Les chauffeurs sont de plus en plus nombreux à faire fi de cet interdit. Pourtant, ils sont passibles d’une suspension d’un an entre autres pénalités.
Il n’est plus rare de voir des chauffeurs tenir fermement leurs téléphones à l’oreille pendant la conduite. A bord d’un taxi ou d’une voiture personnelle, le téléphone est l’un des outils les plus prisés. Sur 10 voitures scrutées mardi dernier au niveau du rond-point Nlongkak à Yaoundé, six chauffeurs étaient en plein échange avec un interlocuteur à l’autre bout du fil. Parmi eux, quatre étaient des taximen. Ce constat a été fait par plusieurs habitants de la ville de Yaoundé. « Je descends à peine d’un taxi là. Il m’a pris de la poste centrale pour Omnisports. Au niveau de « Bata », son téléphone a sonné. Il a répondu à son appel en prenant le temps nécessaire. Ce que vous relevez n’est pas nouveau. Je le vis au quotidien », souligne Hortense Mballa, bayam sellam. A à en croire de nombreux « yaoundéens », appeler ou recevoir des appels étant au volant n’est pas nouveau. Cette pratique a juste gagné de l’espace créant au passage des désagréments de natures différentes. « Il y a trois points où vous pouvez bien observer ce phénomène d’appel au volant : Omnisports, Avenue des Banques et Rond-Point Nlongkak. Dans l’après-midi, vous verrez certains cadres à bord de leur voiture roulant à une vitesse minimale parce qu’ils répondent à un appel. Ils créent parfois des embouteillages. Cen’est pas prudent parce que vous êtes distrait au volant. Gare à vous si vous égratignez sa voiture. La fameuse phrase : tu sais qui je suis va sortir », explique Christian Blaise Awono, taximan.
Sanctions
Si certains taximen pointent du doigt des chauffeurs des véhicules à usage privé, ceux-ci leur opposent les mêmes arguments. « On ne saurait dire que ce sont les chauffeurs des voitures personnelles qui excellent dans cette pratique. Je ne dis pas que nous n’émettons pas ou ne recevons pas d’appels au volant. Je le fait souvent sauf en cas d’urgence. Allez voir comment ces taximen se comportent en route. Certains le font également en nous soûlant de klaxon au quotidien, pourtant c’est règlementé », a glissé David Onana, homme d’affaire, avec un sourire au coin des lèvres. Georges Tsasse de renchérir : « Quand vous appelez au volant, vous êtes distrait. A l’auto-école, l’apprenant est toujours invité à tenir le volant avec les deux mains. Techniquement, on vous parlera des positions 9h-15 ou 10h-10 min. En tenant le volant avec une main et le téléphone avec l’autre main, il est clair qu’on n’est pas loin d’un accident qu’on aurait pu éviter ».
Au Cameroun, les contrevenants sont sommés de verser une amende de 25 000 Fcfa et une suspension d’un an. Des sanctions qui sont loin de dissuader de nombreux chauffeurs. Le code Cemac de la route en son article 11 stipule d’ailleurs que tout permis de conduire peut être suspendu pour une période maximale d’un an pour des « Conversations téléphoniques et/ou utilisation du téléphone portable pendant la conduite ». Une batterie juridique. « Vous savez qu’au Cameroun on a de très bons textes. Ce qui fait défaut, c’est son applicabilité. Cette amende est dérisoire par rapport aux dégâts que cet outil peut causer sur la voie publique. La plus part des chauffeurs émettent ou reçoivent des appels étant au volant. C’est un fait. Nous sommes dans un pays où certains secteurs sont règlementés ; mais ils sont dominés par l’anarchisme. Vous parlez de téléphone au volant. Je pourrai ajouter à ça l’usage du klaxon sur la voie publique. L’Etat doit punir », tonne Yves Marie Nya. L’usage des téléphones portables au volant est l’une des nombreuses causes des accidents sur nos routes à côté de l’excès de vitesse…
Des victimes
Franck Tsafack est déjà tombé à trois reprises sur le coup de cette infraction. « La première fois c’était à l’Ouest. J’avais payé 25 000 Fcfa. Les deux dernières fois, c’était ici à Yaoundé. Quand je suis au volant, j’évite le téléphone. Si c’est un appel urgent, je gare sur le côté avant de manipuler ». Si garer sur le côté avant d’émettre un appel pour en recevoir est l’attitude privilégiée dans de nombreuses auto-écoles, certains chauffeurs ont trouvé des stratagèmes pour, disent-ils, gagner en temps. « J’ai des écouteurs Bluetooth directement liés à mon téléphone. Je n’ai plus besoin de le tenir en main. Il est vrai que parfois je sursaute quand ça sonne surtout quand on n’attend pas un appel. En réalité, c’est pour gagner du temps. C’est condamnable mais bon, on fait l’effort d’être prudent », renseigne Adamou Ibrahim, taximan. Ces écouteurs Bluetooth sont de plus en plus visibles. « Le chauffeur devrait poursuivre un lièvre à la fois. Soit il conduit, soit il s’arrête pour téléphoner. Les deux à la fois sont à déconseiller », a conclu Oumarou Issa, chauffeur de camion.