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Cameroun – Pr. Joseph Keutcheu : «Les clivages politiques locaux vont davantage s’accentuer»

Publié le 17 mai 2021 par Tonton @supprimez

Enseignant de science politique à l’Université de Dschang, il analyse les enjeux de la prochaine convocation des conseillers pour l’élection du maire.

Les conseillers municipaux de la commune de Bangangté ont produit un scénario atypique le 6 mai dernier lors de l’élection du maire, en ne votant pas, alors que le forum était pourtant atteint. Le renvoi de la session est-il légal ?

Pour vous répondre il convient de confronter les faits aux dispositions de la loi, plus précisément au Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées (Cgctd). Le 3 mai 2021, s’est tenue la session extraordinaire de la commune de Bangangté consacrée à l’élection du maire. Mais la session a été renvoyée in extremis pour le jeudi 5 mai 2021 car le quorum n’était pas atteint. Le préfet qui supervisait les activités était fondé à le faire. En effet, le Cgctd, en son article 174, l’alinéa 1, dispose clairement que : « Le Conseil Municipal ne peut valablement siéger que lorsque les deux tiers (2/3) de ses membres sont présents ». Le préfet était donc fondé à renvoyer la session au 6 mai. Mais conformément à la loi, la session extraordinaire de renvoi ne devait plus tenir compte de l’exigence de quorum. L’alinéa 2 de l’article 174 est formel : « Lorsqu’après une convocation régulièrement faite, le quorum n’est pas atteint, toute délibération votée après la seconde convocation, à trois (03) jours aZu moins d’intervalle, est valable si la moitié (1/2) au moins des membres du Conseil est présente assistent à la séance ». Au regard de ce qui s’est passé lors de la deuxième session, on ne peut pas dire que le préfet du Ndé ait brillé par le respect de la loi.

Le comité central de leur parti vient d’arbitrer, en demandant de respecter le résultat des consultations préliminaires menées au sein du conseil. Cela suffit-il pour que la prochaine session extraordinaire se déroule sans anicroches ?

Le blocage de l’élection qu’on a vécu dans la commune de Bangangté manifeste la lassitude de la nouvelle élite et des populations locales face aux vieilles pratiques de parachutage politique c’est-à-dire de promotion par le haut des candidatures d’acteurs n’ayant pas beaucoup d’attaches locales dans les circonscriptions électorales visées. Mais il est de routine qu’en pareilles circonstances, les instances dirigeantes du parti au pouvoir engagent dans la localité des négociations avec les conseillers municipaux rétifs au parachutage politique en cours, négociations généralement assorties de menaces de sanctions. Je suis convaincu qu’on y est déjà ; la discipline du parti est en train de lisser de manière autoritaire les aspérités politiques qui se sont manifestées ces derniers jours. La prochaine session extraordinaire se déroulera donc dans un calme apparent. Calme apparent car au fond, les clivages politiques locaux au sein du Rdpc vont davantage s’accentuer.

Quelle efficacité peut-on attendre d’un exécutif qui se retrouvera à la tête d’un conseil municipal dont les dissensions ont été ouvertement attisées et chez qui on note une absence évidente de fair play ?

Les remous actuels et l’orientation prise par les instances supérieures poussent à penser à une accentuation dans les prochains mois de la crise de la représentation politique dans la scommune de Bangangté. On voit bien qu’il se dessine une profonde remise en question actuelle de la façon dont la politique représente les acteurs sociaux ou les intérêts sociaux dans cette commune. Il faut craindre que les logiques participatives patiemment construites depuis de nombreuses années par les exécutifs municipaux précédents ne soient frappées de désuétude. Il faut redouter qu’on ait des dirigeants municipaux coupés de la base avec toutes les conséquences qui peuvent s’ensuivre en termes de désaffection des populations vis-à-vis des politiques publiques locales. Le défi du futur exécutif communal sera donc essentiellement de recoller progressivement les morceaux en essayant de reconstruire son capital sympathie auprès des populations de Bangangté.


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