Les opérateurs économiques camerounais accusés d’être à l’origine du déficit de Fcfa 390 milliards sur les réserves de change de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) en 2020.
C’et un nouveau front de bataille qui s’ouvre entre la Beac et les assujettis à la nouvelle réglementation des changes et dont les braises sont les plus ardentes au Cameroun. D’après le journal EcoMatin, l’institut d’émission a lancé depuis le début du mois de mars 2021 un processus d’apurement de domiciliation des importations de biens et services. Concrètement, la banque centrale demande à tous les agents économiques résidents ayant induit une sortie de devises hors de la Cemac(Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), d’apporter la preuve que les biens et services y rattachés ont effectivement été importés.
Il s’agit entre autres de la quittance de paiement des droits et taxes de douanes, la facture définitive, le connaissement, le procès-verbal de recettes provisoire… Mais aussi des documents mis à la disposition des banques commerciales auprès desquels sont domiciliés des comptes des opérateurs. A traves cette opération, le Beac espérait mettre la main sur les opérateurs économiques véreux qui sont à l’origine d’un déficit de près de Fcfa 400 milliards enregistrés au cours de l’année 2020 dans les réserves de change de la sous-région. Ainsi débute la guerre des longs couteaux. A bon chat, bon rat !
Retour de manivelle
Catastrophe économique, économicide, risque de pénurie, lenteurs administratives, frein à la production… devant le ministre des Finances, les opérateurs économiques n’assèchent pas de qualificatifs pour peindre en noir le processus d’apurement lancé par la Beac, et plus globalement la nouvelle réglementation des changes. S’ils disent ne pas être à l’origine de ce déficit sur les réserves de changes, ils estiment néanmoins que le délai de 3 mois impartis aux opérateurs pour réunir la documentation nécessaire à la clôture des opérations d’importations est impossible à respecter. La raison, certaines entreprises auraient effectué de multiples opérations d’importations et demandent plus de temps pour réunir les justificatifs. De même, renchérit le Gicam (Groupement inter patronal du Cameroun), l’importation de certains outils de production prend beaucoup de temps pour l’assemblage par le concessionnaire, ce qui ne permet pas de produire dans les délais la documentation demandée. « La régulation est importante pour la soutenabilité de notre monnaie. Mais fort est de constater aujourd’hui que trop de règlementation est un obstacle à l’activité économique », déclarait le patron du Gicam lors d’une rencontre avec l’Appecam.
Economie de falsification
Selon les responsables de la Beac présents à cette rencontre, les récriminations des patrons camerounais ne sont en réalité qu’une pirouette pour échapper à la règlementation en vigueur et faire sortir en toute illégalité des devises de la Cemac. Sur la prolongation de délais sollicitée, la banque centrale n’en voit pas l’utilité, sinon, un moyen de mieux dissimuler les preuves de ces fuites de capitaux. D’après la banque, le Cameroun est le seul pays de la Cemac dont les sorties de devises sont supérieures aux entrées. « Il se développe au Cameroun une économie de la fraude par le biais des importations de biens et services » explique un cadre de la Beac. Et de poursuivre « Les agents économiques sont des champions dans cette fraude et développent à travers les organiosatioons patronales des logiques de chantage à la pénurie pour qu’on les laisses continuer à évoluer dans l’opacité ».
Par ailleurs, la banque centrale déplore le laxisme des établissements de crédits qui ne jouent pas véritablement leur rôle d’intermédiaire agrée en obligeant les agents économiques à apporter la documentation nécessaire. « A première vue, ce ne sont pas elles qui sont visées. Elles savent tout de même que ces fuites de capitaux peuvent avoir été le fait d’une légèreté de leur part et donc elles sont responsables de la situation », explique une source de la Beac.Selon l’Association professionnelle des établissements de crédit du Cameroun (Appecam), « En dehors des sanctions, la banque va prélever ces devises sur les comptes de ces entreprises lors de leur prochaines opérations ». « S’il ya récidive, ils seront tout simplement interdits d’importer dans la sous-région », explique un membred’Appecam.