Michel Sardou est bien vivant. C'est pourquoi il ne faut pas l'enterrer. Pas encore. Même si sa femme, Anne-Marie, a déjà tout prévu pour le jour inévitable où il s'en ira.
S'il était besoin de montrer qu'il est vivant, son livre, Je ne suis pas mort... je dors!, en administrerait la preuve éclatante. Et il n'est pas nécessaire d'être fan pour l'apprécier.
Bon, c'est une autobiographie, d'accord. Mais, cela ne veut pas dire pour autant qu'il se présente toujours sous le meilleur jour. Son authenticité s'y opposerait de toute façon.
C'est d'ailleurs une autobiographie singulière. Il se met en scène à travers trois moi, au lieu d'un. Il ne suit pas une chronologie précise. Il saute tout le temps du coq à l'âne.
Les anecdotes qu'il raconte le révèlent. C'est un homme actif qui faisait plein des bêtises et qui prenait le temps d'apprendre à piloter un avion, à naviguer, à monter à cheval...
C'est un homme couvert de femmes, mais, finalement, il s'appuie sur celle qu'il a épousée en dernier et qui l'a changé. Son livre lui est dédié et elle est pour lui sa seule certitude.
D'aucuns voudraient le mettre dans un casier, lui coller une étiquette, mais il est inclassable. Si, il n'est pas de gauche, ce qui ne veut pas dire - trop facile - qu'il soit de droite.
Il ne manie pas la langue de bois. Comment ne pas trouver de vertus à un homme qui dit, sans se sentir coupable: Clint Eastwood a toujours été mon acteur et réalisateur préféré?
Comment ne pas avoir d'affinités avec un homme qui n'est bien nulle part, qui n'appartient à aucun bord et qui, spontanément, sans honte, dit être plus français que le roquefort?
Comment ne pas approuver ce que cet homme libre dit de la France actuelle, où l'État, devenu obèse, exerce tout son poids sur les gens et s'ingénie à leur compliquer la vie: L'État ne nous conduit plus, il nous pèse. La démocratie, certes, reste la moins mauvaise façon de gouverner mais où en est-elle? Tout est compliqué, tout est procédure, remise en cause. Les lois s'ajoutent aux lois et quelquefois les contredisent. Je me perds dans les règlements incompréhensibles et trop nombreux d'une bureaucratie pléthorique?
Il a quitté la scène de la chanson pour celle du théâtre, ce qui correspond à ses premières amours. Pourquoi? Parce qu'il s'est mis à rêver d'autre chose que d'écrire et chanter.
Comme tant d'autres, il n'a pas fait de fausses sorties à répétition. Il a arrêté il y a trois ans. Maintenant il joue, dans des salles plus petites, enfin quand les théâtres ne sont pas fermés.
Ils sont nombreux à penser que les chansons qu'il chante reflètent ce qu'il pense. Ils se trompent, comme ils se tromperaient s'ils l'identifiaient aux rôles qu'il incarne au théâtre.
À le lire, en tout cas, on sent bien que l'amitié est pour lui quelque chose qu'il place très haut et ce n'est pas la moindre des qualités de coeur qui le rendent fort sympathique.
Aussi un ami de gauche, tel que Guy Bedos, ne pouvait-il pas l'abandonner, quand d'autres le vouaient aux gémonies. Il se contentait de dire: Il chante juste, mais il pense faux...
Alors, une fois refermé son livre, le lecteur a hâte de le retrouver sur scène, au théâtre cette fois, sachant que, de toute façon, il peut écouter ses chansons via vinyles, CD ou MP3...
Francis Richard
Je ne suis pas mort... je dors!, Michel Sardou, 160 pages, XO Éditions