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Les bobo et la tradition. pensee animiste et rapport a l’environnement.(1)

Publié le 09 mai 2021 par Regardeloigne

IMG_2858copyright Christian Saintvanne droits réservés

« Depuis une époque très reculée et durant une longue période de temps, le pays que nous étudions a été exclusivement habité par les Bobo et c’est à juste titre, pensons-nous, que ceux-ci se déclarent autochtones. Il semble en effet que l’ethnie qui se donna un jour le nom de « Bobo 99 se soit lentement constituée sur place autour de quelques clans de cultivateurs sédentaires très anciennement implantés. Chacun de ces clans possédait un patrimoine personnel de connaissances- ….

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…Il en est résulté la création d’un modèle culturel > original dans lequel s’est identifiée plus tard l’« ethnie » bobo et sans doute aussi bwa. Bien entendu, ce processus ne s’est pas élaboré hors de toute influence extérieure. Il est certain que les patrimoines culturels propres à chacun des clans initiaux se sont longtemps nourris au grand courant de pensée mandé et c’est précisément parce que les éléments de connaissance échangés se trouvaient ainsi parfaitement compatibles qu’ils purent aisément se combiner et donner naissance à un système cohérent qui devint le propre des Bobo. L’héritage mandé a laissé des traces, mais étant donné l’époque lointaine où il a été acquis, il contient surtout des valeurs archaïques qui se retrouvent de la sorte préservées aujourd’hui et toujours vivantes dans la culture bobo : certains des aspects de la notion de personne, la place prééminente des masques de feuilles dans la religion en sont des exemples. La différenciation entre Bobo et Bwa n’est intervenue, selon nous, qu’après qu’une culture commune soit née des échanges auxquels les clans autochtones procédèrent. Des clans de langue mandé (les futurs Bobo) et des clans de langue voltaïque (les futurs Bwa), proches géographiquement mais proches aussi par la nature d’un savoir qui était déjà de même inspiration, ont puisé dans leurs patrimoines personnels de pensée et édifié en commun un système qui se trouva exprimé en deux langues différentes. Par la suite, les deux communautés linguistiques espacèrent leurs rapports et en vinrent à s’isoler pratiquement. Chacune se donna un nom et chacune développa son génie propre, en exploitant le donné commun selon des lignes différentes. »

G.LEMOAL. LES BOBOS.NATURE ET FONCTION DES MASQUES. TRAVAUX ET DOCUMENTS DE L’ORSTOM n121

Les Bobo sont une population d'Afrique de l’ouest vivant principalement au nord-ouest du Burkina Faso, également de l'autre côté de la frontière au Mali. Le nom de la ville de BOBO DIOULASSO– baptisée ainsi en 1904 –, signifie « la maison des Bobo-Dioula

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L’actuelle société bobo est le fruit d'une construction historique pluriséculaire, riche par son système d'intégration sociale. Les Bobo font partie de la soixantaine d'ethnies présentes le territoire du Burkina Faso. Ils vivent en communautés villageoises indépendantes, sans pouvoir politique centralise et a l'instar des ethnies circonvoisines, ils appartiennent au groupe de sociétés dites lignagères ou segmentaires.. Cependant, selon toute vraisemblance, la présence des bobo sur leur territoire ethnique actuel serait l'une des plus anciennes des peuples burkinabè et remonterait donc a plusieurs siècles..

1) les Bobo-Dioula ou Dioula musulmans et commerçants malinké venus du Mali et qui ont fondé Bobo-Dioulasso. Ils habitent cette ville. Ils parlent le mandaté, mélange de bobo et de dioula(dérivé du bambara). Ce sont les plus nombreux parmi les Bobo. Et sont la 3e ou 4e ethnie majoritaire du Burkina Faso leur langue le Dioula ou Malinké parlée par environ quatre millions de personnes au Burkina Faso est une des langues nationales du pays.

2) les Bobo-Fing (les bobos noirs) qui habitent essentiellement le long de la rivière KOU, à l'ouest de Bobo-Dioulasso. Ils parlent le Ndeni mélange de Bobo et de Mandarè. Ils sont animistes ou chrétiens.

3) les Bobos Woulé (bobos rouges car ils ont souvent le teint clair) ou Bwa (ou Bwaba). Ils habitent à l'est et dans le nord de Bobo-Dioulasso. Ils parlent le Bamou. Ils sont animistes ou chrétiens et constituent le sous groupe le plus important.

