L'Inde est la source de la plupart des enseignements spirituels en vogue. Le Yoga, le Tantra, la méditation, l'éveil, la non-dualité : ces idées n'existeraient pas sans l'Inde. Et ce continent est certes vénéré. Mais il n'est pas connu pour autant.
Le Yoga est populaire. Mais qui étudie le Yoga originel ?
Le Tantra est populaire. Mais qui étudie les tantras ?
Le shivaïsme du Cachemire est populaire. Mais qui lit Abhinavagupta ?
La non-dualité est populaire. Mais qui lit Shankara ?
Pour ma part, je suis partisan d'une approche à la fois traditionnelle ET moderne.
Lire les texte, les étudier : c'est la tradition. Les adapter : c'est la modernité.
D'autant plus que les textes de la tradition du shivaïsme du Cachemire - une tradition d'interprétation du Tantra - incite elle même à adapter, à s'approprier la texture des tantras pour se la rendre vivante. Abhinavagupta affirme explicitement que le Tantra est pour tous, au-delà des lieux et des temps, à condition de transposer et d'adapter. Et cela n'est possible que si l'on critique, que si l'on discrimine, afin de séparer ce qui est particulier de ce qui est universel - tout en sympathisant avec ce particulier. Pas question de fabriquer un ersatz impersonnel et déraciné.
A quoi ressemble l'enseignement traditionnel en Inde ? Car enfin, ce qui passe pour du Tantra aujourd'hui est du New Age, la religion née aux USA au XXe siècle. Et je dis cela avec appréciation pour les aspects positifs du New Age. Il y en a. Toutefois, il ne faut pas tout confondre.
Selon la tradition du Tantra, la raison est "l'auxiliaire suprême du yoga", de l'union a Dieu, de la divinisation. Sans textes, pas de Tantra. Sans tantras, pas de Tantra. Sans lecture, pas de réalisation. Même dans le cas, assez rare, d'un éveil sans aucun contact avec aucun texte, la tradition conseille d'étudier des textes, car c'est en eux et par eux que l'on acquiert le langage qui permet de partager l'intuition spirituelle.
Et cette pratique, cette manière de vivre, au contact de "l'instrument pédagogique" (shâstra) formateur, est basé sur l'expérience, la raison et les textes. Le maître a alors pour mission d'expliquer les textes, de mettre en contact avec l'esprit qui a généré ces textes. Ce royaume a trois portes : la grammaire, la logique et l'art de l'interprétation. C'est une manière de vivre, avec sa discipline quotidienne, ses conditions et ses épreuves.
Et la tradition se transmet par débats, par polémiques, questions et réponses.
Voici un débat, en sanskrit bien sûr (et un peu en hindi), entre partisans de Shankara et de Râmânuja, devant l'une des hautes autorités de l'hindouisme contemporain - et au milieu des bruits de perceuse, à Vrindâvan. Regardez au moins les trente premières secondes, même si vous n'entendez pas la langue :
Le cadre de ce jeu à la fois léger et profond, est celui de l'Art de penser, le Nyâya. Voici une initiation, en anglais, dans la perspective de la culture indienne :