En renvoyant de nouveau la tenue du scrutin, Ernest Ewango ignore la loi et se plie aux caprices des conseillers municipaux du Rdpc.
Deuxième renvoi de l’élection du maire de la commune de Bangangté ce 6 mai 2021. Contrairement à la session du conseil municipal du 3 mai 2021, à l’origine du premier report de cette élection, le quorum était atteint. Les quarante conseillers municipaux que compte la Collectivité territoriale de Bangangté ont répondu présent à la salle des actes de la Commune d’arrondissement de Bangangté. Comme lors de la première session, les candidats Eric Niat, conseiller municipal et Jean Lambert Tchoumi, quatrième adjoint au maire sortant ont présenté leur candidature dès l’entame de la session. Une posture rejetée par le candidat Eric Niat qui a invoqué les clauses des votes issus des élections primaires qui se sont déroulées dans le parti dans la soirée du 2 mai 2021.
Rencontre interne au Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) au cours de laquelle il a été désigné candidat en battant son adversaire par 21 voix contre 19. Seulement, le scénario n’a pas été réitéré lors de la session qui s’est tenue le lendemain au siège de la commune de Bangangté. Sur les 40 conseillers municipaux attendus, seuls 16 étaient présents dans la salle. Un nombre qui n’a pas permis d’aboutir à l’élection du maire qui requiert, à priori, la présence des deux tiers des conseillers. Soit 27 électeurs attendus dans le cas de la commune de
Bangangté.
Clauses des élections primaires
Tableau différent ce 6 mai 2021 dans la salle des actes de l’hôtel de ville de Bangangté. Face à la dénonciation du candidat Eric Niat, son adversaire retire sa candidature. Alors que l’on croit l’affaire réglée avec le retrait de Jean Lambert Tchoumi, une autre candidate se propose. Conseiller municipal, elle aussi, Eveline Nana entend croiser le fer avec Eric Niat. Surtout qu’elle ne se reconnait pas dans les clauses des élections primaires qui se sont tenues au sein du parti. Visiblement embarrassé, le préfet du Ndé, Ernest Ewango qui avait expulsé la presse et les populations de l’enceinte de l’hôtel de ville de Bangangté demande aux deux parties de s’entendre. A son retour dans la salle, quelques temps après, les positons restent tranchées. Le candidat Eric Niat invoque les clauses prises le 2 mai par le parti. Délibérations obtenues par le mandataire du Comité central du Rdpc, Lamare Njankouo qui font de lui l’unique candidat de cette élection dont tous les votants sont des militants du Rdpc. En face, Eveline Nana ne plie pas. La militante exige affronter le candidat Niat Eric aux urnes.
L’exigence de la candidate Eveline Nana semble admise par le camp d’Eric Niat dans un premier temps. Ceux d’autant que lorsque la dame conseiller municipal déclare sa candidature, des remous de contestation sont exprimés par des conseillers municipaux issus de son clan. Pour un moment, l’ouverture de l’élection semble admise par tous. Jusqu’à ce que quelques temps après, le candidat Eric Niat revienne sur ses positions. Officiellement, le fils du président du Sénat exige «le respect de la discipline du parti». Evocation liée aux clauses de l’élection interne du 2 mai 2021. Sous cape, des proches du candidat invoquent la découverte d’une manœuvre bien ourdie. En clair, dans le camp d’Eric Niat, l’on soutient que «Le fait pour les complices d’Eveline Nana d’avoir contesté sa candidature est une distraction.» Une manœuvre qui selon les proches du candidat Eric Niat viserait à provoquer l’ouverture de l’élection. «Ils prévoyaient aller aux urnes pour élire leur candidat. Ils ne peuvent pas nous dire que leur pacte a été brisé dans la salle tout d’un coup», susurre-t-on. C’est ainsi que face à un nouveau refus des deux camps d’aboutir à un consensus, le préfet du Ndé, Ernest Ewango décide de reporter le scrutin «à une date ultérieure».
A l’épreuve de la loi
Le deuxième renvoi de l’élection du maire de Bangangté apparait dès lors comme une curiosité chez les spécialistes des questions électorales. Certains plus excessifs invoquent des «connivences» entre l’autorité administrative et quelque candidat. Moins passionnés, d’autres soulignent la lettre et l’esprit de la loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code général des collectivités territoriales décentralisées. La lecture du texte «polémiqué» invoque en effet un ensemble d’articles relatifs à l’élection du maire et de ses adjoints.Ainsi en son article 174, la loi portant Code général des collectivités territoriales décentralisées souligne que «Le conseil municipal ne peut valablement siéger que lorsque les deux tiers (2/3) de ses membres sont présents.» Une disposition qui exempte le préfet du Ndé de tous reproches au sujet du premier renvoi survenu lors de la session du 3 mai 2021.
Session au cours de laquelle plus de deux tiers des conseillers avaient brillé par leur absence. Des absences expliquées par le fait que «Les conseillers municipaux absents lors de la session du 3 mai ont été séquestrés. Nombreux parmi eux ont reçu des menaces du camp adversaire.» dénonce la communication du candidat Eric Niat. Pour les férues du droit électoral, le rôle trouble du préfet du département du Ndé apparait dans l’application des alinéas 2 et 3 de l’article 174 de la loi portant Code général des collectivités territoriales décentralisées. L’alinéa 1 de ladite disposition indique que «Lorsqu’après une convocation régulièrement faite, le quorum n’est pas atteint, toute délibération votée après la seconde convocation, à trois (03) jours au moins d’intervalle, est valable si la moitié (1/2) au moins des membres du conseil est présente.» De même que l’article 3 de la même disposition prévoit que «En cas de mobilisation générale, le conseil municipal délibère valablement après une seule convocation, lorsque la majorité de ses membres non mobilisés assistent à la séance.»
Outre l’article 205 fixant la convocation d’un conseil municipal électif «dans les soixante (60) jours qui suivent le décès, la démission ou la révocation du maire», la loi portant Code général des collectivités territoriales décentralisées invoque, en sa section six les circonstances pouvant conduire à la suspension, la dissolution, la cessation de fonctions ou la substitution du conseil municipal. Eventualités susceptibles d’intervenir sur arrêté motivé du ministre en charge des collectivités territoriales décentralisées ou par décret du président de la République. Pour cela, souligne le chapitre 6 de la loi portant Code général des collectivités territoriales décentralisées, la collectivité territoriale décentralisée doit être sous les coups «d’accomplissement d’actes contraires à la constitution ; d’atteinte à la sécurité de l’Etat ou l’ordre public ; de mise en péril de l’intégrité territorial ou d’impossibilité durable de fonctionner durablement.»