Les Bobos sont agriculteurs, ils cultivent le millet  le sorgho et le coton pour approvisionner les métiers à tisser des villes.

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Au niveau politique, l'organisation repose fondamentalement sur un système décentralisé qui tire ses origines des enseignements du Dwo. En effet, dans la pensée bobo, Dwo est le fondateur de l'ethnie et du village, et lui seul est chef. Chaque village est autonome et ses dirigeants, des lieutenants : d’où le titre d’aines  (aînés) ou (anciens)., Le village se présente comme une agglomération rurale ayant une vie propre à elle. Il  est fondé sur des rapports interlignagers et régi par une administration fortement décentralisée dont les principaux responsables sont les aînés ou grands Il est constitué d'un ensemble d'habitations groupées et compactes. En général, les villages sont divisés en plusieurs quartiers et habités par plusieurs clans : les cultivateurs, les griots , les forgerons .

Pour qu'un village ait son statut, il lui faut plusieurs familles dont la cohabitation favorise un mode de relations érigé en modèle de société et dans lequel coexistent le familial») et le communautaire..

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Le familial a un fondement ,la parenté biologique et le communautaire est plutôt l'expression d'un choix, un lien contractuel et une obligation mutuelle. Les villages tout comme les autres villages africains ont donc développé dans le passé des communautés authentiquement humaines fondées sur une volonté de vivre ensemble, de réaliser un projet tourné vers l'avenir.

Le groupe de parenté , le lignage, est la base de la structure sociale et pièce essentielle de I ’organisation villageoise,. Il réunit, en un lieu précis , tous les descendants en ligne directe agnatique d’un ancêtre commun parfaitement connu..  les descendants du fondateur du village sont les gens qui, liés par le même statut parental et les mêmes droits, vivent dans le même’ groupe de maisons, autour de la maison de l’ancêtre,(WASA) dite « la mère des maisons ». La wasa, est en effet la première maison construite par l’ancêtre fondateur du lignage au moment de son installation dans le village. Elle a été préservée intacte: murs, charpente, etc..).  Plus qu’une maison ancienne, c’est en fait un lieu religieux, comportant l’autel de lignage soit  la tombe de l’ancêtre signalée par une pierre sous le seuil de la porte  et où il a été en effet enterré.

 En dehors des principes de parenté sur lesquels il se fonde, le lignage bobo se distinguait autrefois par des fonctions économiques essentielles : il constituait en effet l’unité primaire de production et de consommation. Cette unité, qui opérait pratiquement en autarcie, était caractérisée par son organisation rigoureusement communautaire

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 Du lignage au clan, puis du village à l’ethnie, au gré des analyses, se dégagent certains concepts qui vont se révéler opératoires tant au niveau socio-politique qu’au niveau religieux. C’est ainsi qu’on porte une particulière attention ici à la notion de « communauté » - FOROBA - instrument de cohésion au service du groupe de parenté et de groupe social villageois tout autant que du groupe partageant le culte d’une même figure divine (Dwo et ses masques notamment). : Les Bobo emploient le terme foroba pour désigner l’état de ce qui est « commun ». Le mot se retrouve d’ailleurs avec le même sens dans de nombreuses langues mande et notamment en malinké et bambara. Le champ d’application de la notion de foroba est très vaste : peuvent être foroba non seulement des biens matériels de tous ordres, mais aussi des biens « spirituels » (idées, connaissances, révélations mystiques et cultes même) des personnes (captifs, certaines catégories d’épouses), des modes d’activité (façons collectives de travailler). Foroba s’oppose à zakane qui désigne en bobo tout ce qui est individuel, privé. Ainsi,en période de culture, tous les hommes valides du lignage sans exception se réunissent cinq jours par semaine pour travailler sur le foroba « champ communautaire.

