12 mai 2021, le Chef de la délégation départementale permanente du comité central du Rdpc pour le Ndé a écrit au préfet pour suggérer la convocation d’une nouvelle session du conseil municipal. Ernest Ewango Budu n’y a pas vu d’objection, puisque la copie d’une convocation de cette session extraordinaire signée le 14 mai nous est parvenue hier, au moment où nous allions sous presse. « J’ai l’honneur de vous faire savoir que la hiérarchie du parti Rdpc saisie, a, au cours d’une réunion de concertation tenue le 12 mai 2021 au comité central, instruit que le calme et la discipline soient de rigueur au sein du conseil municipal de Bangangté, en mettant strictement en œuvre les conclusions des consultations internes organisées le dimanche 02 mai 2021 à la permanence du parti de Bangangté, en présence de tous les conseillers municipaux et du mandataire du comité central », écrivait Clobert Tchatat. En renvoyant l’élection le 6 mai dernier, le préfet voulait en partie éviter l’occurrence des actes de vandalisme projetés par une horde de jeunes qui avait fait la promesse de casser en cas de non-respect des résultats des primaires organisées au sein du parti mais surtout « ramener la paix » au sein d’un conseil municipal devenu incontrôlable.
Appel au calme
A bonne source, une concertation a réuni au comité central, à Yaoundé, les acteurs de cette crise, à qui il a été reproché d’embarrasser régulièrement l’autorité de tutelle. Ils font reprocher au préfet de ne pas assez respecter la loi, c’est-à-dire les dispositions du code général des collectivités territoriales décentralisées, lorsque les conseillers municipaux se jettent dans des postures illégales. Les plus durs suggèrent que ce sont eux qui lui dictent la conduite à tenir et non la loi. Clobert Tchatat rassure que le « climat (est) désormais apaisé ». Autrement dit, l’on s’achemine vers une élection sans anicroche d’Eric Niat comme nouveau maire puisque les consultations évoquées plus haut l’avaient donné vainqueur contre Jean Lambert Tchoumi, à 21 voix contre 19 le dimanche 2 mai 2021. Sauf qu’au moment d’actualiser ces préliminaires selon les méthodes propres à leur parti, 24 conseillers étaient portés disparus. Ils avaient été travaillés entre temps pour changer de camp ou créer le blocage, même si certains ont évoqué l’hypothèse d’un piège matinal.
Trois jours plus tard, lors de la nouvelle session et alors qu’un huis clos a été imposé aux observateurs de tous bords, Jean Lambert Tchoumi a reconnu avoir perdu les primaires et dit respecter le verdict. Sauf qu’entre temps, une frange de conseillers a rêvé de la continuité « villageoise » du mandat du maire Kouamouo, c’est-à-dire en langage politique local, la continuation et l’achèvement de son mandat par un autre ressortissant de son groupement d’origine, Bamena, en équilibre de la distribution actuelle d’autres responsabilités au reste de cadres des six groupements de ladite commune. La tâche réparatrice est portée par le président du groupe communal, Léopold Yimga Djamen, qui présentera deux candidats plutôt qu’un. L’outsider de circonstance se nomme Evelyne Nana, une paisible institutrice à qui on a fait croire pendant une semaine de bataille et d’échanges épistolaires parfois honteux sur les réseaux sociaux qu’elle pourrait subitement, dans un marécage aussi agité, devenir maire, juste parce qu’elle est du même village que le défunt Dr. Kouamouo. Du jeu à l’ambition politique réelle, il suffit parfois d’un déclic.
