L’info ne m’avait pas échappé mais je n’ai pas eu le temps de la traiter…
Ainsi, le Conseil d’analyse économique (CAE) dont on ne dira jamais qu’il s’agit d’une superbe ramassis (ça fait assurément moins distingué qu’aréopage !) d’écono-mistes, banquiers et autres entrepreneurs du COUAC/40 tous plus ultralibéraux en diable les uns que les autres ont désormais le Smic dans le collimateur.
LEMONDE.FR | 24.07.08
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Selon le Monde, ils viennent de remettre un rapport sur le sujet au moment même où le Conseil des ministres y consacrait une discussion… singulière convergence, n’est-il pas !
N’ayons aucune illusion… Ce sera comme pour l’ensemble du “détricotage” accéléré du droit du travail et de la protection sociale… Une fois que c’est mis en branle, rien ne peut (doit) plus arrêter le char d’assaut, le bulldozer à faire table rase.
Bientôt, Sarko, Fillon et Xavier Bertrand nous parlerons de négociations entre les partenaires sociaux et dès qu’il y aura eu un accord entre le Medef et les syndicats, Xavier Bertrand s’en servira en guise de nouveau torche-cul…
Cela fait belle heurette (depuis - au moins - le début des années 80 !) que le SMIC est (comme toute la protection sociale et le droit du travail) sur la sellette des réformes décidées “nécessaires” par tout ce que la France connaît d’ultra-réac… Ils l’ont tous rêvé… Sarko le fait !
Il faut un raisonnement fort retors pour oser mettre sur le même plan le SMIC et le RSA… lequel ne devrait être qu’un simple revenu d’appoint, destiné à aider les personnes éloignées de l’emploi à reprendre une activité professionnelle en compensant certains avantages qu’elles perdent (CMU, gratuité partielle ou totale des transports, obligation de faire garder les enfants en bas âge, etc…).
Déjà, je trouve que la “prime pour l’emploi” ne devrait pas exister puisqu’elle ne fait que consacrer l’insuffi-sance du SMIC… Pourquoi les salaires sont-ils à ce point minables ? Cela saute d’autant plus aux yeux quand on voit les profits substantiels affichés par nombre d’entreprises.
Les arguments contre le SMIC sont comme toujours d’une navrante indigence intellectuelle.
J’aimerais que l’on m’expliquât à quel phénomène l’ont doit cette idée qu’un SMIC (toujours trop élevé !) éloignerait plus les jeunes de l’emploi qu’un salaire laissé à la libre appréciation de l’employeur… Certes, celui-ci tentera toujours que le niveau soit le plus bas possible (a défaut de pouvoir réduire les salariés en esclavage).
Mais pourquoi parler uniquement des jeunes ? on se souvient du fiasco en 1994 du “smic-jeune” souhaité par Balladur. J’ai commencé à travailler en 1965. Je gagnais sans doute plus que le SMIC mais celui-ci n’a jamais mis l’économie en péril non plus que les jeunes qui le percevaient.
Il est plus qu’évident que l’on veut aligner les salaires des pays industrialisés sur ceux des pays de délocalisation massive de feue l’industrie occidentale. On va tous en crever !
Pour le CAE, le RSA constitue par excellence le moyen de “concilier lutte contre la pauvreté et efficacité économique”. Alors que, selon le rapport - très critique à l’égard du SMIC ! - qu’ils ont remis à Martin Hirsch et Eric Besson (à quel titre ? la prospective plutôt que les affaires sociales…) le salaire minimum est jugé “élevé et contraignant” et “n’est pas un moyen efficace pour réduire la pauvreté et les inégalités”.
D’abord, j’aimerais qu’on les fasse vivre un an en ne percevant que le SMIC… j’ose espérer qu’ils ne le trouveraient plus du tout “élevé” !…
Et ensuite, de cette inversion complète de vision : l’efficacité économique et la lutte contre la pauvreté étant du côté du RSA (pour simplifier, provenant de l’aide publique) et l’inefficacité sociale se situant du côté du SMIC (salaires payés par les entreprises) je ne peux que tirer une conclusion sur l’idéologie à l’oeuvre dans cette singulière conception du salaire.
En quoi serait-il si est-il anormal que les entreprises rémunèrent le travail, source de profits?
Faire passer la plus grande partie (et pourquoi pas la totalité ? une fois qu’on est sur de tels rails…) de la rémunération du travail par le biais de l’aide publique relève d’un rêve patronal que même Marx n’aurait pu anticiper (du moins à ma connaissance… je suis loin d’avoir tout lu et cela ne fait nullement partie de mes intentions).
Pensez-donc ! Les salaires mis à la charge de l’Etat (qui déjà paye une part énorme des charges sociales à la place des employeurs). Un vrai paradis terrestre pour capitalistes. Et comme de surcroît on leur assure vitam aeternam toujours moins d’impôts sur les bénéfices, la suppression du SMIC vaudra bien une messe !
Pour nous, vulgum pecus, ce sera “requiem pour salaire minimum défunt”. Le patronat pourra faire célébrer un magnifique Te Deum en la cathédrale Notre-Dame de Paris. Ce sera bien le moins.
Illustration parfaite de l’ultra-libéralisme : “nationali-sation des pertes, privatisation des profits” et de Montaigne : “le profit de l’un est dommage de l’autre”.
Remarquons au passage que les libéraux qui n’ont pas de mots assez durs pour fustiger la dépense publique quand elle a pour objet l’Etat-providence et la réduction des inégalités n’y trouvent rien à redire quand elle va dans les poches des employeurs et des entrepreneurs au sens général.
Enfin, sur le plan intellectuel je constate qu’une fois de plus ceux qui sont supposés détenir le savoir (économique en l’espèce) nous assènent sur le salaire minimum et ses supposés méfaits leur même lot de conneries avec une morgue imperturbable qu’au temps où, pour conforter Reagan et Thatcher, ils répétaient ad nauseam : “trop d’impôt tue l’impôt”…
aphorisme qu’aucun économiste digne de ce nom n’a jamais pu démonter, tout au contraire.
sur l’ensemble des mesures de Sarko - petit télégraphiste du Medef - & consorts, je vous conseille une petite virée sur le blog “des pas perdus” - on ne s’y égare jamais - et notamment la récente note consacrée au “cynisme des réformes libérales“… rien que la photo et les légendes ajoutées méritent amplement une visite !