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C’est un vaste champ rectangulaire  de plusieurs hectares  et divisé en parcelles … il s’agrandit chaque année d’une nouvelle extension cultivable à l’opposé du village tandis qu’on supprime  périodiquement une parcelle proche de celui-ci.. le champ s’éloigne du village ainsi jusqu’aux limites du territoire ce qui obligera à cultiver  un nouveau  foruba. La principale culture pratiquée sur le foroba a consisté longtemps en  deux variétés de mil anciennement  connues ;parce que plantes sacrées révélées, selon le mythe  Wuro ,l’entité suprême.. Cela donne un caractère foncièrement religieux à tout ce qui se rapporte au mil ainsi cultivé en foroba et la moindre des opérations agraires se trouve soumise à une extrême ritualisation. Le chef du lignage, détient toutes les responsabilités aussi bien techniques que religieuses en matière d’agriculture. Il décide des dates des travaux, fait les sacrifices nécessaires, surveille l’avancement de la tâche.. Les femmes, quant à elles, se chargent à tour de rôle de faire la nourriture et de l’apporter aux champs. Lorsque les travaux requièrent beaucoup de bras - semailles, moisson, transport du grain - les femmes, toutes obligatoirement présentes, apportent leur concours.

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Il est un autre espace sacré où se concrétise l’activité communautaire du lignage, c’est l’aire de battage pati. Vaste rectangle de terre il  fut délimité par l’ancêtre fondateur du lignage et depuis, n’a plus changé de place. Le pati symbolise ainsi la pérennité du lignage : les générations s’y succèdent et y œuvrent dans le même esprit de solidarité. Sur le pati, après stockage du produit de la récolte, on procède au battage, au vannage et à l’enlèvement du grain ; mais ces opérations techniques, toutes réalisées en commun par les membres du lignage rassemblés sont aussi des opérations rituelles délicates. Le pati ‘est un lieu privilégié du cosmos, situé à la frontière du domaine villageois et du terroir de brousse, il est la seule zone où certains transferts spirituels peuvent s’effectuer.  L’animisme attribue une énergie vitale(âme) au mil ,énergie libérée dès lors qu’on le coupe. Cette énergie libre serait dangereuse pour le village si on la laissait entrer avec le grain.. En coupant le mil on le fait « mourir » et on libère son "âme". Pour ne plus laisser errer dangereusement cette âme, pour ne pas faire entrer au village des grains qui ‘sont, par ailleurs, tout imprégnés des forces nocives de la brousse, il est nécessaire de procéder à des rites spéciaux sur le pati même

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LE SYSTEME DE PENSEE/

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Dans la tradition, l'homme appartient à la nature. Il en est dépendant et  entretient une sorte de fraternité cosmique avec tous les éléments de la nature.

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"La   solidarité dépasse les rapports entre les humains, pour  englober tous les existants. qui ont chacun  chacun leur place dans le «lien  harmonieux du cosmos d'exister de chacun. On peut sans doute user des animaux et des plantes, mais détruire pour son bon plaisir, c'est méconnaître leur droit d'exister, et ceci est iui(, injustice, un « désordre », par rapport à l'ordre de la nature ou à l'ordre établi par l'organisation sociale : elle est empiétement sur les droits de l'autre, violation de son « kakiè » (sa zone d'existence) ». Gaston Sanou
Aussi, dans la tradition, l'homme forme-t-il un tout avec les animaux, |es plantes, les insectes, les cailloux, la terre, le vent, les astres, etc. Il est partie prenante de cette nature. C'est tout un système vital qui se tient. Régulièrement, l'homme s'engage dans la nature pour y reprendre force. C'est dans le même sens qu'il faut comprendre que l'initiation, qui se déroule en brousse, est aussi une conduite au cœur de la nature, pour y purifier les candidats à l'initiation, raffermir leur foi, c'est-à-dire leur engagement sans réserve pour l'épanouissement de leur communauté, et les amener à une vie digne et  à faire d'eux de vrais adultes .Il  est donc tout à fait normal que l'homme retourne périodiquement, individuellement, en famille ou en communauté au cœur de la nature pour se ressourcer aux forces vitales de la nature. 
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Les croyances relatives à l’histoire de la création du monde sont rassemblées et ordonnées dans des récits  qui se présentent sous la forme de  ‘vaste mythes cosmogonique.

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Pour désigner les mythes cosmogoniques, les Bobo parlent de Wuro Da Fere , de « choses relatives aux créations de Wuro ». Il s’agit de longs récits épiques consignés dans la langue bobo commune mais qui ne sont jamais transmis en public, à la différence par exemple des contes que peuvent écouter les auditoires les plus larges, ou même d’autres catégories de mythes ou de légendes qui, bien que réservées à des individus sélectionnés (membres de classes d’âge données), sont aussi contées dans des petites assemblées.