Collaboration, leadership
S’il paraît légitime pour ceux qui avaient déjà gagné les primaires en 2020 contre Eric Niat de vouloir préserver leurs calculs antérieurs, en l’empêchant de tenir les rênes d’un exécutif communal qu’ils ont conquis de haute lutte, il paraît curieux qu’on ait laissé dans un premier temps prospérer la candidature de son congénère Jean Lambert Tchoumi et qu’on ne se souvienne des répartitions aussi sérieuses qu’après son échec aux consultations internes. Certes Eric Niat jouit d’une popularité certaine, notamment au sein de la jeunesse urbaine de Bangangté, qui le 6 mai dernier, a obligé le préfet à rallier son bureau à pied à partir du nouvel hôtel de ville, le temps qu’ils lui disent tout le mal qu’ils pensent de leurs adversaires. Mais dans l’hypothèse où sa candidature et son vote passent enfin cette troisième fois, il doit manœuvrer fort pour vaincre les résistances qui se dresseront devant lui. Les sessions du conseil municipal risquent d’être véritablement houleuses, autant que l’administration au quotidien de la mairie. Cette fois aura finalement été la bonne. Reste également que des conseillers municipaux teigneux, dont le profil idéologique varie tout le temps, peuvent décider de défier le comité central comme la dernière fois, refuser d’élire le fils du patriarche Marcel Niat Njifenji et accepter les sanctions qui planent. Bien malin qui peut rassurer sur la suite des événements dans cette commune dont la profondeur des intrigues n’a pas cessé d’étonner la République.
Profil des acteurs
Au nom du père… Eric Niat.
Au-delà de ce que certains appellent le délit de patronyme, le nouveau futur maire a déjà inscrit son nom dans les archives communautaires du Ndé. On dit peu de choses de la scolarité d’Eric Niat, en dehors de son diplôme de sciences politiques obtenu à l’université du Massachusetts aux États-Unis en 2001. N’empêche, le fils quadragénaire du Président du Sénat s’est fait connaître par une passion certaine pour l’agriculture. Comme directeur général de la plantation moderne de Kafen, la localité où Marcel Niat Njifenji s’est retiré après son départ de la Sonel, il avait étonné le commun des consommateurs par la présentation il y a quelques années d’un échantillon de fraise et de raisin, sortis de ce champ. Une agriculture innovante, à côté des choses connues. Ses camarades du Rdpc se souviennent que l’ancien 4ème puis 3ème adjoint au Maire de la Commune de Bangangté, en plus d’avoir signé plus de 8 000 actes communaux et célébré une cinquantaine de mariages entre 2013 et 2018, ne manquait pas d’apporter sa touche aux diverses campagnes politiques. Pendant le double scrutin de février 2020 ou avant, lors de la présidentielle d’octobre 2018, il a « faroté ». Les militants de l’Ojrdpc du Ndé se rappellent du don de 300 pagnes pour le défilé, entre 2015 et 2018 ; les sections de 600 pagnes du parti pour la commémoration du 6 novembre 2017.
Secrétaire général de la Fondation Niat, du nom de son géniteur, il est crédité d’avoir en quelques années, attribué plus de 100 bourses scolaires à des jeunes, fait le don d’un véhicule tout terrain au district de santé de Bangangté, construit des forages à Bantoum , Maham, les quartiers 6 et 7 de la ville de Bangangté ; construit l’école franco-arabe pour la communauté Bororo de Bangangté ; fait don d’une ambulance médicalisée (d’un coût de 90 millions selon les précisions de l’administrateur de cette structure) aux Cliniques universitaires des montagnes en 2016. Plus récemment, ses proches vantent une campagne de distribution des kits Covid, de 16 jours, dans tout le Ndé. Vice-président du Kùm Ntsi’ Medùmba, il travaille aussi, à la suite de son père, à l’animation de cette association culturelle créée pour la promotion de la langue et la culture Medùmba. Depuis 2013, il a créé l’AS Nzuimanto, une sorte d’académie qui encadre et forme des jeunes dans les sports négligés comme le basket-ball, le volley-ball et le handball. Certains pensionnaires tutoient déjà les équipes nationales de ces disciplines.
