La vie politique nationale se singularise par des antagonismes les plus véhémentes comme si une intelligence derrière les rideaux soufflait sur la scène pour saper l’unité nationale.
La tenue du Grand dialogue national (Gdn) du 30 septembre au 4 octobre 2019 pour poser les jalons de la paix dans les deux régions anglophones en crise, tarde encore à concrétiser tous les espoirs placés en cette grande messe. Les armes crépitent toujours et même si l’armée semble avoir atténué la puissance de feu des bandes armées, il n’en demeure pas moins vrai qu’il est très difficile de taire toute velléité par le canon. Pour preuve, cette crise livre une autre face hideuse à l’opinion: la haine inter-communautaire dans les deux régions pour telle ou telle raison. Nous avons souvent tendance à occulter le fait que les règlements de compte irriguent, nourrissent des rancœurs ou des désirs de vengeance comme il en va généralement dans les conflits internes. De ce fait, même si l’État fait officiellement la paix dans cette partie du pays, le plus dur sera de faire la paix entre les différentes communautés ou même entre les différentes familles. Il est bien établi que les réparations des dettes de sang sont les plus complexes à dénouer.
Un autre point qui fragilise la réconciliation dans cette partie est le rappel à Dieu du cardinal Christian Tumi il y a à peine un mois. Personne ne saurait remettre en cause l’aura dont jouissait le prélat dans la zone même si on se souvient que l’année dernière, il avait fait l’objet d’un enlèvement de la part des séparatistes qui voyaient d’un mauvais œil précisément son implication dans la tenue du Gdn. C’est un véritable souffle de la paix dans les deux régions troublées qui s’est volatilisé même si on sait qu’il était un fédéraliste convaincu, qui a eu toutes les peines du monde à organiser la « Third all anglophone conference ».
L’agitation au sein du sérail
Au sein du pouvoir on n’élude plus la question d’un probable remplacement du « N’nom Ngui »aux manettes de la mécanique Rdpc. Il se susurre qu’à l’issue du renouvellement du sommier politique en cours dans ce parti, le numéro un camerounais va mettre en relief son successeur car le président du Rdpc est le candidat du parti à l’élection présidentielle. Il s’agit là des supputations mais qui sont pris très au sérieux au sein de cette famille politique.
Deux sons de cloche, en attendant ce que le temps livrera, s’opposent. Il y a d’abord le Mouvement citoyen des Franckisites pour la paix et l’unité qui se liguent autour de Franck Biya, pour le soutenir comme le joker de la situation pour remplacer son père au trône. Ses partisans, même s’il n’a rien dit, sont sur le terrain et s’investissent à ciel ouvert pour matérialiser leur vision politique. A peine croyait-on s’être remis de la surprise que voici un autre mouvement en lice, en soutien à Mohamadou Ahidjo, fils du l’ex-président de la République du Cameroun. Comme on le voit, c’est une fissure qui ne dit pas son nom au sein du parti. A côté, il y a le Mouvement dix millions de nordistes qui en dépit de son interdiction par l’administration territoriale, garde bien des adeptes dans le grand nord. Ces derniers croient dur comme fer que le troisième président de la République sera un fils de cette partie du pays. Toute chose qui va compliquer l’équation ou le système d’équations du pouvoir dont les solutions se donnent avec des pôles d’incertitudes considérables. Les pontes du régime ont de ce fait du pain sur la planche pour faire des brioches pour communier à la paix au sanctuaire de la République.
Tourbillon de frictions au sein de l’opposition
Dans ce tourbillon dévastateur d’ententes et de réconciliations, l’opposition politique n’est pas à l’abri. Le plus en vue est le couple Mrc-Agir, ou plus précisément l’entente entre Maurice Kamto et Penda Ekoka. La gestion de la cagnotte de l’initiative humanitaire anti-covid-19 Survie Cameroon survival initiative ( Scsi) est la boîte de Pandore ouverte qui a laissé s’évader toutes les pulsions d’incompréhensions entre les deux hommes. Les 314.000 euros qui s’affichaient comme décalage entre la somme effectivement perçue et celle supposée réellement entrée dans la cagnotte, quoi que explicitée par un consortium d’audits, qu’ils proviennent d’un bug informatique du logiciel de convertisseur de devises, n’a pas toujours tassé la polémique. Dans cette entreprise de désunion, Penda Ekoka en rajoute une couche en disant tout son doute sur les résultats de l’audit. Aujourd’hui, l’amitié ou les affinités politiques tant vantées autrefois entre les deux hommes sombrent peu à peu dans les sentiers battus de l’irréconciliation. Au sein du Sdf, les deux enfants terribles, Joshua Osih et Jean-Michel Nintcheu ont déjà sortis armes et munitions, les troupes se regardant en chiens de faïence, en attendant le Nec de Samedi 8 mai prochain. Présidé par le Chairman Ni John Fru Ndi himself, tous les esprits revanchards sont sur le qui-vive au sein de cette formation politique pour s’entredéchirer.
Vivement samedi prochain pour en savoir un peu plus. Plus encore, il existe une guerre larvée, intarissable entre les partisans du Mrc et ceux du Pcrn. Cette guéguerre est particulièrement virulente sur les réseaux sociaux. On pourrait multiplier à l’envi des exemples dans le biotope camerounais. Cette inimitié se vit aussi entre deux partis politiques de la majorité, précisément l’Undp de Bello Bouba et le Fnsc d’Issa Tchiroma Bakary. Bien entendu, qu’entre le Rdpc et le Mrc, on est au cœur de l’œil du cyclone où la violence est inouïe. Par exemple, Maurice Kamto le leader de ce parti est passé par la case prison avec ses amis pendant neuf mois, avant de connaitre un blocus de quelques mois à sa résidence. Ses lieutenants que sont le Pr Alain Fogue et Olivier Bibou Nissack sont toujours incarcérés aujourd’hui à Kondengui avec des nombreux militants de ce parti, suite aux marches du 22 septembre de l’année dernière. Les nouveaux partis qui naissent, à l’instar du parti de Célestin Djamen, s’est trouvé une spécialité dans la volonté de combattre sans relâche ses amis d’hier que sont le Sdf et le Mrc. Tout un programme. A cette allure, il revient donc aux spécialistes des sciences politiques de recadrer dans le biotope politique camerounais le concept de plus en plus élastique et brumeux de parti politique de l’opposition.