Les mythes bobo sont faits de de récits   en deux cycles distincts. Le premier  est celui de la création selon Wuro  le principe premier et se termine lorsqu’elle est supposée parfaite et correspondant aux archétypes  primordiaux. La fin  du cycle marque éloignement définitif de Wuro et la révélation aux hommes de Dwo, émanation de la substance première et de son énergie ,qui se manifeste  sous la forme du masque de feuilles. Les manifestations épisodiques  et ses révélations de Dwo fournissent la matière aux mythes du second cycle, qui renseignent sur la façon dont certaines connaissances ont été transmises aux hommes par voie surnaturelle. Et c'est suivant l'époque et les circonstances de ces révélations ultérieures que se sont dessinées la hiérarchie des masques, leur typologie, leur nature et leur fonction.

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Comme toute mythologie, les mythes  énumèrent la succession des créations mais en instituant un ordre. Cet ordre, en première approche, semble dualiste  avec deux grandes sections du monde  et des couples  d’opposés hommes/génies - village/brousse - domestique/sauvage - culture/nature - sécurité/danger - froid/chaud. Pourtant ces opposés sont en fait en situations de complémentarités  dès que l’on introduit l’idée globale d’un cosmos.  Tout en effet y est réparti de façon à ce que les entités contraires s’annulent et à ce que s’établisse un rigoureux équilibre.  Les « forces » ,l’énergie constitutive de chacune contrebalance l’autre .. Au début du temps mythique,  aucun clivage n’apparaît  d’ailleurs entre les êtres ou les choses et les premiers partages,  se font sans qu’ils soient exprimés en termes d’opposition ou de conflit. Si la création va se diversifier  d’où un univers en instabilité lors de sa genèse,  le fondateur suprême suit un plan  jusqu’à l’équilibre parfait qui marque la fin des temps cosmogoniques

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« Désormais, toute initiative divine doit cesser, rien ne peut plus être ajouté à l’œuvre sous peine d’en détruire la frêle harmonie : une note de plus et c’est la dissonance, le dérèglement de l’accord et bientôt le chaos.

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Pour échapper à sa vocation impérieuse de créateur, pour ne pas céder à la tentation du « perfectionnisme », pour se soustraire peut-être aussi aux exigences dangereuses de la plus encombrante de ses créatures, l’homme, Wuro doit rompre avec le monde, s’éloigner, non pas disparaître et abandonner complètement ceux qu’il a tirés du néant, mais leur épargner son contact - quitte, on le verra, à leur laisser en partage une parcelle matérialisée de sa substance (DwO, c’est-à-dire le masque). C’est sur cet événement capital que s’achève le récit des « choses relatives aux créations de Wuro » - les wuro di fere. On comprend que la perfection ayant été atteinte une fois pour toutes il n’y ait plus, dans la nouvelle période qui va s’ouvrir, aucune place pour le changement ou le progrès. Chez les Bobo, comme dans les nombreuses sociétés africaines qui possèdent ce même modèle cosmologique, le souci permanent est de ne rien modifier au donné mythologique. Ainsi le destin des générations humaines est-il de rester inchangées dans un monde figé et, paradoxalement, leur seule tâche active (dans le domaine spirituel s’entend) sera d’agir en vue de maintenir ce statisme par de constants rites de réactualisation ou par des opérations mystiques destinées à rétablir les équilibres préétablis jugés compromis. Finalement, c’est seulement dans la période cosmogonique que le monde aura connu un véritable devenir » G.LEMOAL. LES BOBOS.NATURE ET FONCTION DES MASQUES.