Le gentil polytechnicien Jean Lambert Tchoumi
L’homme-lige supposé de la Ministre Ketcha Courtes, est un ingénieur de génie civil, récemment admis à la retraite. Après un baccalauréat scientifique obtenu au Lycée d’Akonolinga, Jean Lambert Tchoumi dont le profil a été opposé ces jours à celui d’Eric Niat, considéré par ses adversaires comme un simple fils à papa, obtient le concours d’entrée à l’Ecole Nationale Polytechnique de Yaoundé, au cycle prestigieux à l’époque des ingénieurs de conception. Ceux qui fréquentent ce fils de roturier rapportent que c’est lors de son séjour professionnel à Bafoussam, comme responsable à la Délégation provinciale du Ministère des Travaux Publics de l’Ouest, que Victor Fotso, le défunt maire de Pète-Bandjoun, remarque son « humilité » et son « efficacité ». Il va alors le solliciter pour les premières réalisations de routes urbaines dans sa mairie.
Une confiance qui, sans doute, ne va pas lui donner la grosse tête. Plus loin, on le retrouve Directeur des routes au Ministère des Transports puis après une transformation d’organigramme, Directeur général des Travaux d’infrastructures dans le même département ministériel. C’est donc un haut fonctionnaire expérimenté, qui jouit à peine de ses droits à la retraite, qui a manqué de séduire plus de la moyenne des conseillers municipaux de Bangangté, le dimanche 2 mai dernier, à la permanence du Rdpc. Son carnet d’adresses ainsi que sa maîtrise des rouages administratifs pouvaient profiter à la commune.
Fair play, il a congratulé le vainqueur de circonstance. Contre l’avis de ses motivations qui ont voulu lui forcer la porte alors que son destin peut bien se dessiner autrement. Actuel deuxième adjoint au Maire, Jean Lambert Tchoumi est réputé calme et pondéré. Des qualités utiles dans un univers comme Bangangté, où les lobbies sont nombreux et belliqueux. Sauf que derrière lui, se cache le spectre de la Minhdu, Célestine Ketcha Courtes, accusée de le pousser devant pour continuer à tirer les marrons du feu, malgré sa nomination au gouvernement.
Le joker inattendu Evelyne Nana
La présidente du réseau des associations féminines de Bangangté a rêvé pendant quelques jours que la guéguerre entre les gros poissons pouvait changer son destin. Difficile de savoir si elle a retrouvé le doux sommeil. Si nous n’étions pas à ses côtés ces derniers jours pour en témoigner, il est difficile de penser qu’après la mise en scène du jeudi 6 mai 2021, au cours de laquelle son élection comme maire de la commune de Bangangté a failli passer, les nuits de Mme Evelyne Nana ont continué à être ce qu’elles étaient avant. Ce, d’autant plus qu’une galerie de portraitistes est sortie des bois, pour peindre ou dépeindre les acteurs en présence, avec plus ou moins de réussite. Et lorsqu’on sort du quasi-anonymat pour subitement faire la une de certains journaux, le quotidien change. Née le 12 avril 1961 à Nkongsamba, Evelyne Nkwangwa est l’épouse de feu Alexis Nana. Institutrice de l’enseignement général de formation, elle a longtemps dirigé (24 ans) une école dans la ville de Bangangté, avant sa retraite intervenue il y a quelques semaines. Présidente de l’association des femmes institutrices du Ndé et présidente de l’Amicale du personnel enseignant des écoles d’application de Bangangté, elle est officier des palmes académiques.
Selon des proches, c’est en 1988 qu’elle entre en politique, apparemment sur conseil avisé de son père, qui est présenté comme un ancien secrétaire départemental de l’Union nationale camerounaise (Unc), puis du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) dans le Moungo. En 33 ans de militantisme, elle aura gravi de nombreux échelons en interne avant d’être cooptée vice-présidente de la section reconfigurée de l’Ofrdpc du Ndé nord, lors du dernier renouvellement des organes de base. On ne lui connaît cependant pas de combat particulier au sein du parti comme ailleurs, en dehors de la présidence presque sans souci du Réseau des associations des femmes de l’arrondissement de Bangangté (Rafabang), où les batailles sont rares en dehors des moments de partage des dons reçus.Bien que sa cause soit fondée pour certains adeptes de la politique villageoise, on la soupçonne d’avoir été montée par le même mentor que Jean Lambert Tchoumi, après le premier échec.