Titre : Impact
Scénariste : Gilles Rochier
Dessinateur : Deloupy
Parution : Avril 2021
Depuis l’obtention du prix révélation à Angoulême, Gilles Rochier a gagné une visibilité méritée dans les rayons des librairies. Cela lui a ouvert la porte de chez Casterman et il s’est mué également en scénariste pour d’autres dessinateurs (Fabcaro, Fabrice Erre, Daniel Casanave…). Ma dernière lecture de lui, « Tu sais ce qu’on raconte », m’avait laissé un excellent souvenir. Son association avec Deloupy, un auteur dont j’apprécie le trait, était donc pleine de promesse. « Impact » est publié chez Casterman pour une centaine de pages.
Chronique sociale plus que polar
« Impact » narre l’histoire de deux personnages brisés. Le premier est malade et sait que ses jours sont comptés. Au crépuscule de son existence, il se confie à un ami sur un événement qui l’a traumatisé. Le second est un marginal qui enchaîne les problèmes judiciaires. Obligé de recourir à des séances avec un psy, on va creuser peu à peu, là aussi, le traumatisme originel. Le tout va s’entremêler bien évidemment.
Deloupy est un habitué des polars, il n’est pas étonnant que « Impact » le soit également. Démarrant sur des récits de vie tristes mais banals, l’histoire va peu à peu arriver à l’impact en question. Gilles Rochier oblige, la dimension sociale est omniprésente dans l’ouvrage. Patrons, chefs, syndicats ne sortent pas grandis… De même, le statut de marginal, qui cache un trauma de jeunesse, permet de traiter et d’essayer d’expliquer le pourquoi du comment de cette violence.
La narration choisie dans le bouquin m’a vraiment gênée. En effet, tout est raconté par un personnage à un autre (l’ouvrier à un autre pensionnaire, le marginal à sa psy). Ce procédé est un peu lourd et ne décolle jamais vraiment. Le plus que l’on aurait pu espérer, c’est-à-dire qu’il se passe quelque chose au présent, une révélation finale, n’arrive jamais vraiment (il y a bien quelque chose que je ne divulguerai pas, mais qui tombe à plat). On se retrouve à la place du confident, assez extérieur à tout ça. Quant au moment où les histoires viennent d’entremêler, on le sent venir à l’avance.
Au niveau du dessin, Deloupy fournit un travail propre et adapté à l’ouvrage. Le trait est épais, les personnages bien identifiables. On oscille entre un trait réaliste et semi-réaliste. Son choix de ne faire de deux points pour les yeux font que les personnages manquent parfois un peu d’expression. Cependant, il y a un bel effort sur le cadrage des planches. Car ce qui est raconté n’est pas évident à représenter sans se répéter (les séances de psy par exemple). Le dessinateur multiplie les plans et les positions des personnages pour ne pas se répéter.
« Impact » m’a déçu. Le livre se lit avec plaisir. On découvre peu à peu les histoires de chaque protagoniste. Mais le croisement de leurs destinées semblait être voué à accoucher de quelque chose de plus fort, de plus surprenant. Car si on parle bien d’un polar, il n’y a pas vraiment d’enquête au final. Et après l’exceptionnelle narration de « Tu sais ce qu’on raconte… », mes attentes étaient peut-être trop élevées. « Impact » est avant tout un récit social plus qu’un polar.