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Les mythes bobo  font ainsi référence à un principe primordial « Wuro »,  mais qui comme dans beaucoup de religions africaines  s’est éloigné et demeure invisible quoique toujours actif. On ne lui voue pas de culte. Fondamentalement, Wuro est un démiurge, l’architecte de l’univers. Il  est à la fois unique) et multiple. Il peut se partager en ses « fils »  DWO, SOXO ET KWERE. Ce que les Bobo veulent exprimer en parlant des « fils », c’est qu’en dépit de son unicité réelle,  Wuro détache de lui-même des parts qui ne cessent pas de lui être intrinsèquement personnelles, mais qui s’individualisent et se spécialisent dans une fonction. Wuro, à la fin des temps cosmogoniques, disent les mythes, affecte une part de lui-même, à la sauvegarde de l’humanité (Dwo), une autre à l’animation du monde végétal (saxo) ou une autre encore à l’affirmation de son autorité (Kwere) . En fait, au-delà de  la lettre,   et selon les principes animistes, l’univers apparait comme  un cosmos « vivant »  et en manifestation continuelle  où tout ce qui agit est ; et tout ce qui est agit.  On a une  vision unitaire englobant  esprits, hommes, animaux, végétaux, astres, minéraux .L’ensemble est parcouru  d’une  une énergie cosmique qui irrigue le monde. Le feu  est en effet l’élément constitutif de la nature de Wuro (d’où l’importance du forgeron). Tout ce qui émane de Wuro est donc ardent et sont ardents les  « fils ». Kwere est ainsi « la foudre ». Si SOxo est la brousse aux yeux des hommes, ce serait  pourtant un lieu « brûlant », un lieu qui entre dans la catégorie de pensée où sont associées à l’idée de nature ou de « sauvagerie », celles de chaleur, c’est-à-dire symboliquement de danger, de maladie, de fièvres. Quant à Dwo enfin : il est « flamme ». De façon symbolique, tout d’abord, Dwo est flamme parce que la flamme, le feu, c’est la lumière, c’est-à-dire, par métaphore, l’illumination des esprits et donc la   connaissance puisque c’est autour de sa personne (représentée par le masque) que s’organise la longue quête de connaissances qu’est l’initiation.

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D'après les mythes cosmogoniques recueillis par Guy Le Moal, Wuro crée la terre, puis certains animaux, et enfin le premier homme : le for­geron. Sur son instance, Wuro lui donne comme compagnon un deuxième homme, le cultivateur bobo. Dans les événements qui suivent, les animaux jouent le rôle d'émissaires de Wuro, s'ingéniant à relier, selon le dessein divin, le forgeron à l'œuvre de création. Mais lorsque le forgeron affiche la prétention de se placer sur un pied d'égalité avec son créateur, la conséquence est inévitable : Wuro s'éloigne de lui. Cependant, avant de quitter définitivement le forgeron, il lui donne Dwo pour la sauvegarde de l'humanité. La révélation de Dwo sous la forme du masque de feuilles est le prélude à l'effacement définitif de Wuro, qui opère le passage du mythe à la réalité. Dwo devient l'interlocuteur privilégié des hommes, et la forme par laquelle il a été révélé définit la manière de représenter le caractère universel de sa nature et le rôle qui lui a été confié.

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Après l'effacement de Wuro, l'interaction entre Dwo et les hommes constitue donc le processus fondateur de l'histoire de l'humanité. Aux hommes incombe le devenir de leur monde, qui se modèle sur les préceptes et les interdictions que chacune des manifestations ultérieures de Dwo com­porte. Alors que les mythes cosmogoniques justifient la face inconnais­sable de Wuro, les mythes de Dwo montent   son immanence  dans  ses multiples modalités. Car, derrière le masque et le puissant Dwo, c'est toujours Wuro qui se manifeste et poursuit son œuvre d'éducation de l'homme, d'une manière toujours différente.

A la lumière de tout ce qui précède, on peut dès maintenant retenir cette idée que deux « temps » ont existé, séparés par un événement mythique de portée majeure : - le premier temps, celui de la création de l’univers (mythes cosmogoniques), est tout entier placé sous le signe de Wuro ; - la fin de ce temps est consacrée par une rupture, Wuro s’efface mais donne aux hommes son « fils » Dwo- commencent alors de nouveaux temps, ceux qu’on peut dire « historiques , placés sous le signe de Dwo et de ses manifestations épisodiques (mythes post-cosmogoniques)

Dwo est en effet conçu, lui aussi, comme unique tout en même temps que multiple. :  il appartient au temps cosmogonique primordial qui s’achève par sa révélation mais aussi au temps « historique » que constitue ses manifestations .Dwo, à ce stade, s’offre en effet à tous les hommes sans distinction.

 « Sous la simple apparence d’un masque élémentaire fait de feuilles fraîches, il restera présent dans chacune des communautés humaines de l’univers (c’est-à-dire du « monde » selon les Bobo) où lui reviendront toujours et la première place et le rôle majeur. Avec les temps « historiques » surviennent de nouvelles manifestations de Dwo qui, étant post-cosmogoniques, n’ont plus le même caractère d’universalité et sont au contraire, de nature « privée », c’est-à-dire réservées à de simples individus. Ces nouvelles manifestations consistent en la révélation de masques qui s’avèrent tout à fait nouveaux et d’une nature même contraire à celle du masque de feuilles initial. Il s’agit cette fois en effet de masques qui, d’une part, affectent non plus une forme unique mais des morphologies variées à l’infini et qui, d’autre part, adoptent tous un matériau de base qui, à l’inverse de la feuille, est sec et ligneux : la fibre. Enfin, pour achever de marquer la différence avec la manifestation initiale de Dwo, toutes celles qui suivront dans la période post-cosmogonique se feront, non seulement - nous l’avons dit - à des individus précis, mais aussi en des lieux bien précis et c’est même le nom de ces lieux qu’on retiendra pour les distinguer :

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En raison du caractère universel que lui donne son origine cosmogonique, le culte de la figure initiale de Dwo ne peut-être que foroba, c’est-à-dire partagé par tous sans distinction.

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Dans la pratique, ce culte ne peut donc se pratiquer que collectivement à l’échelle du village et nul lignage, fût-ce celui des fondateurs, ne peut employer les masques de feuilles à des fins personnelles ; ces masques sont destinés à œuvrer pour le compte exclusivement de la communauté des lignages. Les figures ultérieures de Dwo, en revanche, sont, dans un premier temps au moins, toujours zakane.(particulières) A l’époque post-cosmogonique, en effet, Dwo, comme toutes les entités spirituelles d’ailleurs, ne peut que s’adresser à des individus et ceux-ci ne peuvent d’abord que lui rendre un culte qui est « privé » dans la mesure où il ne sera pratiqué que par les seuls membres de la parenté de celui qui a bénéficié de la nouvelle révélation divine, c’est-à-dire par une collectivité réduite qui est en position zakane par rapport aux collectivités plus larges du type collectivités villageoises,. »

G.LEMOAL. op. Cite

 Les Bobo adorent ainsi  Dwo qui, dans la tradition, est l'esprit fondateur et vivificateur du village. C'est lui qui guide l'individu durant sa vie ; il est à la base de toute la vie individuelle et collective. C'est sous le signe du Dwo que se déroulent les célébrations liturgiques qui rythment chaque année la vie du village. Il y renouvèle la communauté en ses origines, ses coutumes, et refait la solidarité des liens avec les Ancêtres et au sein de la société villageoise »..

Soxo incarnerait, lui,  l’idée de phusis telle qu’elle existait chez les grecs.  C’est la brousse comme entité, moins le sol ou la terre que de ce qui y pousse : la végétation. où plutot ce qui la fait pousser.  et c’est sans doute, l’herbe, qui représente le mieux l’idée qu’on se fait de l’entité  parce qu’elle est, comme lui infiniment multipliée et abondamment répandue.

La brousse est également perçue comme le domaine des forces de la nature, esprits bons et mauvais, puissances supérieures à l'homme. Leurs lieux de résidence privilégiés sont les collines, les grands arbres, les forêts sacrées des différents villages, les forêts galeries le long des cours d'eau telle la forêt, les cours d'eau Aussi, est-il déconseillé de s'aventurer tout seul au-delà de la brousse à des heures néfastes, telles à midi ou à partir de minuit.

La brousse concrétise le principe animiste NYAMA ,dont on dit souvent qu’il est une « force » : force universelle, invisible  et indifférenciée  donc répandue  partout. Par rapport à elle, ,les « esprits « sont des « forces »   d’une individualité et d’une spécificité beaucoup plus marquées. De façon latente, tout être et toute chose est imprégné de nyama. Celui-ci peut rester inactif, mais il est toujours prêt à se manifester dans un sens néfaste pour l’homme. Si on lance une pierre et qu’elle blesse involontairement un ami, c’est le nyama qui l’a guidée. Le nyama règne principalement dans le domaine spatial de la brousse, véhiculé par les génies de celle-ci  mais il n’est pas également réparti, il se concentre en effet dans certaines espèces avec une densité et une nocivité variables. Le nyama est - pour reprendre l’expression bobo - « sur » certains oiseaux comme l’outarde et le calao. Il est sur un nombre limité d’animaux : l’oryctérope, le porc-épic, le céphalophe à flancs roux et surtout sur l’hyène et le lion chez lesquels il atteint à un haut degré de nocivité. Il réside aussi sur quelques végétaux, des arbres principalement  et sur   le cadavre des hommes morts accidentellement en brousse. Le nyama, enfin imprègne les objets sacrés que l’on découvre fortuitement en brousse (rhombes, masques miniatures).

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« A côté des divinités de haut rang classées dans la catégorie Wuro, il existe une infinité d’entités spirituelles qui, par comparaison, peuvent être qualifiées de mineures. Bien qu’ils fassent grand cas d’elles, puisqu’ils leur vouent un culte actif et fervent, les Bobo disent souvent, avec une teinte de dédain qu’elles ont été « inventées par les hommes » Des entités dont nous allons parler, aucune n’existaient dans les temps cosmogoniques, toutes sont apparues dans la période historique et toutes, pour se révéler, ont dû prendre appui sur des hommes ; ce sont donc ces derniers qui, en promouvant leur culte, leur ont donné corps et c’est en ce sens seulement qu’on pourrait dire qu’ils les ont « inventées. Dans leur ensemble, les entités spirituelles qui ne sont pas « des Wuro » portent le nom de
 fùnanyono ; terme singulier, probablement composé, dont aucune étymologie satisfaisante n’a pu nous être fournie.

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Nous serions, quant à nous, tenté de traduire en français par « esprit » car le propre d’un  fùnanyono (c’est d’être immatériel, incorporel. Le fùnanyono n’est jamais visible, c’est une substance douée de forces et de pouvoirs surnaturels. Elle peut se localiser en un point bien précis, en se coulant, par exemple, dans un objet matériel ou, plus souvent, dans un végétal (arbre ou seulement racine, feuille) qui lui serviront dès lors de support et feront office d’autel. »

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 Il peut  aussi se localiser temporairement dans le corps d’un homme, posséder son esprit et se servir de sa bouche pour transmettre un message ou faire des révélations. Il est aussi  plus diffus dans l’espace et s’identifier avec tout ou partie d’un élément de la nature (l’eau en général ou bien telle rivière, telle mare), un accident de terrain (les grottes, les collines), une espèce végétale. Chaque esprit possède des aptitudes personnelles bien précises. :comme le pouvoir de donner des enfants, d’autres sont de véritables spécialités : détecter les empoisonneurs, protéger contre telle ou telle maladie, « calmer » les conflits, aider les chasseurs, etc. Dans chaque village bobo, des dizaines d’esprits ont leurs autels, certains sont personnels, d’autres sont lignagers et ces derniers peuvent être adoptés par l’ensemble du village et devenir firoba, mais, en raison de leur apparition pos cosmogonique, tous sont appropriés, tous ont un « propriétaire » qui est la personne (puis ses descendants) à qui ils se sont révélés pour la première fois (le plus souvent en rêve) .

La nature,  ainsi entendue comme «phusis », précède l'action de l'homme  et celle  de Dwo, l'esprit fondateur du village qui s'en inspire et anime toutes les coutumes. Cette nature primordiale n'est  pourtant pas un espace, vague et sans propriétaire. Elle est répartie en différentes zones appartenant chacune à un village .La répartition se serait faite selon l'ordre d'arrivée des populations qui s'installèrent sur le territoire et s'organisèrent en villages. Ce qui expliquerait l'inégalité entre les terroirs villageois souvent délimités entre eux par des frontières naturelles : cours d'eau, collines, forêts, etc.

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Le terroir villageois est à son tour réparti en zones de champs de culture, «appartenant aux différentes grandes familles constituant le village selon la lignée paternelle. Ces champs sont appelés » « champs des fils de la même maisonnée ». Un champ de culture est un bien commun de la famille et ne peut être vendu. II peut être exploité soit en « foroba » (collectivement) soit en « zakanè » (individuellement) ou sous les deux formes à la fois. Comme pour le terroir on peut également observer ici une inégalité d'étendue entre les champs des grandes familles.

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